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Fondement du droit de propriété ?

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« 1.

Fondement du droit de propriété.

- a).

L'instinct et le besoin.

— Nous devons remarquer d'abord que la propriété répond à l'un de nos instincts les plus naturels : l'enfant aime à dire siens les objets qui lui plaisent; dans les biens dont il peut disposer à son gré, l'homme voit volontiers comme un prolongement de sa personnalité même. — La propriété répond, de plus, à un besoin nécessaire, car, sans le droit de nous approprier les fruits de notre travail, nous ne pourrions même pas nous nourrir et nous vêtir.

— Toutefois, ni l'intérêt, ni l'instinct ne sauraient suffisamment la justifier : si l'instinct est souvent.

l'indice d'un droit, il n'en est jamais la raison; quant au besoin et à l'intérêt, comment pourraient-ils le légitimer, puisqu'ils sont continuellement en conflit avec les besoins et les intérêts de nos semblables? b).

La première occupation.

— On peut supposer qu'à l'origine des sociétés, lorsque les hommes étaient encore peu nombreux, un tel conflit n'existait pas.

La terre et les fruits qu'elle porte n'ayant été appropriés par personne, celuila en devenait le propriétaire légitime, qui s'en emparait le premier.; aussi certains philosophes ont-ils vu dans ce fait de la première occupation, l'origine et le véritable fondement de la propriété.— Ce qui est vrai, c'est que ce fait en est la condition nécessaire : je ne puis détourner à mon profit ce qui déjà appartient à d'autres.

Mais, de ce qu'un objet n'est possédé par personne, nous ne saurions conclure qu'il peut être possédé par nous, car l'absence des droits d'autrui ne suffit jamais à constituer un droit en notre faveur.

En outre, ce droit du premier occupant jusqu'où peut-il s'étendre? à toute terre actuellement disponible, ou à la partie seulement qui est utile à nos besoins? Si nulle règle n'en fixe les limites, n'est-il pas à redouter qu'il devienne dangereux pour la société elle-même? c).

La loi.— Montesquieu et Bentham croient échapper à ces difficultés, en faisant reposer sur la loi civile le droit de propriété.

a Avant les lois, dit Bentham, il n'y a pas de propriété; ôtez les lois, toute propriété cesse.

» Une chose n'est véritablement nôtre qu'après avoir été reconnue pour telle par l'autorité publique. Cette explication nous paraît plus insuffisante encore que la précédente, car elle accorde à la loi une vertu qu'elle ne saurait avoir.

— Il ne faut pas oublier que si la loi a pour mission de protéger le droit, elle est impuissante à le fonder ; elle en est plutôt la conséquence que la cause.

La loi me protège dans ma vie, dans ma liberté et dans mon honneur; mais admettons qu'elle n'existe point, mon honneur, ma liberté et ma vie n'en seront pas moins respectables.

De même, c'est elle qui sauvegarde mon droit de propriété, mais ce droit me vient d'ailleurs : elle ne peut pas plus le créer, qu'elle ne peut le détruire.

C'est là ce que Portalis a bien mis en lumière : a Les propriétés, dit-il, ne sont la matière des lois que comme objet de protection et de garantie, et non comme objet de disposition arbitraire.—Les lois, ajoute-t-il, ne sont pas de purs actes de puissance; ce sont des actes de justice et de raison. Quand le législateur publie des règlements sur les propriétés particulières, il n'intervient pas comme maître, mais uniquement comme arbitre, comme régulateur pour le maintien du bon ordre et de la paix. d).

La liberté et le travail — Le véritable fondement du droit de propriété, c'est la liberté et le travail; sa justification, le caractère inviolable de la personne humaine. Par cela même qu'il leur est naturellement supérieur, l'homme peut, sans aucun doute, utiliser à son profit les objets que nul encore ne s'est appropriés.

Ce droit est celui qu'a la personne sur les choses, l'être raisonnable et libre, sur ceux qui ne le sont pas.

En les soumettant à sa volonté pour les faire servir à son bien-être et au progrès de tous, il ne fait qu'achever l'oeuvre de la création.

» Or, parmi les choses dont il a besoin, s'il en existe que l'homme peut se procurer sans effort, comme l'air qu'il respire, il en existe, au contraire, que le travail seul procure, et ce sont les plus nombreuses.

Sans le travail, ni les fruits de la terre, ni ses plantes, ni ses animaux ne serviraient, comme ils le font, à notre usage de chaque jour; sans lui, le sol ne produirait que de maigres moissons et des récoltes incertaines.

C'est donc à son activité que l'homme doit le plus grand nombre de ses richesses, et, comme il a contribué à leur production, il est bien légitime qu'il puisse les considérer comme siennes, sans que nul ait le droit de les lui disputer.

Il est légitime que je m'attribue les fruits que j'ai cueillis, le poisson ou le gibier que j'ai pris dans mes filets, la moisson qui, sans moi, n'aurait jamais germé; il est légitime même que je considère comme ma propriété la pierre ou le métal dont j'ai fait des outils, et le sol que j'ai enclos, après l'avoir fertilisé par mes labeurs.

En me les appropriant je n'ai fait tort à personne; je dois donc pouvoir en disposer à mon gré. 2.

Objections contre le droit de propriété.

Communisme et socialisme.

— Bien que nul droit ne paraisse plus solidement établi, on l'a cependant violemment combattu et on le combat encore, tant au nom de l'expérience et de l'histoire, qu'au nom de la raison. L'histoire ne nous montre-t-elle pas que la propriété a toujours été la cause des guerres qui ont ensanglanté le genre humain, le point de départ de toutes les violences, de toutes les conquêtes iniques, de toutes les haines qui divisent non seulement les peuples, mais les individus? Or, suivant J.-J.

Rousseau, il en sera toujours ainsi, tant que les hommes s'attribueront à eux seuls des biens qui devraient rester la propriété de tous.

— Il est bien vrai que si la propriété n'existait pas, quelques-uns de ces maux nous seraient épargnés; mais faut-il condamner tout ce qui peut exciter la convoitise des hommes, provoquer des querelles et rendre possible l'injustice? L'argument qu'on invoque ici ne tend à rien moins qu'à amnistier tous les voleurs et à blâmer tous les volés ; si vos richesses ne m'avaient pas séduit, je n'aurais point songé à vous les dérober.

Généralisée, cette théorie pourrait, au point de vue social, conduire à de merveilleux résultats. Conclusion Les choses nous semblent moins « nobles » que les personnes.

Ne sont-elles réellement qu'un obstacle à la compréhension entre les hommes ? Saint Augustin disait que l'âme s'égarait en se dispersant dans les choses, et Marx dit que le communisme proclamera la « déchéance de la catégorie de l'avoir », les choses ne cessant de diviser les hommes qu'en cessant d'être possédées.

Mais notre essence d'hommes ne fait-elle pas de nous solidairement des êtres de besoins et de désirs ? Dès lors, comment la relation à l'autre pourrait-elle faire abstraction du monde des choses ? Si l'activité humaine centrée sur le monde des choses les rabaisse au rang de marchandises, l'introduction des choses dans le champ des relations humaines ne les élève-t-elle pas au rang de signes ?¦. »

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