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En quoi toute forme d'esclavage est-elle contraire au droit ?

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« Pendant longtemps, l'esclavage a été légal ; c'était le cas dans l'antiquité, ce fut le cas dans les colonies jusqu'au XIXe siècle.

Peut-on alors dire que toute forme d'esclavage est contraire au droit ? Il faut d'abord remarquer qu'il y a des lois contraires au droit, des lois «scélérates ».

On se rapporte alors à l'idée de droit naturel pour critiquer les droits positifs.

Lorsqu'un droit positif admet l'esclavage, pourquoi est-on en droit de le critiquer au nom du droit naturel ? On peut observer que les pays d'Europe qui toléraient l'esclavage dans leurs colonies l'avaient aboli depuis longtemps sur leur propre sol, de même que le servage. Si l'esclavage ne peut être conforme au droit, c'est qu'il constitue une parodie de convention.

On prétend passer avec des hommes une convention qui les prive de leur humanité.

L'esclave n'est plus un sujet de droit dans la mesure où il n'a même plus, comme le souligne Rousseau, les devoirs de l'homme libre.

Son action ne peut être considérée comme morale parce qu'il est dépourvu de toute responsabilité. D'autre part, une convention doit toujours pouvoir être modifiée ou dénoncée par l'une des parties, moyennant éventuellement des dédommagements.

Or dans l'esclavage seul le maître est libre de modifier le sort de son esclave ou de l'affranchir.

Même dans l'acte d'affranchissement l'esclave n'a aucun droit, il subit jusqu'à sa libération, sauf s'il obtient cette dernière par la révolte — acte qui à son tour est étranger au fonctionnement normal du droit.

Ainsi l'esclave est condamné à adopter soit une attitude de soumission animale, ce qui le fait sortir du système du droit, soit une attitude de révolte réprimée par la loi ordinaire. Dans la suite du Contrat social, Rousseau s'appuiera sur ce contre-exemple de l'esclavage pour définir l'obéissance à des lois justes ; l'obéissance se distingue de la soumission dans la mesure où celui qui obéit le fait volontairement alors qu'il aurait la possibilité de désobéir.

C'est pourquoi la loi doit seulement interdire la désobéissance et non l'empêcher, la rendre impossible: dans ce cas, elle transformerait les hommes en objets, ils deviendraient esclaves. Tout système de droit doit s'adresser à des sujets libres. Introduction Lorsque Platon, dans son dialogue du Gorgias, met en opposition Socrate et Calliclès sur la question de la justice, ce dernier affirme un droit de nature.

Ce droit est en fait celui du plus fort sur le plus faible, droit de domination naturel de l'un sur l'autre.

Calliclès reproche à Socrate d'apporter la confusion entre loi des hommes et lois naturelles, selon qu'il en appelle de l'un et de l'autre dans son discours.

Cette opposition entre droit naturel et droit constitutionnel reste d'actualité, les différentes formes de violences et d'esclavagismes existant encore aujourd'hui de par le monde.

Les dictateurs et oppresseurs de ce monde justifient d'ailleurs leurs actes par ce droit naturel de domination des forts sur les faibles (soit pour la préservation du pouvoir, soit par l'argument du respect des lois de la nature). La question ainsi posée – en quoi toute forme d'esclavage est-elle contraire au droit ? – trouve son paradoxe dans le concept ambigu et polysémique de droit. Reste donc, pour répondre à cette question, à déterminer philosophiquement si et en quoi un droit, autre que naturel, s'oppose à la domination des plus forts sur les plus faibles ? Plus, nous pouvons légitimement nous demander si la liberté humaine est possible et inaliénable ? I.

Légitimité d'un droit contre la loi naturelle du plus fort ? C'est sur un point de vue politique que ce questionnement se fonde tout d'abord.

De manière exemplaire, Rousseau (Cf.

Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes) s'interrogera sur les origines et la légitimité de l'établissement d'un droit capable (ou non) de régler les rapports entre les hommes.

Pour ce faire il met en place l'hypothèse (polémique) d'un état fictif de nature pour contrebalancer avec cette même hypothèse dont se sont servis Hobbes (Cf.

Léviathan) et Locke (Cf.

Traité du gouvernement civil) pour affirmer, d'une certaine manière, cette loi de domination (par la force pour le premier ou par un mouvement libéral pour le second) des plus forts sur les plus faibles.

Hobbes reprendra d'ailleurs Plaute (« homo homini lupus », qui signifie « l'homme est un loup pour l'homme ») pour affermir cette idée de guerre intestine qui subsiste entre les hommes à l'état naturel.

Mais, selon Rousseau, et c'est l'objet de son discours, un autre état de nature est envisageable que celui de l'esclavagisme et de la barbarie de l'homme sur autrui.

Le coup de force de Rousseau est de montrer en quoi le despotisme, la révolution sanguinaire et l'esclavagisme n'ont aucune légitimité du point de vue naturel (l'homme-animal n'a cure de cette volition de domination puisqu'il n'est gouverné instinctivement que par deux passions : « l'amour de soi » et la « pitié »).

C'est bien plutôt la marque perverse du phénomène culturel et social.

C'est en ce sens que toute forme d'esclavagisme est légitimement condamnable par le droit le plus primaire : la loi instinctive de la nature.

Les inégalités sociales et la possibilité d'abus de domination esclavagiste des régnants sur les sujets est donc bien le fait de la civilisation et non du droit naturel.. »

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