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HEGEL: le « ah » et le « oh » de l'être intime !

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Hors de l'art, le son est déjà, en tant qu'interjection, cri de douleur, soupir, rire, l'extériorisation immédiate la plus vivante d'états d'âme et de sensations, le « ah » et le « oh » de l'être intime. [...] Cependant, l'expression simplement naturelle des interjections n'est pas encore de la musique ; car ces exclamations, certes, ne sont pas des signes arbitraires articulés de représentations au même titre que les éléments phoniques de la parole, et n'énoncent donc pas le contenu d'une représentation dans son universalité en tant que représentation, mais manifestent à même le son et dans le son lui-même une disposition intérieure, une sensation qui se dépose immédiatement dans ces sons, dont l'émission soulage le coeur ; mais cette libération n'en est pas encore pour autant une libération par l'entremise de l'art. La musique, au contraire, doit faire entrer les sensations dans des rapports de sons déterminés, dégager l'expression naturelle de sa rustique spontanéité, de sa grossièreté capricieuse, et la tempérer. Ainsi, les interjections forment bien le point de départ de la musique, mais elle-même ne devient art que comme interjection cadencée, et doit à cet égard soumettre son matériau sensible à un travail artistique préliminaire [...], avant qu'il ne soit en mesure d'exprimer de façon artistique le contenu de l'esprit. HEGEL

• La thèse

 Pour Hegel, l'art est médiation. À quelles conditions peut-on appeler art un produit humain ?

 • Les trois étapes de l'argumentation :

 – « Hors de l'art [...] intime» : l'interjection, c'est la première manifestation intime, immédiate, du son. Comment un son devient-il une musique ? Par la médiation de l'art : telle est la thèse de Hegel.  « Cependant [...] entremise de l'art » : les interjections ne sont pas de l'art, car elles restent à un niveau subjectif. L'art seul parvient à l'universalité objective.  – « La musique [...] esprit » : l'art musical est le résultat du processus de l'art, d'un travail.  

« Hors d e l'art, le son est déjà, en tant qu'interjection, cri d e douleur, soupir, rire, l'extériorisation immédiate la plus vivante d'états d'âme et de sensations, le « ah » et le « oh » de l'être intime.

[...] Cependant, l'expression simplement naturelle des interjections n'est pas encore de la musique ; car ces exclamations, certes, ne sont pas des signes arbitraires articulés de représentations au même titre que les éléments phoniques de la parole, et n'énoncent donc pas le contenu d'une représentation dans son universalité en tant que représentation, mais manifestent à même le son et dans le son lui-même une disposition intérieure, une sensation qui s e dépose immédiatement dans ces sons, dont l'émission soulage le coeur ; mais cette libération n'en est pas encore pour autant une libération par l'entremise de l'art. La musique, au contraire, doit faire entrer les sensations dans des rapports de sons déterminés, dégager l'expression naturelle de sa rustique spontanéité, de sa grossièreté capricieuse, et la tempérer. Ainsi, les interjections forment bien le point de départ de la musique, mais elle-même ne devient art que comme interjection cadencée, et doit à cet égard soumettre son matériau sensible à un travail artistique préliminaire [...], avant qu'il ne soit en mesure d'exprimer de façon artistique le contenu de l'esprit. Questions 1.

Dégagez la thèse de ce texte et les étapes de son argumentation. 2.

a.

Distinguez « exclamations », « signes arbitraires articulés » et sons musicaux.

b.

Expliquez : « exprimer de façon artistique le contenu de l'esprit ». 3.

Y a-t-il un travail de l'artiste ? Question 1 • La thèse Pour Hegel, l'art est médiation.

À quelles conditions peut-on appeler art un produit humain ? • Les trois étapes de l'argumentation : – « Hors de l'art [...] intime» : l'interjection, c'est la première manifestation intime, immédiate, du son.

Comment un son devient-il une musique ? Par la médiation de l'art : telle est la thèse de Hegel. « Cependant [...] entremise de l'art » : les interjections ne sont pas d e l'art, car elles restent à un niveau subjectif.

