Est-on prisonnier du passé ?
Extrait du document
«
APPROCHE: Le terme "prisonnier" n'est pas neutre.
Il s'agit donc bien de se demander en quel sens le passé —
donc ce qui n'est plus, un des aspects du non-être selon la définition qu'en donne saint Augustin dans les
Confessions (chap.10,11) — peut constituer une prison.
En quel sens l'homme peut-il se trouver enfermé dans le
passé ? Nietzsche, dans les Secondes considérations intempestives, affirme que l'homme doit apprendre à oublier
pour vivre pleinement (chap.1) : "L'homme par contre s'arc-boute contre le poids toujours plus lourd du passé." Ainsi
trop de mémoire peut constituer une prison (c'est-à-dire nous empêcher d'agir librement) : elle nous enferme dans le
non-être, dans ce qui n'est plus en nous faisant perdre la valeur de ce qui est, de ce qui seul a de la valeur, à
savoir le présent.
À l'opposé, si l'on n'est pas prisonnier du passé, c'est que celui-ci peut constituer une libération
(voir le rôle de la mémoire dans la constitution de l'identité de l'homme).
Que serait une conscience sans mémoire ?
Et que serait une conscience qui retiendrait tout ? On pourra illustrer ces idées à la nouvelle de Borges, dans
Fictions, "Funès ou la mémoire".
Comment considérer le travail de la thérapie en psychanalyse ? L'individu cherche à
se réapproprier sa propre histoire au lieu de la subir, donc d'en être prisonnier.
On a donc la possibilité de dépasser
la prison du passé.
Quelle est l'importance du passé pour l'avenir ? On ne peut penser une création à partir de rien, il
y a toujours construction à partir de l'histoire.
Introduction.
Sommes-nous esclaves de notre passé, c'est-à-dire de la dimension du temps écoulé, envisagé dans son
irréversibilité irréductible ? Voici un intitulé qui nous questionne sur notre rapport à ce qui fut nôtre, sur la relation à
ce qui n'est plus et semble ainsi s'imposer à nous.
On remarquera que la question surgit de la définition même du
passé.
Si notre passé est un donné irréversible, un irréductible, comment n'en serions-nous pas esclaves ? Le passé
n'est-il pas un en-soi ? un donné figé ? Le questionnement est inscrit dans la question : le passé, un donné ou un
choix ? D'où vient la force de ce donné, force qui semble m'emprisonner et me lier ? Ce donné ne serait-il pas
irrémédiable ? Et s'il constituait un « en-soi » figé et immuable ? Un « en-soi » réel ou bien un projet issu finalement
de ma liberté ? Le problème est le suivant : même au sein de ce passé qui semble irréductible et irrémédiable,
expérimentons-nous le temps ouvert d'un projet nous faisant sortir, par anticipation, de tout « en-soi » ? En bref, le
passé se donne-t-il dans l'anticipation du futur ou nous maintient-il dans une fermeture radicale, loin de tout projet,
de toute marche en avant de la conscience ? L'enjeu n'est-il pas évident ? Selon la réponse apportée, nous saurons
que nous vivons dans l'inertie figée de l'en-soi ou dans le temps ouvert de l'existence, d'où des conséquences
pratiques : n'agirons-nous pas différemment en fonction de l'irrémédiable que semble constituer le passé ou bien
dans l'optique d'une existence ouverte ?
A) Nous sommes prisonniers de notre passé : irréversibilité, en-soi, inconscient.
Le passé semble, par définition même, constituer un irréversible et un « en-soi », dont je suis prisonnier.
Irréversible
: la présence ancienne ne saurait revenir à l'état initial et ce caractère même du temps me signale mon impuissance.
Si l'espace est réversible, le temps est changement irréversible.
Tout changement possède un caractère
irréductible, définitif.
Le temps nous fait découvrir ainsi notre impuissance : la temporalité échappe à nos prises.
Je
ne recommencerai pas ce qui fut.
Le passé se donne à nous comme ordre qui s'impose et que nous ne saurions
effacer.
Comment n'en serions-nous pas prisonniers ? Si l'espace est marque de ma puissance, le temps est marque
de mon impuissance, disait Lagneau.
Irréversibilité, figé, irrémédiable, le passé se donne comme ce devant quoi je ne
puis rien.
Il désigne, à première vue, une réalité statique, un «en-soi », un ordre immobile en le quel je suis enfermé.
Le « pour-soi », c' est la vie, le mouvement de la conscience.
L'en-soi, c'est l'immobilité, le réel clos sur lui-même.
Mais, à ces notions d'irréversibilité et d'en-soi, se surajoute celle d' inconscient.
Je ne suis pas totalement conscient
de mon passé, qui m'échappe ainsi en partie et dont je semble prisonnier.
Je suis en un lieu obscur, en des
profondeurs qui m'échappent, en une forêt ténébreuse, coupé de moi-même et de mes premiers itinéraires.
Ma
préhistoire ne m'appartient pas.
Oui, je suis séparé de moi-même.
C'est ce que nous a appris Freud : selon une
formule célèbre, le moi n'est pas maître dans sa maison.
A travers le passé, l'esprit touche aux limites de lui-même.
En somme, mon passé signifie irréversibilité, mais aussi dépossession.
Le sujet ne se maîtrise pas et ne maîtrise pas
son passé, dont il est alors le prisonnier.
En ce temps aliéné, le passé échappe au sujet, englué dans un sens qui lui
est étranger.
« Le moi en est réduit à se contenter de renseignements rares et fragmentaires sur ce qui se passe,
en dehors de sa conscience, dans sa vie psychique.
» (Freud in « Introduction à la psychanalyse »).
L'idée
d'inconscient conduit à montrer que le moi n'est pas maître dans sa propre maison.
L'homme, pris et englué dans un
passé et un ensemble qui le dépassent, est ainsi prisonnier de ce qu'il fut.
Les vraies significations sont inscrites en
un « ailleurs » révolu.
Telle est la contrainte du temps.
« En-soi », inconscient : comment se manifestent ces
différentes marques du passé ? Elles se traduisent par un véritable déterminisme qui commande, contre ma volonté
et mon désir, mon présent et mon futur.
Si le premier s'appuie sur des événements parfaitement connus (mon cursus
scolaire détermine mon métier, par exemple), le second se manifeste à mon insu, mais suivant des règles précises
qui m'enchaînent.
Je semble donc bien prisonnier de mon passé.
Toutefois, ces différents thèmes posent problème.
Qu'en est-il, tout d'abord, de cette notion de contrainte du
temps ? N'existe-t-il pas un passé assumé et compris ? L'ordre rigide ou ténébreux de l'inconscient qui semble faire
de moi un prisonnier ne pourrait-il être « récupéré » en une présence transparente et déchiffrée ?
B) Nous ne sommes pas prisonniers de notre passé : le passé peut-être compris et maîtrisé..
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