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EST-ON D'AUTANT PLUS LIBRE QU'ON EST INDIFFÉRENT AU JUGEMENT D'AUTRUI ?

Extrait du document

« Analyser le sujet La formulation à la première personne est courante dans les sujets sur la conscience de soi ou d'autrui.

Elle ne signifie pas que l'on doive évoquer des souvenirs, des expériences personnelles.

Elle est logique du fait qu'autrui désigne toute autre conscience que celle du sujet qui parle, qui perçoit, qui écrit, etc.

Donc on peut rédiger tout le devoir à la première personne, mais en gardant bien à l'esprit que le lecteur doit pouvoir s'identifier à ce qui est analysé.

Les arguments doivent garder une valeur générale.

Le « je » vaut quasiment pour « tout individu ». Élaborer la problématique Le sujet interroge une corrélation éventuelle entre l'indifférence à l'égard d'autrui, en particulier de son jugement, et la liberté qui en résulterait pour moi.

Le présupposé est qu'il y a un tel risque d'influence d'autrui sur moi que ma liberté peut être en jeu.

Autrement dit, les autres, quand ils nous jugent ou quand ils émettent une opinion en général, n'exercent-ils pas une forme de contrainte, d'obstacle, dont il faudrait se débarrasser par l'indifférence ? La difficulté est de concevoir si, et comment, ce désintérêt est possible, car quelqu'un qui dit ne pas se soucier du tout du regard des autres est-il sincère ? Est-il réaliste de faire comme si autrui n'existait pas ? Est-ce même souhaitable, du fait qu'autrui peut aussi me donner de bons conseils sur ma liberté ? Il faut en fait déterminer de quel type de liberté il peut s'agir. De façon très banale, je puis être gêné par le jugement d'autrui: il attend de moi certains comportements, il s'autorise à juger ma conduite et à me définir; et ce faisant, ne vient-il pas amoindrir, sinon annuler ma liberté? Se déclarer indifférent au jugement d'autrui ne serait-il pas dès lors un moyen de protéger ma liberté, de garantir qu'elle reste entière ? Car enfin, que vaut une liberté qui ne se donne pas les moyens d'être reconnue par un autre que celui qui en jouit ? Du point de vue des sociologues (cf.

Durkheim), la sanction sociale la plus atténuée serait le sentiment d'être ridicule.

Mais un tel sentiment peut aboutir à deux attitudes opposées : — soit rejoindre la norme pour échapper au ridicule; — soit à l'inverse la braver avec obstination, faire de sa transgression l'enjeu d'un combat et retourner à l'adversaire l'accusation de ridicule. On peut emprunter des exemples à l'histoire de l'art: «impressionniste», «cubiste», «fauve», furent d'abord des termes péjoratifs où s'énonçait un jugement dépréciatif porté sur des oeuvres nouvelles.

On sait comment les peintres ont précisément retourné ces qualificatifs pour les revendiquer de façon positive: «oui, nous sommes bien des impressionnistes».

Ainsi, ce qui dans un premier temps contestait leur liberté d'artistes est devenu grâce à leur défi la marque même d'un style finalement inscrit dans l'histoire de l'art moderne. Dans des situations de ce genre, le jugement d'autrui, au lieu de laisser indifférent, est utilisé pour mieux marquer la différence que l'on revendique: il devient le prétexte à une affirmation plus ferme de la liberté. En se référant aux analyses de Sartre, on peut aboutir à une semblable conclusion. « L'enfer, c'est les autres », affirme Sartre dans Huis-Clos. Sur la question d'autrui, Sartre souligne que seul Hegel s'est vraiment intéressé à l'Autre, en tant qu'il est celui par lequel ma conscience devient conscience de soi.

Son mérite est d'avoir montré que, dans mon être essentiel, je dépends d'autrui.

Autrement dit, loin que l'on doive opposer mon être pour moi-même à mon être pour autrui, « l'être-pour-autrui apparaît comme une condition nécessaire de mon être pour moi-même » : « L'intuition géniale de Hegel est de me faire dépendre de l'autre en mon être.

Je suis, dit-il, un être pour soi qui n'est pour soi que par un autre.

» Mais Hegel n'a réussi que sur le plan de la connaissance : « Le grand ressort de la lutte des consciences, c'est l'effort de chacune pour transformer sa certitude de soi en vérité.

» Il reste donc à passer au niveau de l'existence effective et concrète d'autrui.

Aussi Sartre récupère-t-il le sens hégélien de la dialectique du maître et de l'esclave, mais en l'appliquant à des rapports concrets d'existence : regard, amour, désir, sexualité, caresse.

L'autre différence, c'est que si, pour Hegel, le conflit n'est qu'un moment, Sartre semble y voir le fondement constitutif de la relation à autrui.

On connaît la formule fameuse : « L'enfer, c'est les autres ».

Ce thème est développé sur un plan plus philosophique dans « L'être & le néant ».

Parodiant la sentence biblique et reprenant l'idée hégélienne selon laquelle « chaque conscience poursuit la mort de l'autre ».

Sartre y affirme : « S'il y a un Autre, quel qu'il soit, quels que soient ses rapports avec moi, sans même qu'il agisse autrement sur moi que par le pur surgissement de son être, j'ai un dehors, une nature ; ma chute originelle, c'est l'existence de l'autre...

» J'existe d'abord, je suis jeté dans le monde, et ensuite seulement je me définis peu à peu, par mes choix et par mes actes.

Je deviens « ceci ou cela ».

Mais cette définition reste toujours ouverte.

Je suis donc fondamentalement libre « projet », invention perpétuelle de mon avenir.

Et je suis celui qui ne peut pas être objet pour moi-même, celui qui ne peut même pas concevoir pour soi l'existence sous forme d'objet : « Ceci non à cause d'un manque de recul ou d'une prévention intellectuelle ou d'une limite imposée à ma connaissance, mais parce que l'objectivité réclame une négation explicite : l'objet, c'est ce que je me fais ne pas être...

» Or je suis, moi, celui que je me fais être.

Et c'est précisément parce que je ne suis que pure subjectivité et liberté, que le simple surgissement d'autrui est une violence fondamentale.

Peu importe qu'il m'aime, me haïsse ou soit indifférent à mon égard.

Il est là, je le vois et je découvre que je ne suis plus centre du monde, sujet absolu.

Il me voit, et avec son regard s'opère une métamorphose dans mon être profond : je me vois parce qu'il me voit, je m'appréhende comme objet devant une transcendance et une liberté. Si chaque conscience est une liberté qui rêve d'être absolu, elle ne peut que chercher à transformer la liberté de. »

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