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Faire son devoir, est-ce renoncer à la violence?

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« Introduction : Il nous faut remarquer ici, d'abord et avant tout, que les termes « devoir » et violence » sont radicalement opposés.

A insi, aucun devoir ne serait violent et aucune violence ne pourrait être justifiée ou légitimée par le prétexte du devoir.

En effet, le devoir se réfère au droit, à ce qui est institué par une société autrement que par la violence.

A l'inverse, la violence est souvent désignée comme une entrave aux lois, au droit, et se réfère bien souvent à de la bestialité.

La violence envers autrui, n'est-ce pas une contrainte imposée à autrui, qui viserait à lui faire faire ce que nous voulons qu'il fasse ? A insi, il est normal que la violence soit apparentée à un débordement, à une volonté excessive qui chercherait la négation de l'autre.

Tout devoir envers autrui s'imposerait alors comme une limite à cette violence bestiale.

Seulement, devons-nous pour autant considérer que tout devoir soit une négation de la violence ? Cela pose problème parce que, dans la notion de devoir, il y a bien l'idée de se contraindre soi-même, de soumettre sa volonté non pas à de purs intérêts subjectifs, mais à une cause que nous déclarons supérieur à nous.

Or, cela semble être une violence vis-à-vis de soi-même.

Nous distinguerons alors la force de la violence pure, pour pouvoir enfin comprendre que cette violence n'a d'intérêt et de légitimité que si elle vise à préserver des droits et des devoirs fondamentaux. I/ Faire son devoir, c'est souvent user de violence. Nous devons tout d'abord nous attacher au fait que la notion de devoir appelle souvent à la notion de violence.

Se soumettre à son devoir en temps de guerre, par exemple, consiste-t-il à autre chose que se mettre à tuer pour obéir à sa patrie et la sauver ? La loi exige alors que par devoir, nous employons la violence.

Aussi, le soldat a-t-il le devoir d'obéir à son supérieur et le gradé, par devoir lui-aussi, peut avoir à sacrifier ses troupes lorsque les ordres de ses supérieurs l'exigent ou que l'intérêt national s'en fait sentir.

Le devoir, en effet, s'impose de façon telle que l'individu doive y obéir sans retenue.

Cette négation de l'individu qui se soumet à une autorité supérieure est déjà en elle-même une violence. Elle exige un renoncement à la liberté individuelle ou à des intérêts spécifiques et particuliers au nom de l'intérêt général.

Nous pouvons également compléter ce point de vue par ce que Kant nous dit du devoir dans la C ritique de la raison pratique .

La loi morale, qui est un fait de la raison, exige que le principe de notre action puisse être érigé en loi universelle.

Donc, la loi morale ne peut autoriser la pratique d'aucune violence.

Pourtant, lorsqu'il s'agit d'obéir à cette loi morale, Kant insiste sur le fait qu'il faille y obéir par devoir et non conformément au devoir.

Que signifie ceci ? T out simplement qu'il ne s'agit pas de pratiquer une action morale de façon opportuniste ou par plaisir.

C e n'est pas parce qu'un acte nous plaît et qu'en plus il est moral que devons l'accomplir.

A l'inverse, accomplir un acte moral c'est y obéir par devoir, à l'encontre de tout plaisir ou de toute satisfaction et réprimer tout ce qui nous pousserait à satisfaire nos intérêts personnels.

Il y a donc encore dans cette obéissance au devoir une violence qui est exercée sur les passions de telle sorte que le devoir est nécessairement lié à cette notion. II/ Le devoir implique de renier la violence. Or, n'avons-nous pas confondu dans la partie précédente la notion de force et de violence ? La violence pourrait très bien se référer à la pure bestialité et la force, à la maîtrise de cette bestialité, qui pourrait parfois être rude, mais que nous ne pourrions qualifier du même terme.

La violence, en effet, se rapporte souvent à des défauts, à un manque de contrôle de soi dans le rapport avec autrui.

Si elle est employée comme rapport premier avec un inconnu, alors elle nie toute possibilité d'un échange social.

Lorsqu'elle est employée comme issue d'une situation, ou d'un dialogue, là encore elle est considérée comme un échec.

(Relisez ici les descriptions que fait Platon des interlocuteurs de Socrate lorsqu'ils ne maîtrisent plus la conversation).

La violence, dans ce cas, n'est autre chose que la marque d'une faiblesse et d'une honte.

Gusdorf, dans la V ertu de force, nous rappelle cela : « La violence est cette impatience dans le rapport avec autrui, qui désespère d'avoir raison et choisit le moyen court pour forcer l'adhésion.

Si l'ordre humain est l'ordre de la parole échangée, de l'entente par la communication, il est clair que le violent désespère de l'humain, et rompt le pacte de cette entente entre les personnes où le respect de chacun pour chacun se fonde sur la reconnaissance d'un même arbitrage en esprit et en valeur.

» A insi, alors qu'obéir à son devoir exige une parfaite maîtrise de soi, la violence, à l'inverse, est un moment où l'on échappe à soi-même.

A lors que l'obéissance au devoir rend à l'homme toute sa grandeur, la chute dans la violence lui confère toute la misère de son animalité.

C 'est une crainte, le signe d'une faiblesse que son emploi révèle, et le plus souvent il s'accompagne de honte et de regret une fois le moment passé.

Nous ne gagnons rien avec la violence : nous ne faisons qu'y perdre.

Dès lors, notre devoir principal étant de nous élever au-dessus de notre animalité, la violence doit être refusée. III/ Le devoir peut exiger l'emploi de la violence Si nous ne devons plus confondre la force morale (qui consiste à faire violence à ses intrêts particuliers au nom de l'intérêt de l'humanité) et la violence pure, doit-on décréter que cette dernière soit absolument mauvaise et n'ait absolument aucune utilité ? En effet, il existe peut-être des droits fondamentaux que chacun doit protéger ? La protection de ces droits commande alors peut-être l'usage de la violence comme un devoir lorsqu'ils sont bafoués. C ertes, la violence romprait le calme et la tranquillité civile, mais, comme dit Rousseau, dans Du C ontrat Social, « on vit tranquille aussi dans les cachots, en est-ce assez pour s'y trouver bien ? Les Grecs enfermés dans l'antre du C yclope y vivaient tranquilles, en attendant que leur tour vint d'être dévorés.

» Si nous n'estimons pas qu'il y ait une violence légitimée par devoir, alors toute résistance pendant la seconde guerre mondiale par exemple serait injustifiable. « Renoncer à sa liberté, c'est renoncer à sa qualité d'homme, aux droits de l'humanité, même à ses devoirs.

Il n'y a nul dédommagement possible pour quiconque renonce à tout.

Une telle renonciation est incompatible avec la nature de l'homme, et c'est ôter toute moralité à ses actions que d'ôter toute liberté à sa volonté.

».

Ainsi, si nous voulons ne serait-ce que garder la possibilité d'une moralité, et d'une force d'âme, il peut être nécessaire d'employer la violence pour la protection de ces droits.

C'est même un devoir fondamental de faire en sorte que ce soit la violence elle-même qui nous protège d'un règne de la violence tyrannique toute-puissante. Conclusion : -La notion de devoir implique nécessairement celle de violence, en particulier envers soi-même. -Le renoncement à la violence, nécessaire pour que nous vivions en société, est un devoir suprême. -C e devoir a des exceptions lorsque les droits qui garantissent aux individus leur liberté en société sont bafoués. Faire son devoir, c'est avoir assez de force d'âme pour refuser la violence tout en sachant reconnaître que notre faiblesse humaine nous confronte parfois à des situations où nous devons l'employer.. »

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