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Est -on libre d'échanger ?

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Quelles raisons pourrait-on donc avoir de limiter les échanges dans la société ? On peut tout d'abord se demander si l'égalité dans l'échange n'est pas limitée à un aspect seulement du rapport entre les acteurs. Il se pourrait alors que les échanges entérinent certaines inégalités sous couvert d'une égalité de surface, voire s'accompagnent d'une négation pure et simple du respect dû à la personne humaine. De la même manière certains échanges avantageux aux particuliers peuvent nuire au bien collectif (c'est le cas par exemple d'une transaction entre des trafiquants de drogue). Le problème est alors de savoir si l'on peut s'assurer un critère pour neutraliser ces effets pervers, toujours possibles, des échanges.

« L'échange peut s'entendre d'abord en un s e n s économique comme une c e s s i o n réciproque de biens ou des services, considérés de valeur équivalente.

M ais on emploie également le terme d'échange au sens large pour désigner l'action de communiquer autour d'idées, de sentiments, à la faveur de vecteurs de communication aussi variés que l'écriture, la parole ou le geste.

O n constate donc que dans les deux acceptions du terme demeurent les idées de réciprocité et d'égalité des personnes engagées dans l'échange.

O n peut alors penser que l'échange favorise par essence la communication au sein de la société, et engendre un double effet bénéfique 1) la consolidation des institutions sociales 2) l'évitement de la violence et le respect d'autrui dans les rapports entre les acteurs sociaux.

Q uelles raisons pourrait-on donc avoir de limiter les échanges dans la société ? On peut tout d'abord se demander si l'égalité dans l'échange n'est pas limitée à un aspect seulement du rapport entre les acteurs.

Il se pourrait alors que les échanges entérinent certaines inégalités sous couvert d'une égalité de surface, voire s'accompagnent d'une négation pure et simple du respect dû à la personne humaine.

De la même manière certains échanges avantageux aux particuliers peuvent nuire au bien collectif (c'est le cas par exemple d'une transaction entre des trafiquants de drogue).

Le problème est alors de savoir si l'on peut s'assurer un critère pour neutraliser ces effets pervers, toujours possibles, des échanges. I.

Les échanges économiques légaux doivent être permis car ils s'autorégulent Les échanges économiques de biens et de services peuvent-ils nuire au bien être de la société dans son ensemble ? De toute évidence certains échanges comme le trafic de drogue nuisent à la société (puisqu'ils entraînent entre autres des problèmes de santé publique).

Il est donc légitime de se baser sur ce critère pour les interdire.

C 'est là une première limitation à l'idée qu'il faudrait laisser libre cours à toute forme d'échange dans la société.

Mais qu'en est-il des échanges légaux ? Ne faut-il pas que l'Etat interviennent pour les réguler, et éviter ainsi que certains ne fassent primer leurs intérêts particuliers sur l'intérêt général ? Dans Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, Livre I, ch.

2, A dam Smith montre que l'homme étant un être de besoin qui ne peut s e passer de s e s semblables, les intérêts personnels et l'égoïsme de chacun concourent aux échanges sociaux. L'antagonisme entre intérêt privé et public est donc levé puisque l'égoïsme de chacun est la source du bonheur collectif.

A insi ce n'est pas de la bonté de mon boucher que j'espère obtenir de la viande, mais simplement parce que je sais qu'il est de son intérêt de me la vendre.

Il s'ensuit que selon A dam Smith le marché s'équilibre naturellement, tout comme s'il était dirigé par une main invisible.

Il n'y a donc pas lieu d'opérer une restriction supplémentaire sur les échanges économiques légaux au sein de la société.

On peut donc affirmer que tous les échanges économiques légaux doivent être tolérés dans la société. II.

Il faut limiter l'importance accordée aux échanges économiques dans la société O n peut néanmoins se demander si une société où la part des échanges économiques serait telle qu'elle limiterait les autres formes d'échange, favoriserait véritablement le bien être collectif.

A insi, dans la Politique, I, 9, A ristote explique que chaque chose a en réalité deux usages 1) son usage propre 2) son usage comme objet d'échange, c'est-à-dire sa valeur dans les échanges de type économique.

O r dans ce second cas lorsque l'échange de moyen devient fin, le bonheur, souverain bien, est manqué, car l'homme s'éloigne d e s a nature d'être rationnel.

En effet l'homme se réduit alors à un consommateur potentiel, et perd de vue qu'il a à se réaliser selon son essence propre, qui est la rationalité (puisque lui seul parmi tous les animaux est doué de la raison).