L'art seul parvient à l'universalité objective. – « La musique [...] esprit » : l'art musical est le résultat du processus de l'art, d'un travail. Question 2 a.

L'exclamation exprime de manière spontanée une émotion, un sentiment.

Elle est brusque, immédiate. – « Signes arbitraires articulés » : la mise en rapport des exclamations entre elles permet de les rythmer, d'exprimer le temps mesuré : le solfège représente cette étape. – Sons musicaux : c'est le stade final où le solfège devient symphonie, devient musique.

La musique devient art grâce à u n «travail artistique préliminaire ». b.

L'art relève d'un accord entre spontanéité créatrice et règles : mais dès la première étape – l'interjection – l'esprit est présent. L'art porte la marque de l'esprit et de la liberté.

L'art est la manière de faire travailler l'immédiateté première.

C'est un processus qui imprime sa for-me au contenu de l'esprit. Question 3 • La question semble incongrue : l'artiste travaille bien puisqu'il produit des oeuvres.

La question est alors de savoir quel est le statut de ce travail. Les idées de peine, de contrainte, de difficulté, d'effort sont liées à celle de travail.

Elles ne sont pas spontanément liées à la notion d'artiste, de créateur.

Le créateur est quelqu'un qui tire quelque chose de rien, il est l'auteur de quelque chose de nouveau. Il n'obéit pas à des règles sociales prédéfinies : la durée légale du temps de travail, des congés payés, etc., ne le concernent pas. Il est d'ailleurs souvent considéré comme un improductif dans le monde du travail. • D'où provient alors la production artistique ? – La création provient de l'inspiration : le poète crée par l'effet d'un don divin.

Dans Ion, Platon pose le problème de l'inspiration artistique et répond que l'artiste travaille mais uniquement par suggestion divine.

L'artiste est le réceptacle de la divinité.

Il n'a donc pas besoin de fournir d'efforts – semble-t-il – pour créer son oeuvre : la Muse pousse l'artiste à sculpter, à peindre.

Lorsqu'il est inspiré, l'artiste perd sa raison, il ne sait pas comment il fait ce qu'il fait.

Cette thématique de l'inspiration, de l'artiste inspiré créant spontanément, est à l'origine du mythe du «poète maudit » au xixe siècle.

L'imaginaire collectif associe alors l'artiste à la marginalité ou au désespoir. – La production artistique, si elle ne naît pas de l'inspiration, extérieure donc à l'artiste, provient du génie de l'artiste lui-même. Kant définit les beaux-arts comme les « arts du génie », et le génie comme « la disposition innée de l'esprit par laquelle la nature donne ses règles à l'art ».

Le génie se caractérise par l'originalité, l'exemplarité et l'incapacité à « indiquer scientifiquement comment il réalise son oeuvre ».

Où se situe alors le travail de l'artiste s'il suit son don ? • Résumons les deux solutions : 1.

La production artistique provient d'une source extérieure à l'artiste, une source divine, une Muse, un souffle émanant d'un être surnaturel, un souffle créateur. 2.

La production artistique provient du génie de l'artiste, de ses dispositions naturelles.

Il a un don.

D'un côté, la création naît du surnaturel ; de l'autre, du naturel.

Peut-on alors appeler travail la production de l'artiste qui semble créer, poussé par quelque chose qui le dépasse ou par son talent naturel ? • Il y a pourtant un véritable travail de l'artiste : c'est sa confrontation avec le réel, avec le matériau, que ce soit la pierre, la toile, les mots, les couleurs, les sons, etc.

Qu'il soit inspiré ou qu'il ait un don, si l'artiste ne travaille pas, son inspiration ou son don resteront au stade de potentialités.

On peut donc affirmer qu'il y a un travail de l'artiste.

C'est ce travail qui donne corps à l'idée, à la vision que le créateur porte en lui.

C'est ce que dit aussi Hegel dans ce texte.. »

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