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Épictète: Être libre, est-ce adhérer à la nécessité ?

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Puisque l'homme libre est celui à qui tout arrive comme il le désire, me dit un fou, je veux aussi que tout m'arrive comme il me plaît. - Eh ! mon ami, la folie et la liberté ne se trouvent jamais ensemble. La liberté est une chose non seulement très belle, mais très raisonnable et il n'y a rien de plus absurde ni de plus déraisonnable que de former des désirs téméraires et de vouloir que les choses arrivent comme nous les avons pensées. Quand j'ai le nom de Dion à écrire, il faut que je l'écrive, non pas comme je veux, mais tel qu'il est, sans y changer une seule lettre. Il est de même dans tous les arts et dans toutes les sciences. Et tu veux que sur la plus grande et la plus importante de toutes les choses, je veux dire la liberté, on voie régner le caprice et la fantaisie. Non, mon ami : la liberté consiste à vouloir que les choses arrivent, non comme il te plaît, mais comme elles arrivent.

« « Puisque l'homme libre est celui à qui tout arrive comme il le désire, me dit un fou, je veux aussi que tout m'arrive comme il me plaît.

- Eh ! mon ami, la folie et la liberté ne se trouvent jamais ensemble.

La liberté est une chose non seulement très belle, mais très raisonnable et il n'y a rien de plus absurde ni de plus déraisonnable que de former des désirs téméraires et de vouloir que les choses arrivent comme nous les avons pensées.

Quand j'ai le nom de Dion à écrire, il faut que je l'écrive, non pas comme je veux, mais tel qu'il est, sans y changer une seule lettre.

Il est de même dans tous les arts et dans toutes les sciences.

Et tu veux que sur la plus grande et la plus importante de toutes les choses, je veux dire la liberté, on voie régner le caprice et la fantaisie.

Non, mon ami : la liberté consiste à vouloir que les choses arrivent, non comme il te plaît, mais comme elles arrivent.

» Épictète, Entretiens, trad.

J.

Souillé, Les Belles Lettres. Ce que défend ce texte: Ce que ne voit pas le « fou », selon Épictète, concerne le fait que les événements n'arrivent jamais « comme nous les avons pensés », et que nous ne pouvons jamais les modifier pour les soumettre à nos désirs, car ils ne font que déployer un destin qui nous dépasse. Pour illustrer cette thèse, Épictète utilise une comparaison: « Quand j'ai le nom de Dion à écrire, il faut que je l'écrive, non pas comme je veux, mais tel qu'il est, sans y changer une seule lettre.

» L'ordre de ces lettres est semblable à l'ordre des événements qui « écrivent » le cours de mon existence.

De même qu'il est impossible de changer une lettre (car c'est nécessairement avec celles-là que s'écrit le nom de Dion), il est de même impossible de changer le cours des événements de ma vie, car c'est nécessairement avec ceux-là qu'elle se déploie. Bien écrire et respecter la bonne orthographe des noms est chose importante.

Mais il est encore plus important de bien vivre, c'est-à-dire de se soumettre à ce que nous dit notre raison, en respectant le cours de notre destinée, par une adhésion pleine et entière à la nécessité qu'elle déroule.

Or c'est ce que ne comprennent pas ceux qui veulent que tout arrive comme il leur plaît.

Ils respectent sans problème l'orthographe des noms et se refusent à la modifier à leur fantaisie.

Toutefois, « sur la chose [...] la plus importante de toutes les choses », leur liberté, ils n'hésitent pas à vouloir faire régner cette fantaisie, en essayant de changer les événements au gré de leur bon vouloir. On peut toutefois se demander ici si l'analogie avec les lettres du nom de Dion n'est pas trompeuse.

C ar, lorsque j'ai ce nom à écrire, je peux bien commettre une erreur et en donner une mauvaise orthographe.

Doit-on dire alors que je peux aussi, volontairement ou non, m'opposer à ma destinée et écrire une « mauvaise page » de mon histoire, contraire à celle qui était prévue ? Si c'est le cas, comment peut-on concevoir à la fois la nécessité du destin et cette possibilité de lui échapper ? En réalité, cette difficulté apparente souligne plutôt les limites de cette comparaison.

