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Faut-il douter de tout ?

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« Termes du sujet: DOUTE: État de l'esprit quand nous nous demandons si un fait est réel ou non, si une proposition est vraie ou non.

Douter n'est pas nier : la négation est une certitude, le doute revient à admettre qu'on ne sait pas. Faut-il ?: est une question qui peut se poser à deux niveaux : • la nécessité (physique / matérielle / naturelle / économique / psychologique / sociale), c'est-à-dire la contrainte des choses. • l'obligation morale, le devoir.

Doit-on ? [Introduction] C'est très quotidiennement que le doute peut, au moins partiellement, s'imposer à une personne.

Face à un spectacle étonnant, doit-elle, par exemple, « en croire ses yeux » ? Ne convient-il pas au contraire qu'elle doute d e sa perception et d e s a vérité ? La philosophie entend classiquement être une attitude critique, capable de tout interroger et de tout remettre en cause : le doute semble constituer une de ses caractéristiques fondamentales.

Mais jusqu'où peut-il aller ? Car on devine bien qu'il existe une différence non négligeable entre ce qu'il m'est possible, dans une expérience banale, de mettre en doute, et un doute absolu, qui m'interdirait apparemment d'accorder ma confiance à quoi que ce soit ? Faut-il douter de tout ? Et est-ce durablement possible ? [I.

Les raisons de douter] Il arrive que mes sens m'égarent ; il m'arrive de rêver et, au coeur du rêve, de croire aux images qu'il me propose (j'en peux ressentir les effets physiques) ; il m'arrive d'effectuer une erreur de calcul ; il peut se faire encore que ce que je crois solidement savoir ne soit fondé que sur des bases fausses — après tout, ce que l'on m'a appris n'est pas totalement garanti.

Toutes expériences qui génèrent dans la pensée un soupçon concernant alternativement ce qu'elle reçoit de l'extérieur et ses propres capacités à formuler des vérités. — C'est précisément parce qu'il constate avec quelle fréquence se présente la possibilité de se tromper que Descartes décide d'instaurer un doute absolu.

Révoquant tout en doute, il n'adhère plus à aucune proposition : peut-être n'y a-t-il pas de monde matériel autour de lui, peut-être ce qu'il prenait pour son existence n'est-il que le produit d'un rêve, peut-être même ce qu'il prenait pour son être n'est-il qu'une illusion complète...

Et, pour mieux persuader sa pensée de la nécessité d'ainsi douter de tout, il va jusqu'à imaginer qu'existerait un « malin génie », esprit diabolique ou dieu pervers, qui s'amuserait à ses dépens en l'obligeant à se tromper sans cesse, m ê m e lorsqu'il croit posséder la plus modeste vérité.

C e doute « hyperbolique », effectivement poussé au m a x i m u m d e ce que l'on peut concevoir, aboutit ainsi à un anéantissement de tout.

S'y installer durablement serait se condamner à ne plus adhérer à rien, et donc à un mutisme définitif. Douter d e tout apparaît ainsi comme une expérience limite, u n e sorte d'épuration de l'esprit qui, si elle devait durer, suspendrait de manière durable l'activité même de l'esprit, incapable de formuler quoi que ce soit.

Aussi n'est-il, chez Descartes lui-même, qu'une étape, un moment « méthodique », dont résulte en fait la possibilité de rétablir le sujet et le monde dans une réalité désormais incontestable. [II.

L'issue du doute, et la nécessité de le réexpérimenter] Relativement au doute hyperbolique, le Cogito propose une issue positive, une sorte d e rétablissement métaphysique qui autorise la sortie du néant.

En effet, si l'esprit est capable de tout mettre ou révoquer en doute, c'est qu'il existe en lui-même, puisque ce doute ne peut être issu du néant (le néant, par définition, ne peut penser) et doit en conséquence provenir d'une « substance » (un support pour l'activité qu'il représente).

Le Cogito en lui-même ne peut être atteint par le doute, et il peut dès lors servir de premier indice de vérité.

Au point que sa découverte suffit pour renvoyer le « malin génie» lui-même au néant : impuissant à tromper l'esprit lorsqu'il se contente d'affirmer « Je pense, je suis », le malin génie n'est pas, contrairement à l'hypothèse qui le concernait initialement, capable d e me tromper sur tout.

Descartes est ainsi le philosophe classique qui a donné de la nécessité de douter et de ses conséquences la version la plus complète, mais il ne s'en contente absolument pas : le doute total n'est chez lui qu'une étape préparatoire à la reconstruction de toutes les vérités. Si une telle attitude constitue une refondation d e la philosophie dans les temps «modernes », elle conserve sa valeur exemplaire.

Et l'on peut en effet considérer (c'est notamment ce que fait Husserl) que le passage par le doute hyperbolique est une nécessité pour tout individu qui prétend commencer à philosopher : c'est le moyen le plus efficace pour se défaire des opinions dominantes — qui sont toujours prêtes à faire confiance à ce qui se présente — et pour mener sans attendre le soupçon philosophique à son plus haut degré.

Faire table rase de toutes les croyances dont l'esprit est embarrassé est incontestablement nécessaire pour qui veut élaborer une p e n s é e autonome et susceptible de définir par ses propres moyens l'accès à la vérité. CITATIONS: « Douter, c'est examiner, c'est démonter et remonter les idées comme des rouages, sans prévention et sans précipitation, contre la puissance de croire qui est formidable en chacun de nous.

» Alain, Propos du 8 juin 1912. Socrate: « Je suis plus sage que cet homme-là.

Il se peut qu'aucun de nous deux ne sache rien de beau ni de bon; mais lui croit savoir quelque chose, alors qu'il ne sait rien, tandis que moi, si je ne sais pas, je ne crois pas non plus savoir.

» Platon, Apologie de Socrate, ive s.

av.

J.-C. « La formule "je suspends mon jugement" signifie pour nous que le sujet est incapable de dire à quelle chose il convient d'accorder ou au contraire de refuser sa créance.

» Sextus Empiricus, Hypotyposes pyrrhoniennes, Ile-Ille s. « Je pensai qu'il fallait E...] que je rejetasse comme absolument faux tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute, afin de voir s'il ne resterait point, après cela, quelque chose en ma créance qui fût entièrement indubitable.

» Descartes, Discours de la méthode, 1637. « Je nie que nous ayons le libre pouvoir de suspendre notre jugement.

Car, lorsque nous disons qu'on suspend son jugement, nous ne disons rien d'autre sinon qu'on voit qu'on ne perçoit pas une chose de façon adéquate.

» Spinoza, Éthique, 1677 (posth.) « Qui voudrait douter de tout n'irait pas même jusqu'au doute.

Le jeu du doute lui-même présuppose la certitude.

» Wittgenstein, De la certitude, 1969 (posth.). »

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