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Faut-il chercher à oublier la mort ?

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« « La vie est l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort ».

Par cette affirmation, M.F.X Bichat, médecin et anatomiste français du XVIIIe siècle, entendait insister sur le fait que la mort est la règle et la vie l'exception, par définition menacée.

Les recherches actuelles montrent d'ailleurs à montrer que la mort est programmée génétiquement, ruinant ainsi définitivement le vieux rêve d'immortalité.

En réalité la mort n'est pas seulement, pour l'homme au moins, un simple fait biologique.

L'homme est en effet le seul animal qui sache qu'il doit mourir.

Ce fait, cette conscience de la mort, ne sont-ils pas angoissants ? Ne l'empêchent-ils pas de vivre leur vie pleinement ? Il s'agit ici de savoir si l'oubli de la mort peut-être posée comme règle d'action particulière.

Le verbe « falloir » indique la question de la nécessité mais aussi d'une sorte d'obligation.

L'expression « chercher à » indique un effort conscient.

Pourtant, ne doit-on pas justement penser à la mort pour comprendre le sens de la vie ? Comment alors penser la mort sans être tétanisé? Ne doit-on pas plutôt chercher à changer notre opinion de la mort? Oublier la mort nous permet de mieux profiter de la vie - Nous pouvons dire premièrement que la pensée de la mort est pour l'homme très angoissante.

Elle peut devenir morbide et nous obséder si nous y pensons trop.

Ainsi, pour exemple, ce passage d' A la recherche du temps perdu où le héros proustien ne peut plus penser à autre chose qu'à la mort.

« Cette idée de la mort s'installa définitivement en moi comme fait un amour.

Non que j'aimasse la mort, je la détestais.

Mais, […]maintenant sa pensée adhérait à la plus profonde couche de mon cerveau si complètement que je ne pouvais m'occuper d'une chose, sans que cette chose traversât d'abord l'idée de la mort.

» - La mort est une chose terriblement angoissante.

Pascal définit ainsi la misère de l'homme devant la mort : " Qu'on s'imagine un nombre d'hommes dans leurs chaînes, et tous condamnés à la mort, dont les uns étant chaque jour égorgés à la vue des autres, ceux qui restent voient leur propre condition dans celle de leurs semblables."( Pensées et opuscules).

Cette description de la conscience de la mort montre toute l'horreur de l'homme conscient de sa mort certaine. - C'est pourquoi Spinoza défendra la nécessité d'oublier la mort.

A l'affirmation de Platon « philosopher, c'est apprendre à mourir », Spinoza répond dans l'Ethique que la philosophie est « une méditation non de la mort, mais de la vie » et que l'homme libre désire agir, vivre, conserver son être suivant le principe de la recherche de l'utile propre ; par suite, il ne pense à aucune chose moins qu'à la mort.

» A vrai dire, Spinoza vise ici l'attitude morbide qui se complaît dans la fascination de la mort et condamne l'homme à l'impuissance et à la tristesse.

Spinoza invite l'homme à se détourner de la pensée de la mort.

Selon lui, c'est une pensée inutile, voire même dangereuse.

La mort peut nous détourner de la vie et enlever tout sens aux actes que nous entreprenons. Bergson affirme aussi que la pensée de la mort est déprimante et s'oppose, entrave le mouvement de la vie : « cette conviction[ de mourir] vient se mettre en travers du mouvement de la nature.

Si l'élan de vie détourne tous les autres vivants de la représentation de la mort, la pensée de la mort doit ralentir chez l'homme le mouvement de la vie.

»( Les deux sources de la morale et de la religion) - En effet, si nous plaçons tous nos actes en perspective de la mort, de notre fin, alors leur valeur et leur sens s'affaiblissent.

Pourquoi entreprendre de faire ceci ou cela, si on sait que notre existence est de toute manière condamnée à s'achever et donc à ne pas profiter des choses que l'on a bâtit ? Si je suis un être pour la mort, à quoi bon agir ? Pourquoi faire toutes ces choses qui me déplaisent et qui ne représenteront rien le jour de ma mort ? De plus, on ne sait jamais quand arrive la mort.

Elle est l'événement que je ne peux maîtriser, mettant à mal mon désir de maîtriser, de prévoir et d'avoir des possibles.

La mort ne me rend plus maître de mon temps.

Dès lors, la pensée de la mort peut nous conduire à éviter les risques et donc la vie.

Si je fais cette action, cela comporte des dangers, des risques, alors je renonce à le faire.

Puisque la mort surprend toujours, la pensée de sa mort prochaine peut entraîner des comportements défensifs( comme rester chez soi pour éviter les risques) et réduire considérablement les moyens d'être heureux ou même d'avoir du plaisir. Oublier la mort, c'est se condamner à ne pas comprendre la vie - Pourtant, oublier la mort, c'est considérer son existence comme éternelle, ne pas prendre en compte sa limite, sa finitude.

Or, c'est justement en oubliant que la vie est bornée, qu'elle ne dure pas toujours, que l'on méconnaît et qu'on retire tout sens à la vie.

Freud disait ainsi que le sujet ne se représente pas sa propre mort, que « l'inconscient était immortel ».

Pourtant, il exhorte le sujet à se confronter et à accepter la mort.

Parce que celuilui la possibilité même de perdre la vie donnait tout son intérêt et son côté précieux à la vie.

« La vie s'appauvrit, elle perd en intérêt, dès l'instant où nous ne pouvons pas risquer ce qui en forme le suprême enjeu, c'est-à-dire la vie même.

»( Essai de psychanalyse). »

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