Les hommes ne peuvent pas changer les « lettres » de leur destin, mais ils peuvent modifier leur attitude d'esprit vis-à-vis de ce qui arrive.

Cette attitude, Épictète l'appelle « faire un bon usage de ses représentations », c'est-àdire reconnaître ce qui dans l'existence ne dépend pas de nous (tous les événements de la vie) et ce qui seul en dépend (le fait d'accepter ou non ce qui arrive). Le sage qui ajuste son jugement à la nécessité ne connaîtra alors plus les tourments de ceux qui croyaient plier les événements à leur volonté.

A u lieu de se lamenter contre ce qui lui arrive il sera dans cette paix intérieure que suscite la conscience de participer par notre vie à la vie divine.

En effet, pour les stoïciens, chaque existence individuelle est comme le rôle qu'un acteur joue dans une grande pièce de théâtre dont l'histoire générale constitue la vie même de Dieu.

Le sage qui a compris cela ne s'opposera plus inutilement au destin et il aura saisi que la vraie liberté consiste à « adhérer au destin », ce qui ne signifie pas simplement l'accepter, contraint et forcé, c'est-à-dire résigné, mais « vouloir que les choses arrivent non comme il te plaît, mais comme elles arrivent ». Ce à quoi s'oppose cet extrait: Ce texte d'Épictète a pour objet de définir ce qu'on doit véritablement entendre par le mot « liberté ».

Une conception contraire à la raison, et qui pour cela ne peut être que « folie », consiste à croire que la liberté se réalise lorsque « tout m'arrive comme il me plaît ».

Cette définition est pourtant largement répandue, et en la faisant tenir par un « fou », Épictète souligne de manière forte combien la conception de la liberté qu'il défend ici s'oppose à elle.

Celle du fou nous rappelle, en effet, cette autre formule qui nous est plus familière : « être libre, c'est faire ce qui nous plaît ». Il y a toutefois une signification plus profonde dans la conception qu'Épictète attribue au fou.

La folie réside ici d'abord dans le fait de vouloir que les événements m'arrivent comme il me plaît, c'est-à-dire dans la prétention de cette volonté à infléchir le cours des choses, à agir sur lui de manière à ce qu'il corresponde à mon plaisir.

C 'est là une volonté tout à fait déraisonnable et l'on peut dire alors que « la folie et la liberté ne se trouvent jamais ensemble.

» ÉPICTÈTE.

Né à Hiéropolis (Phrygie) au 1er siècle de notre ère, mort à Nicopolis (Epire). Il fut l'esclave d'Epaphrodite, lui-même affranchi de Néron et suivit, à Rome, les leçons de Musonius Rufus.

Affranchi à la mort de son maître, il put se consacrer à la philosophie.

Lorsque Domitien bannit de Rome tous les philosophes, Épictète se retira à Nicopolis, où il eut pour disciple Flavius Arrien, grâce à qui son enseignement nous a été conservé.

Il vécut toujours très pauvrement., On raconte qu'un jour, sou maître lui tordant la jambe, Épictète lui dit : « Tu vas la casser», et que, lorsque la jambe fut en effet cassée, il ajouta : « Je te l'avais bien dit.» La philosophie d'Épictète est le stoïcisme, qui est devenu chez lui une morale sèche, insensible et orgueilleuse.

Indifférent à tout bien qui ne dépendît pas de lui, Épictète accepte la nécessité avec fierté.

« Supporte et abstiens- toi», telle est sa règle de conduite pratique.

Notre intelligence, notre volonté, notre personne dépendent de nous, les biens de la fortune n'en dépendent pas et ne doivent donc pas retenir notre attention.

Pour vivre conformément à la raison, il faut vivre en accord avec la nature.

Il faut éviter la passion, cette « maladie de l'âme », qui est la source de nos erreurs.

Pour être libre, heureux, tout puissant et parfait, il faut être impassible, il faut parvenir à l'ataraxie. Oeuvres principales : Entretiens ou Conversations, Manuel.. »

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