Faut-il enterrer le passé ?
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«
Introduction
Par définition, le passé n'est plus.
Pourtant, le passé peut nous hanter, nous tourmenter, nous encombrer ; on peut
rester nostalgiquement attaché à son souvenir.
Autrement dit, le passé peut être encore présent à la conscience.
Que faire du passé qui ne passe pas ? Que faire de la persistance du passé dans le présent de la conscience ? On
peut décider de l'oublier.
N'est-ce pas seulement à cette condition d'ailleurs qu'un vrai face à face avec le présent
est possible ? Il n'est pas sûr pourtant qu'il suffise de décider de ne plus penser au passé pour pouvoir le faire
disparaître effectivement du champ de la conscience.
En outre, la mémoire est sans doute au coeur même de notre
existence.
L'homme se distingue par le souci de ses origines, son goût pour l'histoire.
Il se pourrait alors qu'enterrer
le passé, ce soit pour lui s'ensevelir lui-même, nier une dimension essentielle de son humanité.
Avant de décider s'il
convient d'enterrer ou non le passé, il faut donc se demander s'il est possible de rompre avec la mémoire du passé ?
Ou bien si on se paye de mots quand on prétend « tourner la page » ?
1.
On peut décider de rompre avec le passé
A.
En quel sens peut-on « tourner la page » ?
Que nous puissions parfois « tourner la page » semble indiquer que le passé n'est pas un destin, une réalité
incontournable qui s'impose absolument à nous.
Il ne s'agit pas de contester le caractère irrévocable et irréversible
du passé : ce qui est fait est fait.
La liberté dont nous disposons vis-à-vis du passé ne consiste pas à le nier ni à le
falsifier, mais à le considérer autrement.
C'est notre rapport au passé qui peut changer, pas le passé en lui-même.
Un passé qui n'est pas enterré est un passé en lequel le sujet se reconnaît encore, qui est encore à l'image du
présent, autrement dit qui n'est pas vraiment « passé », révolu.
B.
Exemples
Beaucoup de saints par exemple ont connu, avant de se convertir à la religion chrétienne, une vie dissolue
(Augustin, Ignace de Loyola, fondateur de l'ordre des Jésuites...).
Leur conversion a fait de cette époque de leur vie
un simple souvenir qui ne les concerne pratiquement plus : le saint est devenu étranger à sa première vie de
débauche.
Enterrer son passé, c'est aussi ce que peut faire un criminel qui décide de ne plus l'être.
II ne s'agit pas
davantage ici de reconstruire le passé ou de le fuir, mais seulement de ne plus se sentir vraiment concerné par lui.
Un passé enterré est un passé dans lequel on ne lit plus son avenir, un passé mort.
C.
L'homme n'est pas prisonnier de son passé
Si nous ne sommes pas prisonniers de notre passé, c'est qu'il dépend de nous de lui fixer son sens et sa valeur.
On
reste lié à un passé que l'on interprète comme l'expression de son être, de sa nature immuable.
Le passé, vécu de
cette manière, contient alors déjà tout l'avenir, un avenir qui s'annonce comme une répétition.
2.
On ne rompt pas avec le passé
Nous venons de dire qu'« enterrer » le passé pouvait signifier le faire mourir, changer au point que le présent vivant
ne lui ressemble plus du tout.
Mais cette façon d'enterrer un passé ne supprime pas la dimension du passé en ellemême.
Les convertis ne reculaient pas devant la confession de leurs anciennes débauches : le passé, enterré au
sens où nous l'avons entendu, n'est pas un passé oublié, effacé.
Il semble bien qu'en tant que dimension de la
conscience, le passé soit incontournable.
A.
La mémoire, principe d'existence
Tout homme élabore, à mesure qu'il avance dans la vie, le récit de son passé.
Cette construction individuelle
dépasse le simple souvenir personnel et intègre en général des éléments du récit familial, par exemple ce qui
concerne les circonstances de la naissance.
À l'échelle collective, les peuples fabriquent aussi leur passé, à travers
des mythes ou, de manière plus rationnelle, à partir des travaux d'historiens.
Au-delà même du simple souvenir, la
conscience humaine semble avoir besoin d'une représentation de son passé, de ses origines.
Loin de vouloir l'effacer,
l'enterrer, elle veut le mettre au jour, l'exhumer, le conserver.
Est-il possible, dans ces conditions, d'enterrer le
passé ?
B.
On peut enterrer une partie de son passé
Si les hommes sont toujours soucieux d'élaborer une mémoire ou un savoir de leur passé, il leur est toujours aussi
possible de le faire en étant plus ou moins respectueux des faits.
Une mémoire peut trahir, reconstruire, évacuer par
exemple les épisodes peu glorieux du passé.
C'est une façon de les « enterrer ».
Il semble ainsi possible d'annuler le
passé, de le refouler en falsifiant la mémoire.
Il revient aux historiens de corriger les points aveugles de la
conscience collective d'un peuple, de démasquer les mystifications de l'histoire officielle par exemple.
Dans le cas de
la mémoire individuelle, cette critique est plus difficile.
L'honnêteté des efforts de remémoration ne suffit pas.
Une
fois refoulé, le passé n'est en effet plus à la disposition de la conscience.
Il n'est pas pour autant complètement
mort.
C.
Le passé « enterré » refait surface
C'est à la psychanalyse qu'il est revenu d'établir, sur le plan psychologique, comment ce qui du passé est refoulé,
continue à être vivace et à avoir des effets psychiques perturbant le présent de la conscience (symptômes).
Mais
on peut observer un mécanisme analogue à l'échelle d'un peuple : ce qui du passé collectif est réprimé, occulté, finit.
»
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