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Faut-il enterrer le passé ?

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« Enterrer quelque chose ou quelqu'un, c'est l'enfouir dans la terre, entendons loin de soi, de la surface visible.

Une bonne part des choses que nous enterrons le sont pour la simple raison qu'elles ne peuvent et ne doivent pas rester accessible au regard.

On enterre ce qui doit rester secret, ce qui doit être tû.

Si l'on prend l'exemple d'une corps, sa décomposition et tout l'aspect déplaisant que cela représente, échappera à notre regard.

Mais si l'on prend cet exemple comme modèle d'enterrement, nous sommes à vrai dire bien vite surpris.

Le corps que l'on enfouie sous terre n'est pas pour autant oublié.

Il a une destiné en dehors de son cercueil, les hommes à la surface continuent de se le représenter.

Comme nous le rappelle Edgar Morin dans son ouvrage L'homme et la mort, il y a une étonnante proportion entre le temps de décomposition d'un cadavre, et celui du deuil du disparu.

Ce qui se passe sous terre en terme biologique, ou physico-chimique, se retransmet dans le même temps en termes mentaux chez ceux qui continuent de vivre après le décès de leur proche.

Nous n'oublions pas ce que nous enterrons, nous lui donnons un autre sens.

Le fait qu'il demeure loin des yeux entraîne l'esprit à créer des représentations nouvelles, détachées de la réalité empirique.

Le corps décomposé est oublié au profit de l'apparition d'autre chose, les souvenirs par exemple qui survivent dans l'esprit de ceux qui ont partagé son existence, sa destiné dans un paradis ou un enfer religieux.

Une coutume japonaise consistait à planter un arbre près du corps que l'on enterre: ainsi, la sève, l'écorce seraient nourris du processus de décomposition du cadavre.

L'homme mort continuerait de cette façon à exister à travers la croissance et la vie de l'arbre planté: ce qui est laissé en hors-champ continue ainsi à inspirer ce qui se passe au coeur du champ, l'absence continue de se signaler à travers l'existence de ceux qui survivent mais sous une autre forme, une forme adaptée.

Il s'agit donc de ne pas confondre « enterrer » son passé et « l'oublier »: nous le voyons, enterrer quelque chose n'implique pas forcément qu'il disparaisse de notre esprit, mais plutôt qu'il persiste sous une autre forme.

Nous nous poserons peut-être même la question de savoir si nous n'enterrons pas les choses pour mieux nous les représenter, si nous ne les cachons pas pour mieux les voir? I.

La psychanalyse: une quête de lucidité Que nous le désirions ou non, notre esprit demeure selon la psychanalyse, un fossoyeur.

Il enterre malgré nous, parfois même sans même que nous nous en rendions compte, certains épisodes de notre existence, qui demeurent ainsi hors de nos souvenirs.

Le fait est que certaines choses représentent un danger grave pour le maintient de l'équilibre psychique, ils générent un déploiement d'énergie psychique trop intense pour être conservés dans le champ de la conscience.

Ils sont ainsi refoulés dans une zone qui demeure inaccessible à la conscience: l'inconscient, encore appelé dans la deuxième topique freudienne le ça.

Cette dynamique de l'oublie serait « pratique » si elle ne représentait pas un revers plus inquiétant.

Ce qui se charge en nous de ce mécanisme de refoulement, c'est une censure, le surmoi qui incarne en notre esprit l'intériorisation des règles et lois parentales et sociétales.

Avant d'aller plus en avant, analysons deux exemples freudiens dans les Cinq leçons sur la psychanalyse, et tentons de comprendre pourquoi l'esprit ne parvient en fait jamais à éradiquer ce qui le dérange. Notre premier exemple concerne une patiente de Freud qui présente des troubles psychiques depuis la disparition de sa propre soeur.

A première vue, on est facilement tenté croire qu'il s'agit d'un deuil difficile.

En vérité, Freud apprend bien vite que sa patiente nourrissait des sentiments très forts pour le mari de sa soeur.

Lorsque cette dernière est décédée, sa première et plus spontanée pensée fût de se dire « Maintenant, il est enfin pour moi ».

Ce qui représente en cette patiente les règles morales socio-parentales, l'encouragea bien vite à occulter définitivement cette « horrible » pensée avec une force terrible, si bien que ce fût l'entièreté des sentiments qu'elle nourrissait à l'endroit de son beau-frère qui furent enterrés, rejeté dans son inconscient.

Mais cette patiente souffre aujourd'hui de cette occultation, ce qui nous amène au deuxième exemple freudien. Supposons, nous dit Freud lors d'une de ses conférences, qu'un individu dans l'audience dérange le déroulement de son exposé.

Il fait des réflexions à haute voix, et crit même son mécontentement.

Freud demande alors à deux personnes de l'assistance de le « jeter »dehors après plusieurs remontrance à l'individu même qui demeurent sans effet sur lui.

Nous avons ici une analogie parfaite du mécanisme de refoulement psychique.

Mais voilà qu'un fois dehors cet individu continue à crier, tape sur la porte de l'extérieur (...): il continue, malgré son « refoulement » à déranger, à avoir une incidence sur la conférence.

De même, le souvenir rejeté dans l'inconscient continue à vouloir s'exprimer dans le champs de la conscience.

Il trompe la censure, se déguise pourrions nous dire, pour apparaître dans la conscience sous la forme d'un symptome psychique.

Ce retour de ce qui a été refoulé nous enseigne que rien ne s'oublie, que ce qui a été enterré, rapparaît sous une autre forme.

La psychanalyse encourage donc le patient à retrouver, puis à se représenter, à faire sien ce qui ne pouvait jadis demeurer dans le champs de la conscience et qui à présent la dérange sans qu'il est conscience du pourquoi de cette gêne, sans qu'il puisse en identifier l'origine. II.. »

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