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Est-il injuste de désobéir aux lois ?

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« Problématique: Toute la difficulté de cette question vient du fait que les lois positives, cad les règles en vigueur dans un Etat, constituent précisément le critère grâce auquel les juges, les gouvernants et même les gouvernés y distinguent ce qui est juste de ce qui ne l'est pas. Pour considérer une loi comme inique et pour estimer juste le fait de lui désobéir, il faut adopter des critères de jugement distincts de ceux qui sont proposés par l'ordre juridique en place.

On dissocie alors fortement la légalité et la légitimité, comme le fait Rousseau dans le "Contrat social". Toutefois, comment sera choisi le critère grâce auquel on décidera que telle loi ou tel régime sont justes ou illégitimes ? Est-il fourni par la conscience morale ? Mais ses prescriptions varient d'une personne à l'autre. L'enjeu du débat est donc la possibilité de trouver un critère de jugement possédant l'objectivité du droit positif et la légitimité absolue que revêt à nos yeux la voix de notre conscience. A) Droit positif et droit idéal. En ce qui concerne le droit positif, la question de son origine est relativement simple : les règles juridiques ont une existence dans la mesure où elles ont fait l'objet d'un acte humain d'institution, effectué par un organe compétent, l'autorité législative.

Le droit positif est donc une construction artificielle, il varie d'un Etat à l'autre, et aussi d'une époque à l'autre, car des lois peuvent être abrogées, des lois nouvelles adoptées; il est relatif. En ce qui concerne le droit idéal, la réponse est moins simple.

Puisqu'il s'agit d'idéal, il ne saurait y avoir d'institution à proprement parler ; il vaut mieux considérer que ce droit découle de ce qu'en termes platoniciens on pourrait appeler l'idée de juste, et qu'il fixe un programme au législateur : instituer une juridiction positive qui soit la moins éloignée possible de l'idée du Juste, ou réformer la législation existante, pour la rapprocher de cet idéal.

Certains estiment toutefois qu'il existe un droit idéal d'institution naturelle. Il importe en tous cas de savoir dans quel rapport l'un à l'autre se trouvent droit positif et droit idéal ou naturel, afin de déterminer des deux variétés de droit laquelle constitue le droit par excellence, et donc la nature du fondement, institutionnel ou idéal (naturel), du droit. B) L'idéalisme juridique. On peut être tenté de considérer que le droit idéal ou naturel l'emporte sur le droit positif, et s'il se présente comme une supra-norme destinée à normer la norme juridique positive : c'est la mission du législateur que de rapprocher le droit positif du droit idéal ou naturel, en légiférant le regard fixé sur l'idée de juste.

Dans ce cas, il conviendrait de considérer comme illégitime, bien que légale, une loi positive injuste, cad non conforme à l'idée de juste, et de ne reconnaître de pleine légitimité qu'aux lois positives effectivement conformes à la supra-norme de justice.

La loi positive ne serait pleinement juste, légitime, disons presque juridique, que dans la mesure où elle serait une adaptation de la loi idéale ou naturelle. Elle devrait alors être respectée.

En revanche, dans l'hypothèse où la loi positive s'écarterait de la supra-norme, se poserait sérieusement la question de savoir s'il ne vaudrait pas mieux désobéir.

On appelle idéalisme juridique, la doctrine qui subordonne la validité de la loi positive à sa conformité à la loi idéale ou naturelle, la doctrine qui fonde le droit positif dans le droit idéal ou naturel. C) Le positivisme juridique. L'idéalisme s'expose à des objections.

On peut contester qu'il existe une Idée de juste, ou un droit naturel.

On peut faire observer qu'à supposer l'existence de quelque chose de cet ordre, nous ne disposons pas des moyens de différencier à coup sûr ce qui est juste de ce qui est injuste, ainsi qu'en témoigne la divergence des opinions à ce sujet.

Et l'on peut douter de la capacité des hommes à s'accorder entre deux, dans la représentation du juste et de l'injuste. Si l'on va jusqu'au bout de ces objections, on ne arrive à la conclusion qu'il faut renoncer à évaluer le droit positif au nom d'une supra-norme idéale ou naturelle.

On accordera donc par principe la légitimité et la validité juridiques au droit positif, quel que soit son contenu.

On appelle positivisme juridique la doctrine qui justifie inconditionnellement le droit positif, et ne fonde pas le droit positif sur autre chose que l'acte de son institution par une autorité compétente. Antigone, dans la tragédie de Sophocle, agit en idéaliste quand elle brave l'interdiction s'ensevelir son frère Polynice, au nom de ce qu'elle considère comme des devoirs plus fondamentaux, familiaux ou religieux.

Aristote estime qu'elle désobéit à une loi particulière, au nom d'une loi plus puissante, naturelle, commune à tous et éternelle (« Rhétorique », I, 13). A l'opposé, un représentant éminent du positivisme, Kelsen estime qu'on peut certes critiquer une loi positive au nom d'une idée du juste, mais qu'il peut exister autant d'idées du juste que d'individus : il ne serait donc jamais permis de considérer comme non valable un élément d'une législation positive, sous peine de replonger dans le règne de l'arbitraire individuel. Mais il faut distinguer le légalisme kelsenien, « tout ce qui n'est pas contraire au droit est licite » et le légalisme qui ne s'attache qu'à la lettre de la loi, que l'on pourrait appeler le « juridisme », qui estime que « tout ce qui n'est pas contraire à la lettre de la loi est licite ». Le positivisme ne manque donc pas d'arguments.

La principale objection à lui adresser est celle-ci : en assimilant légal et légitime, on se prive du moyen de critiquer le droit positif, lorsqu'il incite à des comportements manifestement inacceptables, face auxquels le positivisme laisse désarmé (cas d'une législation raciste, par. »

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