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Etudier l'économie, est-ce étudier l'homme ?

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« Introduction : En quoi l'économie et l'homme peuvent-ils être identifiés au point d'obtenir ici une expression où les deux termes sont considérés comme synonymes ? En effet, nous avons l'habitude de définir l'essence de l'homme par son corps, sa pensée, son langage ou autres critères qui font de nous des animaux bien spécifiques.

Ici, c'est l'économie qui semble être l'essence de l'homme.

Or, l'économie a-t-elle une importance si essentielle au point de pouvoir déterminer ce que nous sommes ? Sommes-nous des animaux économiques ? Si nous entendons par économie, le fait d'épargner, alors nous ne sommes pas très différents des écureuils.

Mais, à l'inverse, nous sommes peut-être les seuls animaux à nous préoccuper de la gestion des richesses, c'est à dire de leur production, leur consommation et de leur distribution.

Ces richesses nous permettent alors de construire un système d'échanges et de constituer une société.

Aussi n'est-ce pas un hasard si nous en venons à parler de science économique et sociale.

Mais l'économie est-elle autre chose qu'un outil dont nous nous servons pour construire un rapport social ? Il se pourrait bien qu'en déterminant la place que nous occupons au sein de la société, elle déterminerait ce que nous sommes, voire qui nous sommes.

Après tout, nous sommes souvent définis par notre revenu ou nos richesses.

Cette perspective doit-elle pour autant absolument régner ? Si nous en venons à faire de l'économie la dimension essentielle de l'homme, que reste-t-il de sa dimension morale ? I/ L'homme se sert de l'économie comme d'un moyen. « L'économie » semble d'abord être un nom donné au fait d'échanger quelque chose contre de l'argent.

En effet, le but premier d'une chose n'est pas d'être représentée sous la forme de l'argent, d'avoir un prix.

Ce but premier, c'est d'abord et avant tout d'avoir un usage.

Tout ce dont nous acquérons n'est-il pas une réponse à un besoin ? Pourtant, chacune de ces choses est aussi représentable par une quantité de matière qui va lui conférer un prix et une nouvelle valeur.

Si nous suivons ici Aristote, dans la Politique, c'est alors qu'apparaît véritablement l'économie.

Elle permet avant tout d'étendre l'échange entre les hommes, de le faciliter à grande échelle.

Il va donc de soi, nous dit Aristote, que « dans la première association, celle de la famille, ce commerce était inutile » et que c'est dès l'instant où il y a société que l'économie est utilisée pour permettre de continuer les échanges malgré la quantité de personnes. Ainsi, alors que le troc ou le partage pouvait suffire à petite échelle, l'économie est développée pour permettre l'établissement de rapports sociaux.

Si nous n'utilisions pas ce moyen, nous serions bien limités dans notre échange de produits ou de richesses.

L'économie est donc un moyen, une aide dont nous nous servons pour agrandir nos sociétés.

Nous déterminons aussi bien son usage que sa fin. Certes, nous prévient Aristote, il existe une déformation de cet usage, qui consiste à rechercher l'argent pour l'argent, à acquérir et faire se développer les richesses pour et par elles-mêmes. Seulement, comme c'est « art » est illimité (il ne cherche rien d'autre que son propre renouvellement), il représente un défaut de l'économie, qui n'accomplit plus son but naturel. II/ La société tout entière dépend des rapports économiques La place que nous avons de la société n'est-elle pas, néanmoins, déterminée par l'économie ? Lorsque les sciences humaines divisent la population en différentes classes, que ce soit la classe des prolétaires, la classe bourgeoise ou la classe moyenne, cette division se fait toujours par rapport aux ressources économiques possédées.

Ainsi, ceux qui détiennent les moyens de production sont nommés « bourgeois » et ceux qui vivent grâce à leur force de travail sont appelés « prolétaires ».

L'argent, ici objet de l'économie, a donc un pouvoir de détermination très puissant.

Marx nous rappelle cela dans ses Manuscrits de 1844.

« Il est considéré comme l'être tout-puissant.

L'argent est l'entremetteur entre le besoin et l'objet, entre la vie et le moyen de vivre de l'homme.

Mais ce qui me sert de médiateur pour ma propre vie me sert également de médiateur pour l'existence d'autrui.

Mon prochain, c'est l'argent.

» Si l'argent nous permet de vivre, alors il détermine ce que nous sommes.

Cette détermination se retrouve alors dans la reconnaissance d'autrui comme un potentiel d'argent qui peut m'être utile pour vivre.

L'économie a donc beaucoup plus de pouvoir qu'un simple moyen.

Comme gestion de l'argent, elle est gestion de nous-mêmes et comme condition d'échange, elle détermine tous nos rapports à autrui.

Il va donc de soi qu'étudier l'économie c'est s'étudier soi-même, s'assurer les conditions de sa subsistance, et étudier également tout ce qui nous lie aux autres dans la société. III/ La rationalité morale s'oppose à la rationalité économique. Si nous en venons à constater, comme dans la partie précédente, que l'économie à tout pouvoir, alors nous ne pouvons nous juger nous-mêmes et juger autrui qu'à travers cette perspective.

Or, cela n'est-il pas aussi réducteur que dangereux ? En effet, si cela ne trouve aucune limite nous sommes tous des purs moyens de satisfaire un intérêt au moindre coût. Toute destination morale est alors écartée de la définition de l'homme.

Comme le rappelle Kant dans les Fondements de la métaphysique des mœurs, la raison reconnaît l'impératif moral comme un fait. Si donc il y a rationalité économique, en quoi devrait-elle être considérée comme supérieure à l'obligation morale ? « Car des êtres raisonnables sont tous sujets de la loi selon laquelle chacun d'eux ne doit jamais se traiter soi-même et traiter tous les autres simplement comme des moyens, mais toujours en même temps comme des fins en soi.

» L'obligation morale va donc ici à l'encontre de la rationalité économique.

Dans cette dernière, autrui ne peut jamais nous apparaître que comme un moyen, et nous ne pouvons plus le considérer comme une fin.

Si nous nous définissons entièrement par l'économie, nous perdons alors une dimension humaine tout à fait…essentielle. Conclusion : Parce que nous sommes des hommes, il nous faut étudier l'économie pour permettre les échanges. Ces échanges nous déterminent entièrement, au point que connaître la fonction économique d'une personne, ce serait la connaître parfaitement. Si cela en vient à s'imposer, la dimension morale de l'homme est complètement abolie. Etudier l'économie peut nous apporter des connaissances sur l'homme, mais ne permet en aucun cas de saisir son essence.. »

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