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Etes vous d'accord pour dire avec I.Ramonet que vouloir s'informer sans effort est une illusion qui"

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« Ignacio Ramonet affirme : Ainsi s'établi la trompeuse illusion que voir c'est comprendre. Le primat accordé à la vis ion dans l'établiss ement de la connaissance est à la fois véhiculé et remis en question par la tradition philosophique.

La vision paraît être le sens le plus efficace pour nous délivrer un savoir quant à ce qui nous fait face, doit-on pour autant affirmer l'équivalence entre voir et comprendre ? N e sommes nous pas quotidiennement les s pectateurs de choses et d'événements dont le sens se refuse à nous ? La c ompréhension n'exige t-elle pas une mise à dis tance de la sensation visuelle, un travail psychique de c elle-ci, une interprétation ? C omment croire que la vision nous délivrerait sans délai la compréhension de quoique ce soit ? I- L'importance de la vision dans la vie humaine. L'homme est un animal vis uel, il faut nous tourner vers les raisons de cet état de fait afin de mieux anc rer la disc ussion.

D ans son livre La différence anthropologique Tinland établit les étapes qui ont permis la formation de l'homme.

A u sein de la forêt en A frique de l'ouest l'homme commence par marcher à quatre pattes, mais, moins bien adapté que les autres animaux aux conditions de vie et de survie il en vient à se dress er progressivement sur ses pattes arrières, le gain est le s uivant : une fois debout l'homme peut exercer sa vision tandis que celle-ci demeurait réduite lorsqu'il res tait à quatre pattes. L'avantage est que l'homme peut désormais voir venir ses prédateurs de loin (et aussi libérer ses mains pour s 'en servir à saisir des objets, fonction jusque là conférée à sa bouche, laquelle, libérée de cette tâc he, est prête à la parole). C 'est donc à l'origine pour une rais on d'adaptation que l'homme privilégia le s ens visuel (il existe d'autres types de vision que celles humaines et dont nous n'avons qu'une mince idée, ains i la vision de certains i n s e c t e s e t c elle très perçante des oiseaux de proie, qui ne peut être réduite à une amélioration quantitative de notre indice de précision).

Nous pouvons remarquer que l'importance, vitale, de la vision, n'a pas une fonction purement préventive (apercevoir le danger) mais également attractive, et que l'homme partage avec de nombreuses espèces.

En effet, même lorsque l'homme est sorti de l'état s auvage, le sens visuel demeure le plus sensible à la séduction.

La mode et le maquillage sont rien moins que des adaptations humaines de l'utilisation par l'animal des propriétés esthétiques de la nature dans une visée de séduction. Enfin, l'art ou la science seraient impossibles sans la vision (hormis la musique, la ques tion se pose aussi pour les mathématiques), elle est l'outil dont l e s premier s cientifiques, m é d e c i n s e t astronomes , s e servaient le plus pour cons truire leurs s ystèmes.

S a n s vis ion il n'y a aucune possibilité d'observation scientifique ni d'ouvrage artis tique ; on peut tout aus si bien prendre le monde contemporain pour témoigner de l'importance de la vision par le biais d'une réflexion sur la notion d'image en politique ou dans l'appréhension de la violence et de la sexualité.

Le perfectionnement des technologies de l'image nous enfonc ent dans une ère du voyeuris me interactif. II- Voir c'est comprendre : une illusion. I l e s t frappant, à la lecture des écrits sur le corps humain publiés dans l'A ntiquité (par exemple Hippocrate et A ris tote) de voir combien les propriétés du c orps et son fonctionnement s ont inférés à partir d'observations purement phénoménales, dénuées de présuppositions théoriques et qui, pour un esprit non scientifique, peuvent être saisissantes de naïveté.

A insi chez A ristote les menstrues de la femme, par analogie avec la semence de l'homme, sont assimilées, parce qu'elles viennent également du sexe, à une dégradation qualitative du sperme (c'est selon l'auteur du sperme moins cuit, le corps féminin n'ayant pas la capacité de chauffer aussi efficacement que celui de l'homme).

