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Est-il bon de douter?

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« Que ce soit vis-à-vis de la pertinence de l'accomplissement d'une action ou de la validité d'un raisonnement, le doute se caractérise par une incertitude qui se traduit par la suspension du jugement.

Le doute apparaît comme une parenthèse dans le cours des actes, des paroles, des pensées : parenthèse synonyme de retour sur soi, plus ou moins étendue et dans son objet et dans la durée.

En renonçant à l'impulsion première, le sujet se met en retrait, mais ne se met-il pas également en danger ? Quelles seraient les modalités d'une telle démarche afin que le sujet ne se perde pas dans un questionnement sans fin, donc sans conséquence tant dans le domaine de la pensée que de l'action ? LE DOUTE COMME VOIE VERS LA VERITE - La méthode socratique de la maïeutique s'appuie sur une remise en question des idées communément admises, de la doxa, afin de parvenir à une connaissance rationnelle : non plus répéter ce qui est dit, mais sonder cette opinion courante.

Il s'agit de n'avoir pour témoin que sa propre pensée, de débusquer ses lacunes et ses apories.  Il est bon de douter afin de s'éloigner du leurre d'une connaissance qui ne nécessiterait aucun effort de l'esprit.

De plus, la maïeutique, en s'efforçant de ne prendre à témoin que la raison, vise également une connaissance de soi. C'est également en utilisant le doute, mais un doute circonstancié, limité dans le temps, que Descartes se propose de fonder « quelque chose de ferme et de constant dans les sciences ».

On parle à ce propos de doute méthodique, mais il est aussi qualifié d'hyperbolique puisque Descartes considère comme faux ce qui a pu le tromper, ne serait-ce qu'une fois.

Le philosophe remonte ainsi jusqu'à la conscience du je suis.  Le doute est la première étape de la refonte de la connaissance.

En s'écartant de tout ce qui peut être trompeur, y compris de la certitude de son état de veille par exemple, le philosophe suspend son jugement pour mieux l'affirmer dès lors que les preuves nécessaires seront apportées.

Le doute nous préserve de l'illusion. - Dans Qu'est-ce que les Lumières ? Kant prend la défense du doute en tant que moteur principal contre l'obscurantisme.

Car douter, si c'est un acte clé de la sphère philosophique et scientifique, concerne également chacun dans ses croyances, ses opinions etc.

Ce qui permet à un peuple de progresser vers le Bien, de se libérer du joug des superstitions, c'est la possibilité de questionner, de conquérir des libertés.  Douter, c'est s'affranchir dans une certaine mesure de conditionnements premiers.

Quelque soit la décision prise à l'issue du doute, l'examen de la raison assoit l'individu dans ses pensées, fait de lui l'auteur de sa personne. LE DOUTE COMME EXERCICE DE LA LIBERTE - -  Là où le doute peut sembler néfaste, c'est lorsqu'il peut faire obstacle à l'action ou à la prise de décision.

C'est le cas du doute paralysant des Sceptiques, qui mettent en avant que la perception d'une chose est relative au sujet, que les opinions se contredisant, on ne peut rien dire par exemple de l'Etre ; qu'il n'existe pas de principe premier ; que pour démontrer A il nous faut démontrer B, c'està-dire qu'il existe un cercle vicieux dans tout raisonnement.

Les Sceptiques marquent un arrêt dans la recherche de la vérité. Si Kant se fait défenseur du doute en matière de connaissance théorique, il en est autrement dans ses écrits pratiques, notamment concernant la morale.

La morale kantienne, fondée sur l'impératif catégorique, appelle à l'universel, et de ce point de vue, ne tolère aucun doute.

S'il est interdit de mentir, il en est ainsi dans toutes les circonstances, quelque puissent être les enjeux.

La morale n'est pas affaire de sentiment mais de raison, de sorte qu'aucun cas de conscience ne peut apparaître. Les Sceptiques, en posant qu'il est impossible pour la raison d'affirmer ou de nier quoi que ce soit avec certitude, paralysent la réflexion et l'action.

La morale kantienne, en excluant le doute, le cas de conscience, fait de ses préceptes non pas un cadre de réflexion pour l'individu autonome, mais un carcan.

Il apparaît que le doute radical plonge l'homme dans la nécrose, que l'absence de doute possible lui retire une part de liberté. LE DOUTE NÉCROSANT - Lorsqu'il n'est pas permis de douter : Kant souligne dans Qu'est ce que les Lumières ? que si l'homme public peut douter, et doit douter pour s'affranchir de l'obscurantisme, l'homme privé ne peut amener ses doutes dans la sphère publique de décision.

Par exemple : le pilote d'avion qui larguait les bombes sur Nagasaki ne pouvait pas faire entrer ses considérations morales personnelles dans la situation d'urgence dans laquelle il se trouvait.

Le doute des décisionnaires, nécessaire en aval, doit s'effacer face à la réalité de l'action.

Il semble qu'il existe une temporalité adéquate au doute : il ne peut interférer dans l'action, sous peine de mettre en péril celle-ci. - Le doute est également nécrose dès lors qu'il s'empare de questions qui ne peuvent que jeter le trouble dans notre âme : douter de l'existence ou non des dieux, par exemple, ne peut apporter que questionnement sans fin.

Les Stoïciens recommandent ainsi la limitation des questions et des espérances à ce qui ne peut que dépendre de nous.

Le doute portant sur des forces inconnues ne peut nous apporter qu'angoisse et peine. Le doute apparaît donc comme l'étape première et nécessaire dans les sciences comme en philosophie, synonyme d'arrachement aux préjugés : pour fonder une connaissance ferme, il est bon de douter. En revanche, dès lors qu'il interagit dans la sphère pratique, et morale en particulier, le doute semble avoir une temporalité propre, plus ou moins pertinente : douter de ses choix, c'est exercer sa liberté, douter dans l'action, c'est ne pas l'accomplir pleinement.

Il existe un moment pour douter, un moment pour arrêter de douter.

Enfin, il apparaît que le doute, pour être vécu comme un élément constructeur d'une identité et ne pas plonger l'être dans l'angoisse, sache s'accommoder des éléments sur lesquels, quelque soit l'issue, il ne puisse avoir aucune influence. Le doute est bon dès lors qu'il contribue à la vie bonne.. »

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