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En quel sens peut-on parler de la gratuité de l'art ?

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« Que faut-il comprendre par gratuité en ce qui concerne les œuvres d'art ? En somme, les œuvres d'art n'aurait aucune raison d'exister, elles seraient là pour l'ornement, pour la décoration, elles seraient de l'ordre du superflu, de l'inutile, elles seraient comme un corps étranger au monde habituel des objets de la vie quotidienne, elles ne serviraient qu'au plaisir des sens, qu'à la satisfaction esthétique.

Il faudra donc observer ce qui est à l'origine de ce sentiment de gratuité. 1) La gratuité des œuvres d'art : elles ne servent qu'elles-mêmes. Un autre principe, qui fut longtemps fondamental pour l'appréhension des œuvres, repose sur l'identification d'un motif à travers la notion de « mimésis », d'imitation.

Soumise à rude épreuve avec les développements de l'art moderne, une telle exigence repose sur la conviction que l'art a pour but véritable non tant d'imiter la nature pour elle-même mais, à travers elle, d'exprimer une idée, sous quelque forme que ce soit – idée morale, passion, conviction religieuse ou politique, etc. Une telle conception (dont Erwin Panofsky a dressé un remarquable tableau historique depuis l'Antiquité) était centrale dans toute la période académique ; elle s'est vue peu à peu battue en brèche par l'émergence d'un nouvel idéal esthétique, celui de « l'art pour l'art ».

Or prôner celui-ci, comme on le fera de plus en plus à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, c'est, de manière générale, affirmer la primauté de la « forme » (exécution, qualités plastiques) sur le « fond » (sujet représenté, motif, idée).

On trouve là du même coup le signe d'une autonomisation croissante de l'expression artistique en tant que telle, dans sa spécificité, par rapport à des références extérieures empruntées à d'autres domaines tels que la morale, l'histoire, la philosophie, etc.

Il y a un passage d'une conception de l'art où la forme reste quasi transparente aux yeux du spectateur, à une vision plus spécifiquement esthétique, interposant entre l'œil percevant et le sujet représenté la médiation de la mise en forme dans son « opacité » autrement dit, dans sa pleine visibilité.

La quête de « l'art pour l'art » – qui ne veut pas dire « la forme pour la forme » mais « la forme pour le beau » – éclaire le refus du réalisme. 2) la gratuité de l'abstrait : le refus de la représentation. Donnons une définition de la peinture abstraite : La peinture abstraite est celle qui ne représente pas les apparences visibles du monde extérieur, et qui n'est déterminée, ni dans ses fins, ni dans ses moyens, ni dans son esprit, par cette représentation. Ce qui caractérise donc, au départ, la peinture abstraite, c'est l'absence de la caractéristique fondamentale de la peinture figurative, l'absence de rapport de transposition, à un degré quelconque, entre les apparences visibles du monde extérieur et l'expression picturale .

Désormais le travail du peintre concerne la nature de la peinture : celle-ci est tout ensemble la forme et le contenu des tableaux.

Ils ne tirent plus leur sens que de la peinture, de son support, de l'histoire de son procès d'application.

Il s'agit de peindre la peinture.

Conscient d'un danger potentiel d'appauvrissement de son art, Kandinsky publie en 1912 un ouvrage au titre à cet égard significatif : Du spirituel dans l'art, et dans la peinture en particulier veut éveiller la capacité à « vivre le Spirituel dans les choses matérielles et abstraites ».

Afin d'éloigner le spectre d'une dégradation de la peinture en simple objet ornemental, l'artiste projette de fixer dans la forme un contenu spirituel et émotionnel.

La couleur joue ici un rôle décisif.

Kandinsky l'étudie en détail, et il consacre un chapitre à son action : « En règle générale, la couleur est donc un moyen d'exercer une influence directe sur l'âme.

La couleur est la touche.

L'œil est le marteau.

L'âme est le piano aux cordes nombreuses.

L'artiste est la main qui, par l'usage convenable de telle ou telle touche, met l'âme humaine en vibration.

Il est donc clair que l'harmonie des couleurs doit reposer uniquement sur le principe de l'entrée en contact efficace avec l'âme humaine.

Cette base sera définie comme le principe de la nécessité intérieure.

» 3) la gratuité de l'œuvre d'art à l'épreuve. Il évidemment facile de critiquer cet idée d'un art gratuit et formel qui finalement se dédouane de réfléchir sur l'évolution de la société, de prendre parti dans des débats et qui par conséquent se réduirait à une sorte de décoration, de fantaisie sans but.

En vérité seule la part décorative de l'art, certains aspects de l'art seraient gratuits.

Mais la vérité est plus compliquée.

Cela serait imaginer que les artistes peuvent se permettre de mettre dans leurs œuvres des éléments qui n'ont aucune justification.

On se rend en vérité compte que chaque touche de peinture sur une toile à sa raison d'être pour la cohérence de l'ensemble, chaque coup du burin du sculpteur se justifie par rapport au projet final.

Parler de gratuité dans l'art reviendrait à parler de hasard.

Dans ce cas, le hasard reviendrait par exemple à voir les touches de peintures arriver sur une toile sans que le peintre n'ait voulu qu'elle arrive à cet endroit, à l'instar du peintre Pollock et sa technique du drop painting Mais derrière l'apparent hasard artistique se trouve souvent une technique maîtrisée de l'artiste avec une visée.

En vérité chaque coup de pinceau annule le précédent et le rapport de celui-ci avec la surface du fond.

Quelques mois plus tard, cela débouchera sur la célèbre technique du dripping , chaque tableau devenant un palimpseste de déversements ou de dégouttements décomposable en couches successives.

Peindre, dès lors, consiste à effacer toute marque particulière, à généraliser les tensions en supprimant toute hiérarchie entre la figure et le fond dans un réseau d'entrelacs que l'œil du spectateur ne peut espérer démêler.

Il ne s'agit plus de « touches » de peinture, mais de strates de couleur.

Pollock peint à plat sur le sol en dégouttant le pigment à partir d'un bâton (ou éventuellement d'un pinceau) qu'il manie au-dessus de sa toile. Conclusion. Parler de gratuité des œuvres d'art serait méconnaître la véritable nature des œuvres d'art et leur visée sociale, le projet de l'artiste.

L'art si il procure des plaisirs esthétiques, le sentiment qu'il ne répond à aucune finalité, c'est méconnaître que l'art comme le pense Kant « est une finalité sans fin » , c'est-à-dire bien qu'il n'ait pas de finalité donnée à l'avance réussit tout de même à satisfaire des sentiments esthétiques.. »

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