Faut-il suivre la mode ?
Extrait du document
«
[Ne pas suivre la mode, c'est à l'ostracisme social.
La mode, en tant que recherche de la beauté, fait partie
des agréments de l'existence.]
Mon existence dépend du regard d'autrui
Nos comportements sont pour la plupart mimétiques, imitatifs.
Notre vie durant, autrui sera toujours un modèle,
mais aussi celui qui nous reconnaît et nous accorde une identité.
Refuser de suivre la mode, c'est prendre le
risque de s'exclure d'une communauté sociale.
Sartre montrera cette omniprésence et cette omnipotence du
regard d'autrui sur ma propre identité.
Sur la question d'autrui, Sartre souligne que seul Hegel s'est vraiment
intéressé à l'Autre, en tant qu'il est celui par lequel ma conscience
devient conscience de soi.
Son mérite est d'avoir montré que, dans mon
être essentiel, je dépends d'autrui.
Autrement dit, loin que l'on doive
opposer mon être pour moi-même à mon être pour autrui, « l'être-pourautrui apparaît comme une condition nécessaire de mon être pour moimême » : « L'intuition géniale de Hegel est de me faire dépendre de
l'autre en mon être.
Je suis, dit-il, un être pour soi qui n'est pour soi que
par un autre.
»
Mais Hegel n'a réussi que sur le plan de la connaissance : « Le grand
ressort de la lutte des consciences, c'est l'effort de chacune pour
transformer sa certitude de soi en vérité.
» Il reste donc à passer au
niveau de l'existence effective et concrète d'autrui.
Aussi Sartre
récupère-t-il le sens hégélien de la dialectique du maître et de l'esclave,
mais en l'appliquant à des rapports concrets d'existence : regard, amour,
désir, sexualité, caresse.
L'autre différence, c'est que si, pour Hegel, le
conflit n'est qu'un moment, Sartre semble y voir le fondement constitutif
de la relation à autrui.
On connaît la formule fameuse : « L'enfer, c'est
les autres ».
Ce thème est développé sur un plan plus philosophique
dans « L'être & le néant ».
Parodiant la sentence biblique et reprenant
l'idée hégélienne selon laquelle « chaque conscience poursuit la mort de
l'autre ».
Sartre y affirme : « S'il y a un Autre, quel qu'il soit, quels que
soient ses rapports avec moi, sans même qu'il agisse autrement sur moi que par le pur surgissement de son
être, j'ai un dehors, une nature ; ma chute originelle, c'est l'existence de l'autre… »
J'existe d'abord, je suis jeté dans le monde, et ensuite seulement je me définis peu à peu, par mes choix et par
mes actes.
Je deviens « ceci ou cela ».
Mais cette définition reste toujours ouverte.
Je suis donc
fondamentalement libre « projet », invention perpétuelle de mon avenir.
Et je suis celui qui ne peut pas être
objet pour moi-même, celui qui ne peut même pas concevoir pour soi l'existence sous forme d'objet : « Ceci
non à cause d'un manque de recul ou d'une prévention intellectuelle ou d'une limite imposée à ma
connaissance, mais parce que l'objectivité réclame une négation explicite : l'objet, c'est ce que je me fais ne
pas être… »
Or je suis, moi, celui que je me fais être.
Et c'est précisément parce que je ne suis que pure subjectivité et
liberté, que le simple surgissement d'autrui est une violence fondamentale.
Peu importe qu'il m'aime, me haïsse
ou soit indifférent à mon égard.
Il est là, je le vois et je découvre que je ne suis plus centre du monde, sujet
absolu.
Il me voit, et avec son regard s'opère une métamorphose dans mon être profond : je me vois parce
qu'il me voit, je m'appréhende comme objet devant une transcendance et une liberté.
Si chaque conscience est une liberté qui rêve d'être absolu, elle ne peut que chercher à transformer la liberté
de l'autre en chose passive.
Sartre illustre d'abord ce conflit à travers l'expérience du regard.
Qu'est-ce qui, en
effet, me dévoile l'existence d'autrui, sinon le regard ? Si je regarde autrui, ce dernier me regarde aussi.
C'est
la raison pour laquelle Sartre envisage les deux moments.
Dans un premier moment, je vois autrui.
Imaginons : « Je suis dans un jardin public.
Non loin de moi, voici une
pelouse et, le long de cette pelouse, des chaises.
»
Situation paisible.
Le décor est neutre, la trame est inexistante : « Un homme passe près des chaises.
Je vois
cet homme… »
Finie la quiétude ! Pourquoi ? Tout simplement parce que je ne le saisis pas seulement comme un objet, mais
aussi et en même temps comme un homme.
Si je pouvais penser qu'il n'est rien d'autre qu'un objet, un
automate, par exemple, je le saisirais « comme étant « à côté » des chaises, à 2,20 m de la pelouse, comme
exerçant une certaine pression sur le sol, etc.
».
Autrement dit ce ne serait pour moi qu'un objet comme les.
»
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