En quoi la conscience est-elle mémoire ?
Extrait du document
«
Position de la question.
Il n'est certes pas facile de définir la conscience.
Car celle-ci, ainsi que le dit BERGSON, est une
réalité immédiate « constamment présente à l'expérience de chacun de nous ».
On peut cependant essayer de la
caractériser par opposition à l'inconscience.
C'est pourquoi nous commencerons par analyser cette dernière.
I.
L'être inconscient.
LEIBNIZ avait déjà dit que tout corps matériel est une mens momentanea, un esprit
qui vit dans l'instant, qui ne sait pas se souvenir.
A son tour, BERGSON affirme que « c'est la matérialité qui met en nous l'oubli ».
La
matière est pure instantanéité : « Une conscience qui ne conserverait rien de son
passé, qui s'oublierait sans cesse elle-même, périrait et renaîtrait à chaque instant :
comment définir autrement l'inconscience ? » (loc.
cit.).
La définition de M.
PRADINES est fort proche de celle-là : « Être inconscient, écrit-il,
c'est s'oublier, ou oublier une part de soi, dans ce qu'on fait, ce qu'on dit ou ce qu'on
médite ou projette; c'est oublier, méconnaître ou écarter les enseignements — ou
une part importante des enseignements — du passé; c'est devenir incapable de
rattacher son activité présente à la considération des effets qu'elle doit le plus
inévitablement produire.
» D'où la citation : « Un être inconscient est un être qui
s'échappe à lui-même ».
L'inconscience est une incoordination dynamique.
II.
L'être conscient.
Par opposition à ces caractères, voyons quels
sont ceux de l'être conscient.
« Conscience, dit BERGSON, signifie d'abord
mémoire », c'est-à-dire « conservation et
accumulation du passé ».
Le passé se conserve, il
« dure » en nous « jusqu'en ses moindres détails
» : c'est ce qui constitue la mémoire pure.
Mais la conscience est aussi « attention à la
vie » et « anticipation de l'avenir », et nos « souvenirs purs » ne s'actualisent
qu'appelés par l'action présente.
Ainsi, la conscience est « un trait d'union entre ce qui
a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l'avenir» (L'Énergie spirituelle, loc.
cit.).
La conscience est plongée dans le temps.
Pour Bergson, elle est conscience de la durée
même, propre temporalité.
Alors que l'entendement est spatial, analytique, immobile, la
conscience est saisie de la durée intime comme flux ininterrompu.
L'entendement est
une faculté qui organise, classe, ordonne, hiérarchise, formalise souvent sous le modèle
du classique mécanisme ; la conscience est une continuité indécomposable d'instants
qui s'agencent à la manière des notes dans une symphonie musicale.
Isoler une note
ne signifie rien et bouleverse l'harmonie de l'ensemble.
Lorsque nous tenons un
discours, le début de notre phrase appartient déjà au passé.
Pourtant, dans ce
discours, nous suivons le sens de ce qui est dit, et nous comprenons ce qui se dit.
Le
passé, bien qu'objectivement passé, demeure en notre conscience où il ne cesse de vivre.
Si notre conscience n'était que
pure intuition de l'instant, elle ne serait rien.
La conscience intègre la totalité du passé dans la mémoire, qui est comme la
source de notre intégration et de notre compréhension du moment présent.
La conscience est donc à entendre dans un sens profondément vital.
Elle résume et exprime notre puissance de choix.
Choisissant une action plutôt qu'une autre, elle ne laisse de contenir en elle l'intégralité du possible.
Ce par quoi se définit
notre pure et immédiate liberté.
Être conscient, c'est s'inventer sans cesse soi-même dans de libres choix.
C'est sur cette orientation vers l'avenir que PRADINES met l'accent.
La mémoire elle-même, selon lui, est « prospective, non
rétrospective » : c'est une fonction pratique d'anticipation.
Or, la conscience est surtout cette « mémoire tenue en main
pour des tâches d'avenir ».
C'est « une mise en faisceau, une organisation de connaissances (cum scire), donc une
opération unifiante accomplie avec intention et suivant un dessein...
Elle ramasse un être dispersé; elle fait qu'il réagit au
présent avec toute son expérience en vue d'un avenir qui s'étend proportionnellement à la profondeur du regard qu'il est
capable de jeter sur son passé ».
C'est pourquoi l'on peut dire qu'un être conscient est « un être qui se possède, se
ramasse et s'organise...
La conscience est une coordination dynamique ».
III.
Appréciation.
Il y a, on le voit, une idée commune à ces deux interprétations de Bergson et de Pradines.
Cette idée, ainsi que le
remarque d'ailleurs ce dernier, avait déjà été indiquée par Pierre JANET, lorsqu'il écrivait, à la fin de son étude sur
l'automatisme psychologique, que la conscience « est avant tout une activité de synthèse qui réunit des phénomènes
donnés plus ou moins nombreux en un phénomène nouveau différent des éléments ».
Il y a là une vue profondément
juste.
La mémoire, telle qu'elle est ici entendue, n'est qu'une forme de cette activité de synthèse : c'est la cohésion du
présent avec le passé en vue d'une adaptation vitale et d'une orientation de l'action vers l'avenir..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- BERGSON : toute conscience est mémoire
- Henri Bergson: La mémoire est-elle indispensable à la conscience ?
- Bergson: La conscience est mémoire, puissance de choix et liberté
- MÉMOIRE ET CONSCIENCE
- Expliquez et discutez l'une des trois assertions suivantes : 1° la perception est une hallucination vraie (TAINE); 2° les enfants, n'étant pas capables de jugement, n'ont pas de véritable mémoire (ROUSSEAU); 3° en réalité, la conscience est une conséquen