Faut-il douter de tout ?
Extrait du document
«
[Les instruments de la connaissance - sens et raison - sont trompeurs, il faut donc douter de tout.
Nous
ne pouvons pas tenir compte de nos sens, qui sont trompeurs, et de la raison, qui n'est pas fiable.
Il faut
commencer par douter de tout.
Le premier pas vers la vérité est le scepticisme, qui nous détourne de
l'erreur.]
Les sens ne sont pas infaillibles
Si les sens étaient infaillibles, des objets identiques donneraient des impressions identiques.
Nos visions du
monde ne seraient pas multiples et contradictoires.
Or, tel n'est pas le cas.
La sensation du miel est agréable
aux uns, désagréable aux autres.
Tout discours sur le miel, à partir de nos sensations, fait seulement
apparaître des affirmations contradictoires.
Les informations des sensations ne font pas apparaître la vérité.
Du miel en soi nous ne pouvons donc rien dire.
La vérité n'est pas accessible par la sensation, et nous
pouvons affirmer que douter des sens est nécessaire.
La raison n'est pas fiable
Si le vrai est l'affaire de la raison, les hommes raisonnables s'accorderaient sur certaines affirmations.
Pourtant, dans les conceptions intellectuelles, on ne voit que des contra-dictions.
Quand Héraclite réfléchit
sur le réel, il dit que tout est changement.
A partir de la même réflexion, Parménide arrive à la conclusion que
rien ne change.
L'activité de la raison ne parvient qu'à mettre en évidence de nouvelles contradictions.
Le
sceptique affirme qu'il est impossible à la raison d'affirmer ou de nier quoi que ce soit, elle ne peut parvenir à
la connaissance vraie des réalités.
Il doutera donc des affirmations de la raison.
«Tout échappe à la
compréhension», dit Sextus Empiricus.
SUPPLEMENT : Les arguments des sceptiques grecs.
Tout au contraire, le scepticisme absolu des pyrrhoniens et de leurs disciples n'est pas un point de départ
mais une conclusion –la conclusion d'échec- au terme de l'aventure du savoir.
Enésidème avait groupé les arguments sous dix titres ou « tropes que Sexus Empiricus réduisit à cinq.
Il
faut connaître ces arguments qu'on retrouve chez Montaigne, chez Pascal et chez Anatole France.
(a) La contradiction des opinions.
Les sophistes grecs frappés par la contradiction des opinions des philosophes (par exemple : Héraclite disait
que le réel n'est que changement, alors que Parménide niait le changement) aboutissent à la conclusion
pessimiste que la vérité (qui devrait être universelle) est inaccessible.
Les sceptiques ont été parfois de
grands voyageurs qui, à force d'avoir vu les gens les plus divers professer des opinions contradictoires,
adopter des valeurs différentes, ne croient plus à rien.
Pyrrhon avait par exemple accompagné le conquérant
Alexandre dans un grand nombre de ses expéditions.
Montaigne avait visité l'Allemagne, l'Italie, mais avait
surtout dans sa « librairie » voyagé parmi des systèmes philosophiques innombrables et tous différents.
Pascal
reprend les thèmes de Pyrrhon et de Montaigne : « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà.
»
(b) La régression à l'infini.
Une vérité ne peut pas être acceptée sans preuves comme telle car il n'existe pas un signe du vrai
« comparable à la marque imprimée sur le corps des esclaves et qui permet de les reconnaître quand ils sont
en fuite.
» Mais si je propose une preuve pour une affirmation, le sceptique me dira « Prouve ta preuve ».
ainsi la preuve qu'on apporte pour garantir l'affirmation a besoin d'une autre preuve et celle-ci d'une autre à
l'infini.
Pour connaître la moindre chose je suis d'autre part contraint de remonter à l'infini, c'est-à-dire de mettre ce
donné en rapport avec une infinité d'autres faits.
Car chaque chose est relative à toutes les autres et pour
connaître le moindre objet il faudrait connaître son rapport avec tout l'univers.
Nous ne connaissons le tout de
rien, ce qui revient à ne connaître rien du tout.
(c) La nécessité d'accepter des postulats invérifiables.
Ne pouvant remonter de preuve en preuve à l'infini, l'esprit accepte toujours sans démonstration un point de
départ qui est une simple supposition et dont la vérité n'est pas garantie.
(d) Le diallèle (les uns par les autres)..
»
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