Epictète: Qu'est-ce qu'un homme libre ?
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L'opinion commune identifie la liberté à la libre spontanéité. Or d'emblée Épictète disqualifie une telle conception en l'attribuant à un « fou », c'est-à-dire à un être déraisonnable. L'homme libre, en effet, n'est pas celui à qui tout advient selon sa volonté. Est-ce que je puis transgresser les lois physiques? Si personne ne peut m'empêcher de faire ceci ou cela, puis-je encore vivre en communauté? Vouloir au hasard qu'adviennent les choses qu'un hasard nous fait croire bonnes, voilà qui n'est ni une « belle » chose ni une chose « très raisonnable ». Un tel vouloir apparente la liberté à une chimère. Par opposition, Épictète définit la liberté comme « une chose non seulement très belle mais très raisonnable » et il nous donne plusieurs exemples de conduites raisonnables. D'abord comment procédons-nous dans l'écriture des lettres? Est-ce que je veux écrire à ma fantaisie le nom de Dion? Non pas ; on m'apprend à vouloir l'écrire comme il doit être. De même que faisons-nous, en général, dès qu'il y a un art (technique) ou une science? La même chose. Comme l'écriture, les arts et les sciences obéissent à un ensemble de règles, de principes supérieurs et extérieurs à l'individu. Donc, par analogie, la liberté aussi.
«
Puisque l'homme libre est celui à qui tout arrive comme il le désire, me dit un
fou, je veux aussi que tout m'arrive comme il me plaît.
- Eh! Mon ami, la folie
et la liberté ne se trouvent jamais ensemble.
La liberté est une chose non
seulement très belle, mais très raisonnable et il n'y a rien de plus absurde ni
de plus raisonnable que de former des désirs téméraires et de vouloir que les
choses arrivent comme nous les avons pensées.
Quand j'ai le nom de Dion à
écrire, il faut que je l'écrive, non pas comme je veux, mais tel qu'il est, sans y
changer une seule lettre.
Il en est de même dans tous les arts et dans toutes
les sciences.
Et tu veux que sur la plus grande et la plus importante de
toutes les choses, je veux dire la liberté, on voie régner le caprice et la
fantaisie.
Non, mon ami: la liberté consiste à vouloir que les choses arrivent,
non comme il te plaît, mais comme elles arrivent.
La liberté n'est pas la licence
L'opinion commune identifie la liberté à la libre spontanéité.
Or d'emblée
Épictète disqualifie une telle conception en l'attribuant à un « fou », c'est-àdire à un être déraisonnable.
L'homme libre, en effet, n'est pas celui à qui
tout advient selon sa volonté.
Est-ce que je puis transgresser les lois
physiques? Si personne ne peut m'empêcher de faire ceci ou cela, puis-je
encore vivre en communauté? Vouloir au hasard qu'adviennent les choses
qu'un hasard nous fait
croire bonnes, voilà qui n'est ni une « belle » chose ni une chose « très raisonnable ».
Un tel vouloir apparente la
liberté à une chimère.
Par opposition, Épictète définit la liberté comme « une chose non seulement très belle mais
très raisonnable » et il nous donne plusieurs exemples de conduites raisonnables.
D'abord comment procédons-nous
dans l'écriture des lettres? Est-ce que je veux écrire à ma fantaisie le nom de Dion? Non pas ; on m'apprend à
vouloir l'écrire comme il doit être.
De même que faisons-nous, en général, dès qu'il y a un art (technique) ou une
science? La même chose.
Comme l'écriture, les arts et les sciences obéissent à un ensemble de règles, de principes
supérieurs et extérieurs à l'individu.
Donc, par analogie, la liberté aussi.
L'homme libre veut que les choses arrivent comme elles arrivent.
Mais s'il est vrai que la liberté n'est pas la fantaisie, ne peut-on pas, parfois, faire en sorte que les choses arrivent
comme nous le voulons? Si je désire la santé, ne puis-je pas, par un régime approprié, la conserver? C'est oublier
que, pour Épictète et le stoïcisme, une Providence sage a tout organisé selon des lois inexorables.
Et lorsque
Épictète affirme que « la liberté consiste à vouloir que les choses arrivent comme elles arrivent », cela signifie que la
liberté est la conformité à la nécessité ou qu'être libre, c'est être capable de comprendre et vouloir l'ordre rationnel
du cosmos.
S'il est donné à l'homme de « vouloir que les choses arrivent comme elles arrivent », il lui est surtout
donné de faire que tout événement lui apparaisse comme il le veut.
La connaissance et la volonté libre n'oriententelles pas l'homme à l'intérieur de lui-même vers la sagesse, dans l'indifférence à ce qui se passe à l'extérieur?
La véritable liberté n'est pas dans l'acceptation de ce qui est.
Il est difficile d'admettre que tout ce qui arrive a un caractère nécessaire.
Comme le montre Hegel, le stoïcien est,
au fond, l'esclave qui se libère du maître en le niant et, avec lui, le monde extérieur.
Épictète n'est-il pas lui-même
un ancien esclave, disgracieux et boiteux, qui a trouvé dans la philosophie la libération véritable et le moyen de
rivaliser avec les dieux? En même temps ne dévoile-t-il pas au maître le secret de la liberté qui consiste à se
dominer soi-même, au lieu de dominer l'esclave ? Mais cette synthèse, souligne Hegel, reste abstraite : elle ne
résout la contradiction qu'en idée.
Faute de pouvoir changer l'ordre du monde, le stoïcien se réfugie dans « la pure
universalité de la pensée ».
Sa liberté n'est qu'une liberté négative contre le monde et les hommes.
C'est aussi une
liberté abstraite, car le stoïcien pense mais n'agit pas.
Il s'oppose au monde, se retire dans la pensée mais ne lutte
pas contre ce monde, contre le maître, pour se faire reconnaître comme libre, en risquant sa vie.
C'est un homme
libre mais abstrait, car il n'est libre que par et dans la pensée, plus précisément dans sa pensée.
La véritable liberté
n'est-elle pas volonté de transformer ce qui est?.
»
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