L'homme, dit A ristote, est alors comme le roi M idas, qui ayant le pouvoir de changer toute chose en or, finit par mourir de faim (ce qui signifie que le moyen en se transformant en fin ne permet plus à l'homme de se réaliser comme être rationnel).

Il faut donc limiter non pas tel ou tel type d'échange économique, mais la part qu'il convient de réserver aux échanges économiques en général au sein de la cité, et ne jamais perdre de vue que ces derniers ne sont que des moyens, au service d'une fin qui est le bien vivre au sein de la cité, pour tous les citoyens (comme le précise A ristote au chapitre 1).

Il faut donc faire en sorte que les échanges économiques n'absorbent pas les autres types d'échange au sein de la société, à savoir les discussions politiques, ainsi que les échanges culturels en général, qui contribuent à l'épanouissement de la nature rationnelle de l'homme. III.

Il faut proscrire tout type d'échange qui ne respecterait pas la valeur absolue de la personne humaine O n peut se demander si nous avons jusqu'ici assez pris en vue un risque inhérent à toute forme d'échange, qui serait la négation pure et simple de la valeur absolue de la personne humaine.

En effet si l'échange implique égalité et réciprocité entre les personnes qui échangent, ne se peut-il pas que certains échangent ne respectent ces conditions qu'en apparence ? Si l'on songe par exemple à la prostitution, on peut la concevoir à première vue comme un échange de services à la faveur duquel une personne achète l'usage du corps d'une autre personne qui consent à la transaction.

P ourtant n'y a-t-il pas ici chosification de la personne qui se prostitue, dont on achète l'usage de son corps comme s'il s'agissait d'une simple marchandise ? Dans les Fondements de la métaphysique des mœurs , 2 ème section , Kant énonce l'impératif catégorique de la morale, selon lequel il faut toujours traiter un être humain en même temps comme une fin, et jamais seulement comme moyen. La personne est ce qui se distingue de la chose, comme la fin se distingue des moyens.

Tout être dont l'existence ne dépend pas de la libre volonté, mais de la nature, n'a qu'une valeur relative, c'est-à-dire en rapport avec autre chose que lui-même.

Les êtres naturels sont des choses.

Les êtres raisonnables, c'est-à-dire capables d'agissements libres, sont des personnes, c'est-à-dire des fins en soi.

Ils ne peuvent servir simplement comme moyens, et par suite limitent notre libre activité, puisqu'ils sont l'objet d'un inconditionnel respect.

La personne est une fin objective, dont l'existence même est une fin en soi, qui ne peut être remplacée par aucune autre.

Étant fin en soi, on lui doit un absolu respect.

La personne humaine est la seule valeur absolue existante, il n'y en a pas d'autres sur le plan pratique.

L'impératif catégorique pour toute volonté humaine repose donc sur le principe que : "La nature raisonnable existe comme fin en soi." C 'est ainsi que nous devons nous représenter notre propre existence ainsi que celle d'autrui, et ce principe doit sous-tendre toutes nos actions.

La moralité, soit l'usage de la raison dans le domaine pratique, repose par conséquent sur la maxime suivante : "A gis de telle sorte que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen." En effet, les être rationnels comme les hommes, parce qu'il peuvent eux-mêmes se fixer les principes directeurs de leur existence, doivent être considérés comme des fins en soi ayant une valeur absolue.

On ne peut donc pas tolérer qu'à la faveur des échanges économiques, l'homme soit traité comme un simple moyen.

Le respect de la personne humaine fonctionne donc comme un critère qui permet de limiter les échanges au sein de la société.

Seuls les échanges qui ne contreviennent pas à ce respect de la personne humaine doivent être autorisés dans la société. Conclusion O n peut avoir le sentiment que les échanges économiques ne doivent pas être limités dans la société, si l'on admet qu'ils contribuent au bien être de l'ensemble des acteurs sociaux.

M ais ces échanges ne sont pas la fin que doit viser l'être humain.

Il convient donc de ne jamais perdre de vue qu'ils ne représentent que des moyens pour l'être humain.

P lutôt que de les limiter en quantité, il importe surtout de leur attribuer cette place de moyen, et de ne jamais les envisager comme des fins.

De plus les échanges peuvent s'accommoder d'une négation de la valeur absolue de la personne humaine.

A ce titre, ils doivent être limités dans les strictes bornes d'un respect de la personne humaine.

On ne peut pas accepter par exemple que dans une logique de rentabilité, une entreprise mette la vie ou la santé de ses employés en danger pour servir ses intérêts.

Les échanges qui nuisent aux individus ne doivent donc pas être tolérés au sein de la société.. »

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