Dans un autre registre la thèse du géocentrisme (le fait que le soleil tourne autour de la T erre) rendue caduque par les travaux de C opernic, était due à la c onfiance de l'homme en sa propre vision : en effet le soleil se couc he à l'ouest et se lève à l'est, or ce n'est là qu'un mouvement apparent. Le concéder implique, comme le montre A rendt notamment dans La crise de la culture que l'homme prenne l'initiative d'élire un centre de référence qui n'ait plus la T erre pour sol : la Terre devient elle-même objet d'observation, elle n'est plus ce centre auquel tout le reste de l'univers est relatif.

La création du micros cope fit encore un temps illusion : en perfectionnant la vision humaine par le moyen de la technique on pensait pouvoir voir et comprendre ce qui demeurait invis ible à l'œil nu, pour une part le microscope a permis de comprendre certains phénomènes (la théorie cellulaire, l'étude du comportement d'organismes protozoaires…), m a i s a u sujet de la nature de la matière ce dernier n'a jamais permis d'aider l e s physiciens.

La physique quantique a précisément sonné le glas de l'efficacité du sens visuel : c e dernier demeure attac hé aux possibilités du monde mac roscopique, les lois de la représentation de c e monde ne valent rien lorsque l'on p a s s e a u plan de l'infiniment petit (l'antitypie par exemple n'a p l u s d e s e n s , s o i t l e fait que deux particules élémentaires peuvent occuper un même lieu, ou encore qu'une même puisse être en même temps ici et là). O n l e voit, l a s c i e n c e s ' e s t petit à petit dés olidarisée de la croyance, encore véhiculée par le langage (on emploie le verbe voir pour dire comprendre), selon laquelle la vision nous délivre la c ompréhension adéquate des chos es.

La compréhens ion de la physiologie, de la matière ou de l'univers, ont exigé, pour atteindre à leur stade de rationalité, de maturité selon le mot d'A uguste C omte, l'abandon d'une trop grande c onfiance dans les c apacités de la vis ion à délivrer la réalité des choses.

M ais il suffit de se mettre dans la peau de celui qui voit pour la première fois une machine et qui, en la regardant simplement, resterait bien inc apable de lui assigner la fonction qu'elle remplit. III- Difficultés. C ependant, que la dissociation entre savoir et vision soit nécessaire à l'établiss ement rationnel de la connaissance, il n'es t pas interdit d'inclure des nuanc es et des limites à une telle nécessité.

En effet, on risque de glis ser la pente du positivisme et de se rendre aveugle à une certaine ric hesse de la vision.

M erleau-P onty donne l'exemple, dans La structure du comportement du bébé qui a un mois à peine est c apable de réagir de manière cens ée aux expressions qu'il lit sur le visage de s a mère.

C omment ne pas, dès lors, être réservé quant à la thèse selon laquelle la compréhension des phénomènes autorisée par la vision est illusoire ? Il faut distinguer entre l'étude et la compréhension du fonctionnement de la nature (biologie, physique, physiologie, chimie, as tronomie…) et la connais sance du vivant en tant que vivant, c'est-à-dire se comportant, cette dernière demeure tributaire de la vision.

C 'est en voyant le visage d'autrui, que je peux, à la manière dont il me regarde, à l'expressivité de ses traits, induire s a fatigue, ses sentiments, sa colère, son indifférence, sa c oncentration ou encore sa joie. Nous pouvons clore sur une hypothèse : il est pos sible que cette effic acité du regard pour percevoir et comprendre autrui ai induit l'homme en erreur et l'ai incité à user également de la vision pour comprendre les phénomènes naturels, le rendant ainsi victime d'une illusion dénoncée par la rationalité. Conclusion : La vision est au c œur de la vie humaine, à la racine d'une culture artis tique et scientifique, enfin elle est le sens par lequel les hommes communiquent entre eux plus enc ore que l'audition.

En effet les attitudes en disent souvent autant que les mots, les visages et les corps sont perméables les uns aux autres, se laissent lire comme des livres (cf.

la croyance en la phys iognomonie au XIXe siècle).

De là il es t pos sible que les hommes aient pu tirer une telle confiance en l'efficacité de la vision qu'ils en ont fait un outil scientifique, le raffinement de la s cienc e aura permis d'ôter à l'homme s es illusions quant à la puissanc e de vérité que lui conférait la vision.

T outefois il faut se garder de dévaler la pente d'un scientisme qui condamnerait sans limites l'importance de la vision, dans l'ordre de la communication c elle-ci demeure primordiale.. »

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