FAUT-IL ÊTRE SEUL POUR ÊTRE SOI-MÊME ?
Extrait du document
«
Problématique:
On ne se développe qu'au contact des autres, qui pourtant nous aliènent.
Le développement d'une
personnalité libre est donc impossible dans la soumission aux autres comme dans la solitude absolue.
Seule la solitude permet de me retrouver
Les sagesses font souvent l'éloge de la solitude.
Le sage n'est-il pas celui qui vit loin des agitations du monde,
des vanités terrestres ? "Vanité, tout n'est que vanité" disait déjà l'Ecclésiaste.
Seul avec moi-même, je peux
me connaître tel que je suis, sans fard, ni faux-semblants.
Cette connaissance me permet alors d'exister
authentiquement, non en fonction des autres, mais par rapport à ma nature profonde et véritable.
Heidegger
critiquera à cet égard la "dictature du ON".
C'est dans « Etre & Temps » qu'Heidegger est amené à analyser notre
mode d'être quotidien et médiocre, qu'il caractérise par la « dictature
du On », c'est-à-dire le fait que l'opinion publique, la façon commune de
vivre ensemble, nous déchargent de toute responsabilité et nous
empêchent d'être nous-mêmes.
Heidegger entreprend de remettre en chantier une question, celle que
l'histoire de la philosophie aurait « oubliée » et recouverte : la question
du sens de l'Etre.
Pour ce faire, il juge nécessaire d'expliciter ce qu'est
l' « étant » pour qui une telle question se pose.
C'est-à-dire, pour
l'exprimer grossièrement, ce qu'est l'homme, ou plus précisément ce
qu'Heidegger nomme le « Dasein ».
Selon Heidegger, nous ne sommes pas d'abord des sujets isolés, comme
le suggérait Descartes, mais nous sommes toujours présents au monde,
et par là même avec autrui.
L'être en commun, l'appartenance au
monde sont donc des données originaires.
Loin qu'un sujet isolé et
assuré de lui-même vienne à la rencontre d'autrui : « Le monde est à
chaque fois toujours déjà celui que je partage avec les autres.
Le
monde du Dasein est un monde commun.
» En ce sens, la solitude et
l'isolement sont des modes dérivés et secondaires de cette commune
appartenance au monde.
Mais, si l'on procède à l'analyse de ce qu'est le « Dasein » médiocre,
immergé dans la quotidienneté , dans ses rapports les plus fréquents avec les autres, ce qui se révèle est
précisément le fait que « chacun est l'autre et nul n'est lui-même », c'est-à-dire que « dans le quotidien ce
qui se révèle c'est un mode d'être inauthentique, une perte de soi.
»
Les analyses de la façon commune et habituelle d'être ensemble montrent que nous avons à subir une sorte
de pression de la masse, du « on », qui manifeste en chacun de nous la possibilité de perdre ou de recouvrir
ce que nous sommes, pour nous décharger de nos responsabilités et nos possibilités les plus propres, en nous
réfugiant derrière l'opinion publique.
« Dans la préoccupation pour ce qu'on a entrepris avec, pour, et contre les autres, se manifeste
constamment le souci d'une différence vis-à-vis des autres.
»
En ce sens, consciemment ou pas se manifeste en nous une sorte d'amour-propre, ou, si l'on veut, de «
distance » à l'égard de l'autre.
C'est précisément ce type de préoccupation qui nous place, là encore le plus
souvent à notre insu, « sous l'emprise d'autrui ».
Dans la mesure même où nous nous préoccupons du monde
public, nous subissons son emprise : alors même que nous souhaitons faire preuve de distance, ce souci
manifeste notre dépendance non pas à l'égard de tel ou tel, d'un être déterminé, mais à l'égard du public, du «
On ».
« Dans l'utilisation de transports publics, dans l'emploi de l'information, tout ressemble à l'autre.
Nous nous
réjouissons comme on se réjouit, nous voyons, nous lisons et nous jugeons de la littérature et de l'art comme
on voit et juge, plus encore nous nous indignons de ce dont on s'indigne.
»
Ce qui est bien sûr remarquable, c'est que ce « On » n'est littéralement personne, il n'est en aucune façon «
quelqu'un », et là réside sa puissance.
Il ne s'agit pas de quiconque nous imposant quelque chose, il s'agit de
notre propre alignement sur un mode d'être commun et essentiellement médiocre, dans lequel notre véritable «
qui » se perd et se dilue.
« C'est dans cette non-imposition et cette imperceptibilité que le On déploie sa
véritable dictature.
»
Vivre sous le règne du On, c'est d'abord se réfugier dans la médiocrité de l'anonymat, mais c'est par suite,.
»
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