Faut-il favoriser la liberté de l'interprétation ?
Extrait du document
«
Discussion :
Une telle question heurte plus ou moins l'élève ou l'étudiant qui, soumis à une longue pratique pédagogique, a appris
depuis longtemps que la liberté de l'interprétation ne lui était pas laissée.
En principe, il y a une multitude
d'interprétations (c'est ce qu'enseigne la classe de lettres par exemple), dans les faits il n'en demeure qu'une bonne
et recevable qui se confond avec la parole du maître.
Suggestion de plan :
Première partie : L'interprétation n'est pas explication
Il faut distinguer l'interprétation de l'explication.
Expliquer, c'est énoncer la loi selon laquelle un effet suit
nécessairement une cause.
L'interprétation nous place au contraire face à la pluralité des raisons pourquoi ce qui se
manifeste se manifeste ainsi qu'il se manifeste : une même cause peut produire une infinité d'effets et un même
effet peut être la manifestation d'une infinité de causes.
Le travail interprétatif est toujours travail de reconstruction a posteriori.
Expliquer une pensée, c'est croire, à
tort, à la possibilité d'une explication unique qui pourrait l'emporter sur les autres et même mettre fin à la diversité
des réponses, comme le précise Nietzsche dans Le gai savoir.
Envisager la philosophie sous l'angle d'un travail
infini d'interprétation, c'est reconnaître le pluralisme comme inhérent à la vie ; c'est subordonner la recherche de
la vérité à celle du sens.
Pour Nietzsche, c'est notre rapport, affectif, à la vérité qui mérite d'être questionné.
« Il
n'existe pas de phénomènes moraux, mais seulement une interprétation morale des phénomènes.
» Nietzsche, Pardelà le bien et le mal.
On sait ce que j'exige du philosophe : se placer par-delà Bien et Mal — être
au-dessus
de
l'illusion
du
jugement
moral.
Cette
exigence
est
la
conséquence d'une considération que j'ai été le premier à formuler : savoir
qu'il n'existe absolument pas de faits moraux.
Le jugement moral a ceci de
commun avec le jugement religieux qu'il croit à des réalités qui n'en sont
pas.
La morale n'est qu'une interprétation de certains phénomènes ou, pour
parler plus exactement, une interprétation fausse.
Le jugement moral,
comme le jugement religieux, ressortit à un stade de l'ignorance où l'idée
même de réel, la distinction du réel et de l'imaginaire font encore défaut :
de sorte qu'à ce stade, le mot de « vérité » désigne tout simplement des
phénomènes que nous appelons aujourd'hui « illusions de l'imagination ».
Dans ces conditions, il ne faut jamais prendre le jugement moral au mot :
comme tel, il ne renferme jamais que du non-sens.
Mais il n'en garde pas
moins une valeur inestimable en tant que sémiotique : il révèle, au moins
pour celui qui s'y connaît, les réalités les plus précieuses des civilisations et
des âmes profondes qui n'en savaient pas assez pour se comprendre elles-mêmes.
La morale n'est qu'un discours
codé, qu'une symptomatologie : il faut déjà savoir de quoi il retourne chez elle pour en tirer parti.
NIETZSCHE
• Le problème posé par le texte
Les morales — qu'elles soient religieuses ou non — distinguent des actes comme bons et d'autres comme mauvais.
Nietzsche interroge ici la validité et le sens de ces distinctions.
Il se demande ce que valent les jugements moraux.
• Le raisonnement
1 – « Se placer par-delà Bien et Mal », telle est la tâche du philosophe nietzschéen.
Or, « Bien » et « Mal »
n'existent que dans le langage : « Il n'y a pas de faits moraux ».
Les faits, en l'occurrence les actions des hommes,
ne sont ni bons ni mauvais ; ils n'ont aucune valeur intrinsèque.
La morale consiste en une interprétation de ces
faits neutres, en leur évaluation.
C'est elle-même qui accorde telle ou telle valeur à un acte et s'imagine ensuite que
cette valeur était dans la chose.
Elle ne distingue pas ce qui est réel de ce qui est un jugement sur le réel..
»
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