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L'économie et la morale ont-elles sur l'homme le même point de vue ?

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« On pourra confronter la morale économique, utilitaire, d'Aristote à la morale kantienne du devoir, qui lui est radicalement opposée (puisque pour Kant la personne humaine à qui on doit un respect absolu doit toujours être impérativement considérée comme une fin et jamais comme un moyen. D'autre part, on pourra se demander si l'on peut réellement opposer la morale et l'économie, dès lors que l'on admettrait avec Marx que la morale est toujours plus ou moins l'expression idéologique des modes de productions, c'est-à-dire de l'économie. Définition des termes du sujet L'économie est la science des rapports humains pris sous l'angle des échanges matériels et monétaires ; la morale, elle, est une discipline portant sur le comportement humain, individuel ou collectif, elle prescrit des règles de conduite, pose des principes.

D'entrée de jeu, il semble que les deux disciplines que sont l'économie et la morale ont pour objet commun l'homme, mais qu'elles ne se rapportent pas à lui de la même manière. C'est justement sur cette différence entre économie et morale que porte le sujet, puisqu'il demande d'évaluer la différence ou la similarité de leurs « points de vue » : un point de vue, c'est un endroit où l'on se place pour observer et connaître un objet, et c'est, plus largement, une manière d'aborder un sujet - manière qui englobe une certaine conception de l'objet, éventuellement certains présupposés à son égard.

Bref, le point de vue que l'on adopte conditionne l'approche que l'on a d'un objet. Il va donc falloir interroger les points de vue respectifs de l'économie et de la morale sur l'homme : ces deux disciplines ont-elles la même conception de l'homme ? Quels présupposés ont-elles quant à la nature humaine, par exemple ? L'homme entretient-il le même type de rapports avec elles ? (L'homme peut s'en remettre à une certaine morale pour gouverner sa propre vie : peut-il faire de même avec un certain type d'économie ? On voit là que l'homme n'a pas la même manière de prendre en charge la morale et l'économie pour son propre compte). Il faudra répondre à ces questions en établissant finalement une comparaison entre ces deux disciplines en rapport avec la question de leur point de vue sur l'homme, de manière à répondre à l'interrogation du sujet. Eléments pour le développement * Le point de vue de l'économie sur l'homme Hannah Arendt « L'essentiel est que la société à tous les niveaux exclut la possibilité de l'action, laquelle était jadis exclue du foyer.

De chacun de ses membres, elle exige au contraire un certain comportement, imposant d'innombrables règles qui, toutes, tendent à normaliser ses membres, à les faire marcher droit, à éliminer les gestes spontanés ou les exploits extraordinaires.

Chez Rousseau, on rencontre ces exigences dans les salons de la haute société dont les conventions identifient toujours l'individu à sa position sociale.

C'est cette identification qui compte, et il importe peu qu'elle concerne le rang dans la société à demi féodale du XVIIIe siècle, le titre dans la société de classe du XIXe, ou la simple fonction dans la société de masse d'aujourd'hui.

Au contraire, l'avènement de la société de masse indique seulement que les divers groupes sociaux sont absorbés dans une société unique comme l'avaient été avant eux les cellules familiales ; ainsi le domaine du social, après des siècles d'évolution, est enfin arrivé au point de recouvrir et de régir uniformément tous les membres d'une société donnée.

Mais en toutes circonstances la société égalise : la victoire de l'égalité dans le monde moderne n'est que la reconnaissance juridique et politique du fait que la société a conquis le domaine public, et que les distinctions, les différences sont devenues affaires privées propres à l'individu.

Cette égalité moderne, fondée sur le conformisme inhérent à la société et qui n'est possible que parce que le comportement a remplacé l'action comme mode primordial de relations humaines, diffère à tous les points de vue de l'égalité antique, notamment celle des cités grecques [...].

Le domaine public [y] était réservé à l'individualité ; c'était le seul qui permettait à l'homme de montrer ce qu'il était réellement, ce qu'il avait d'irremplaçable.

[...] C'est le même conformisme, supposant que les hommes n'agissent pas les uns avec les autres mais qu'ils ont entre eux un certain comportement, que l'on trouve à la base de la science moderne de l'économie, née en même temps que la société et devenue avec son outil principal, la statistique, la science sociale par excellence.

[...] L'économie ne put prendre un caractère scientifique que lorsque les hommes furent devenus des êtres sociaux et suivirent unanimement certaines normes de comportement, ceux qui échappaient à la règle pouvant passer pour asociaux ou pour anormaux.

» Arendt met en évidence le conformisme dicté par l'économie : le point de vue de l'économie sur l'homme est alors un point de vue strictement collectif ; l'économie considère la société des hommes comme un système dans lequel certains rapports, certains échanges ont lieu, jamais comme une collection d'individus dotés chacun d'une singularité.

Cette notion de système appelle d'ailleurs peut-être à soutenir que l'économie envisage l'homme d'un point de vue fonctionnel : il s'agit de rendre un système efficace, productif, sans nécessairement tenir compte pour eux-mêmes des individus formant ce système. * Le point de vue de la morale sur l'homme Rousseau: "Conscience ! Conscience ! Juge infaillible du bien et du mal" Cette formule de Rousseau, que l'on peut lire dans l'Emile, aborde la question de la conscience dans sa dimension morale.

En effet, si comme nous l'avons montré dans l'analyse de la citation de Pascal, la conscience signifie au sens premier « accompagné de savoir », elle prend également un sens moral, et les expressions que nous venons d'évoquer montrent qu'elle apparaît comme ce sentiment qui pourrait nous permettre de distinguer le bien du mal.

Tel est le sens de la formule de Rousseau puisqu'il la qualifie de « juge infaillible ». Ainsi, la conscience morale serait ce sentiment moral inné que tout homme possèderait.

Il suffit alors d'écouter « la voix de sa conscience » pour savoir qu'on a mal agi, ou, pour bien juger, de juger « en son âme et conscience ».

Si on peut alors définir l'homme par la conscience, c'est donc aussi en tant qu'être moral ou, en tout cas, en tant qu'être pour qui la question morale se pose.

Pourtant, faire reposer la morale sur un sentiment n'est pas sans poser problème.

En effet, n'est-il pas possible de faire le mal en toute bonne conscience ? Comment dans ces conditions Rousseau peut-il soutenir l'infaillibilité de ce sentiment ? Parce qu'un sentiment anime le cœur des hommes et caractérise l'humanité : la pitié, sentiment qui le conduit à souffrir au spectacle de la souffrance de l'autre.

Pourtant, de nombreux événements dans la vie courante et dans l'histoire nous montrent que ce sentiment n'est pas toujours présent chez les hommes.

En effet, si on affirme que l'homme est animé par ce sentiment, que sa conscience le guide, comment, une fois encore, comprendre la barbarie, la violence, la cruauté dont les hommes peuvent être capables ? L'argumentation de Rousseau est double : - si les hommes sont capables de cruauté, c'est parce que la société les a pervertis en faisant naître le vice, la comparaison et la rivalité ; - l'existence de ce sentiment est avérée par la réalité.

En effet, si la morale ne reposait que sur la raison, cela ferait bien longtemps que l'humanité aurait disparu. La morale, elle, semble s'appuyer davantage sur une dimension individuelle de l'homme, sur un rapport individuel de l'homme au monde, par exemple par le biais de sa conscience propre.

L'homme pris en charge par la morale est l'individu, tel qu'il peut se forger pour luimême une certaine ligne de conduite, travailler à organiser sa vie personnelle de la manière qu'il juge la meilleure.

La morale porte donc. »

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