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Est-il légitime de parler d'un pouvoir technique ?

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« Le pouvoir technique, c'est la possibilité de manifester une puissance à partir de la manipulation d'outils et d'instruments.

En ce sens, la technique me permet de maîtriser la nature et d'exercer sur elle une action visant à la transformer afin d'améliorer les conditions de vie , Pourtant, la technique, si elle est un savoir faire, un savoir appliqué, est avant tout un savoir, un ensemble de connaissances qu'elle peut tenir de la science ou de l'expérience.

Réduire la technique a un pouvoir, c'est ne voir que son côté instrumental, non sa dimension intellectuelle.

De même, si la technique n'est qu'un pouvoir, alors notre pouvoir se mesure à la réussite d'une action. Or la technique nous pousse aussi des problèmes moraux.

Elle nous oblige à nous poser la question " que devons nous faire ? " et pas simplement " que pouvons-nous faire ? ".

C'est le passage du fait au droit. La question ne porte pas essentiellement sur les pouvoirs de la technique, ni sur la légitimité de ses pouvoirs : on serait hors sujet si l'on ne considérait que ces points.

La réflexion doit être centrée sur la légitimité d'une expression ; en effet, on parle couramment des « pouvoirs des la technique », pour s'en réjouir ou s'en inquiéter, et il faut ici se demander si une telle formule a un sens, si elle est justifiée, si l'on a raison de l'utiliser. 1.

La puissance technique • L'expression : le pouvoir de la technique, aujourd'hui, ne paraît pas désigner les techniques artisanales, procédés empiriques, outils, instruments, savoir-faire par lesquels l'homme a toujours transformé la nature pour l'adapter à ses besoins.

En effet, ces techniques sont infiniment moins puissantes que celles qu'on a obtenues en appliquant méthodiquement les connaissances scientifiques. • C'est Descartes qui, dès 1637, dégage le sens général des techniques rendues possibles par l'apparition des sciences expérimentales.

« Sitôt que j'ai eu acquis quelques notions générales touchant la Physique, [...] elles m'ont fait voir qu'il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie ; et qu'au lieu de cette philosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique par laquelle, connaissant la force et les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature » (Discours de la Méthode, VI). Dans la sixième partie du « Discours de la méthode » (1637), Descartes met au jour un projet dont nous sommes les héritiers.

Il s'agit de promouvoir une nouvelle conception de la science, de la technique et de leurs rapports, apte à nous rendre « comme maître et possesseurs de la nature ».

Descartes n'inaugure pas seulement l'ère du mécanisme, mais aussi celle du machinisme, de la domination technicienne du monde. Si Descartes marque une étape essentielle dans l'histoire de la philosophie, c'est qu'il rompt de façon radicale et essentielle avec sa compréhension antérieure.

Dans le « Discours de la méthode », Descartes polémique avec la philosophie de son temps et des siècles passés : la scolastique, que l'on peut définir comme une réappropriation chrétienne de la doctrine d'Aristote. Plus précisément, il s'agit dans notre passage de substituer « à la philosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles » une « philosophie pratique ».

La philosophie spéculative désigne la scolastique, qui fait prédominer la contemplation sur l'action, le voir sur l'agir. Aristote et la tradition grecque faisaient de la science une activité libre et désintéressée, n'ayant d'autre but que de comprendre le monde, d'en admirer la beauté.

La vie active est conçue comme coupée de la vie spéculative, seule digne non seulement des hommes, mais des dieux. Descartes subvertit la tradition.

D'une part, il cherche des « connaissances qui soient fort utiles à la vie », d'autre part la science cartésienne ne contemple plus les choses de la nature, mais construit des objets de connaissance.

Avec le cartésianisme, un idéal d'action, de maîtrise s'introduit au cœur même de l'activité de connaître. La science antique & la philosophie chrétienne étaient désintéressées ; Descartes veut, lui, une « philosophie pratique ».

« Ce qui n'est pas seulement à désirer pour l'invention d'une infinité d'artifices qui feraient qu'on jouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé […] » La nature ne se contemple plus, elle se domine.

Elle ne chante plus les louanges de Dieu, elle est offerte à l'homme pour qu'il l'exploite et s'en rende « comme maître & possesseur ». Or, non seulement la compréhension de la science se voit transformée, mais dans un même mouvement, celle de la technique.

Si la science peut devenir pratique (et non plus seulement spéculative), c'est qu'elle peut s'appliquer dans une technique.

La technique n'est plus un art, un savoir-faire, une routine, elle devient une science appliquée. D'une part, il s'agit de connaître les éléments « aussi distinctement que nous connaissons les métiers de nos artisans ».

Puis « de les employer de même façon à tous les usages auxquels ils sont propres ».

Il n'est pas indifférent que l'activité artisanale devienne le modèle de la connaissance.

On connaît comme on agit ou on transforme, et dans un même but.

La nature désenchantée n'est plus qu'un matériau offert à l'action de l'homme, dans son propre intérêt.

Connaître et fabriquer vont de pair.. »

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