Aide en Philo

Est-il raisonnable de penser que la nature poursuit des fins ?

Extrait du document

« La nature est ce qui existe spontanément et, dans un être, ce qui constitue le principe de son développement autonome.

Ainsi, le monde naturel est bien ce qui existe indépendamment des intentions et des efforts de l'homme, et seul l'homme peut poursuivre des fins.

Il semble donc à première vue qu'il n'est pas raisonnable de penser que la nature poursuit des fins. Cependant une telle opinion n'est-elle pas critiquable ? L'homme pouvant être aussi considéré comme un être naturel, est-il raisonnable de penser que la nature poursuit des fins ? Car l'homme mais aussi tous les êtres vivants sont doués d'un projet, ils poursuivent tous un but.

De même que la nature ne crée rien inutilement.

Par exemple : les pépins existent dans le but de donner des fruits. Le problème se pose donc, est-il raisonnable ou irréfléchi de penser que la nature poursuit des fins ? L'enjeu de ce sujet est la place de l'homme par rapport à la nature.

Doit-on considérer l'homme en tant qu'être naturel ? Mais au nom de quoi disons-nous qu'un être est naturel ? Si l'homme est un être naturel, alors la nature aurait une finalité. Mais il importe avant d'examiner les principales thèses, de procéder à l'analyse préalable de l'énoncé du sujet. Le concept thématique est "la nature poursuit des fins".

La nature vient du latin "natura", du verbe latin "nascore" qui signifie naître.

Le mot nature désigne ce qui existe en dehors du monde humanisé, transformé par l'homme.

D'après Aristote, la nature ("phusis" en grec) n'est pas une chose, mais un principe : elle est un principe de mouvement et de repos.

"Poursuit des fins", c'est-à-dire poursuit des buts, avoir une finalité.

Le mot fin vient du latin "finis" qui signifie le but.

En effet c'est le but vers lequel on tend, c'est le but d'une action, son objectif.

Mais contrairement au but, elle n'est pas forcément intentionnelle.

Chez Kant : " ce qui sert à la volonté de principe objectif pour se déterminer elle-même, c'est la fin".

(Fondements métaphysique des moeurs). Le concept opératoire est "penser" du latin "pendere" ou "pensare" qui signifie peser, juger.

Le sujet nous amène donc à concevoir des idées ou des opinions (autrement dit penser) par le travail de l'Esprit. Puis l'adjectif raisonnable qui vient du latin "ratio" qui signifie calcul, compte.

Celui-ci insiste sur le fait qu'il ne faut pas prendre position pour telle ou telle thèse sans bien les analyser en détail.

Il faut que notre position paraisse sensée c'est-à-dire conforme aux attentes ou aux jugements de la plupart des individus, en tant qu'ils sont doués de raison. Le sens général du texte nous est maintenant expliqué : nous devons, par le travail de l'Esprit, dire si oui ou non la nature poursuit des fins c'est-à-dire des buts, des objectifs grâce à des propos sensés. Il est déraisonnable de penser que la nature poursuit des fins puisqu'on peut concevoir la nature sur le modèle des objets que l'homme fabrique et qui sont toujours destinés à une fin et qui n'ont de sens qu'en fonction de cette fin.

Ainsi, seul l'homme peut poursuivre des fins.

De plus, selon François JACOB, la finalité n'est pas indispensable aux sciences de la vie, la finalité est évacuée de la sphère du vivant.

La finalité n'est pas le modèle pour expliquer que tout ce qui, dans la nature, paraît orienté vers un but mais c'est le programme génétique qui explique tout cela, ainsi, comme le dit François JACOB : "sont inscrits dans l'ADN, les plans qui régissent le développement du futur organisme, ses activités, son comportement".

Selon lui, aucune autre fin n'anime l'évolution des espèces vivantes, il n'y a donc aucune finalité dans le monde du vivant.

Ainsi, l'explication par la finalité a été répudiée, dans la sphère biologique, tant pour l'individu que pour les espèces.

Mais encore, d'un point de vue théologique : Dieu est un artisan plus parfait, et la nature se borne à agir selon les lois qu'il a instaurées au départ.

Dieu est considéré comme une nature non pas créée, mais créatrice.

D'après Spinoza, tout est Dieu et Dieu est conçu comme Nature infinie, il se confond avec la Nature et n'agit pas en vue de fins.

Spinoza nous affirme dans Ethique, 1 ère partie : " Dieu est l'unique substance en laquelle tout se trouve [...] Donc, aucune autre substance que Dieu ne peut exister ni se concevoir [...] Tout ce qui est, est en Dieu, et rien ne peut être, ni être conçu sans Dieu".

Toujours dans Ethique, Spinoza nous démontre que le finalisme est en contradiction avec la perfection de Dieu, donc avec sa nature, il déclare : "Cette doctrine détruit la perfection de Dieu, car, si Dieu agit pour une fin, il apprête nécessairement quelque chose de quoi il est privé [...] Dieu était privé de tout ce que pour quoi il a voulu procurer des moyens et le désirait".

Et il démontre aussi que le finalisme repose sur une argumentation pétrie d'ignorance.

Ainsi, de Dieu, "c'est-à-dire de la nature", découle par la seule nécessité naturelle tout ce qui existe (les modes de l'être).

Tous les évènements sont soumis à un strict déterminisme.

Il n'y a donc pas de causes finales.

Donc le finalisme n'explique pas l'action divine dans la nature, de plus la structure du corps humain ne doit pas être comprise à la lumière du finalisme.

Et enfin, selon Descartes, la nature ne poursuit pas de fins, il y a un mécanisme, c'est-à-dire que la nature et y compris les êtres vivants fonctionnent comme une machine.

Il conçoit donc l'être vivant et la nature entière comme une machine automate : les organes ne sont rien d'autres que des rouages, et la vie rien d'autre que la façon dont le mouvement se transmet de rouage en rouage à partir d'une impulsion initiale.

Telle est notamment la théorie cartésienne des animaux machines.

Ainsi, dans ces conditions, le vivant perd tout mystère (la nature ne contient aucun mystère).

La force vitale est expulsée pour comprendre le vivant.

Mais la réduction au modèle de la machine rend aveugle aux spécificités de l'organisme : contre le mécanisme, Kant a raison d'objecter qu'on a jamais vu deux montres, par exemple, donner naissance à une troisième.

De plus, selon lui, la machine produite par un artisan (objet de culture) est entièrement semblable à la production naturelle.

Ainsi, le mécanisme cartésien excluait de voir dans la nature, et donc les phénomènes de la vie, la manifestation de fins.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles