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Dieu aurait-il pu mieux faire ?

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« Bien que discutée, la toute-puissance est un attribut définitionnel du divin.

Dieu doit par définition pouvoir tout faire et tout pouvoir faire.

Mais, dans le prolongement de la théodicée leibnizienne, et de manière conjoncturelle (guerres de religions, tremblement de terre de Lisbonne, etc.), les penseurs des Lumières se trouvent exemplairement confronté au problème que représente le scandale du mal [Bayle, Dictionnaire historique et critique].

Et, dans son évidence empirique irréfragable, le mal conduit à rejeter la Providence, autrement dit à penser que Dieu aurait pu mieux faire. Cette remise en cause de l'omnipotence divine par une conscience révoltée par le constat du mal indique la possible limitation du pouvoir divin comme puissance d'agir.

L'impulsion de cette critique de la Providence est la question du mal.

Ainsi, " avoir pu mieux faire " conduit à une alternative : soit la puissance divine est limitée, auquel cas elle n'est pas pleinement divine ; soit Dieu est consacré dans son omnipotence, mais intervient alors une question de savoir – Dieu pouvait-il prévoir le mal consécutif à l'exercice de sa toute-puissance ? En conséquence, et relativement à l'intervention du problème de l'omniscience divine, se demander si " Dieu aurait-il pu mieux faire " exige d'en passer par le problème de savoir s'il aurait dû mieux faire. I.

Dieu : le pouvoir faire et la connaissance Avec Descartes, Dieu est défini de manière constitutive par son omnipotence.

Dieu est celui qui librement peut décider de la création des vérités éternelles (dont il assure toutefois la continuité dans la création continue), et rien ne saurait se soustraire au pouvoir de sa volonté.

Mais pouvant ainsi tout faire, Dieu peut-il mieux faire ? S'il le peut, conserverait-il dans sa perversité (le choix du moindre bien qui est un mal) la légitimité du souverain divin ? Ici se joue le problème de la prévalence des attributs divins (pouvoir – vouloir – savoir).

Leibniz, s'opposant sur ce point à Descartes, affirme de la puissance divine la soumission au principe d'optimisation rationnel – vérité éternelle qui, pour Leibniz, incréée, détermine et oriente la puissance divine exerçant son choix par la volonté.

Ceci conduit en un certain sens à limiter l'omnipotence divine en la relativisant à un principe économique d'optimisation et de rentabilité appliqué à l'existence, c'est-à-dire à la création.

Dieu ne peut ainsi mieux faire puisque l'exercice du choix de sa volonté procède de la maximisation (le mal est ici toujours moindre, il est un moindre bien en vue du Bien).

Est-il pour autant encore Dieu ? Comprendre la dimension incréée des vérités éternelles n'exprime la réduction du pouvoir de Dieu qu'en ce qu'aucune infraction au principe d'optimisation rationnel n'est possible.

Ceci n'implique en aucun cas de penser Dieu comme soumis à des principes qui lui seraient extérieurs et transcendants.

La puissance d'être dont l'optimisation est la règle est absolument immanente à l'essence divine.

Si Dieu ne peut pas mieux faire, c'est qu'il fait le mieux et qu'il n'y a pas de meilleur (possible).

La notion de raison suffisante condense l'expression de la rationalité divine incoercible et nécessaire : toute chose contient en elle sa propre raison (d'être) contextuelle.

Le choix divin manifestant la toute-puissance de Dieu est en dernière instance toujours justifiée en vue du Bien le plus élevé.

Seule la raison humaine dans sa finitude constitutive ne peut toujours en saisir les raisons. II.

Le " mieux faire " et le scandale du mal Cependant, dans sa finitude même, la raison humaine ne peut que s'insurger contre le constat du mal.

La conscience ne peut ici que se révolter du scandale que représente l'expérience du mal.

Le cartésianisme critique de Voltaire s'éprouve dans l'idée que la raison est du côté des faits, et que nulle spéculation métaphysique ne peut prétendre intégrer rationnellement l'injustifiable (le mal).

Toute entreprise de théo-dicée, entreprise dans laquelle on s'efforce de rendre justice de Dieu en en justifiant les choix selon les raisons, ne saurait satisfaire l'épreuve physique et morale du mal de fait.

Dans son aspect métaphysiquement indépassable et moralement injustifiable, l'expérience du mal rejette toute spéculation religieuse tentant d'en rendre raison. Mais penser la possibilité pour Dieu de mieux faire, outre que cela condamne toute notion de Providence, conduit à un athéisme rigoureux et fanatique.

Or, Voltaire préserve la nécessité du sentiment religieux comme critère moral – bien que toute foi soit indémontrable [Histoire de Jenni].

Rétablissant ainsi un ordre téléologique malgré l'irréfragable présence du mal, Voltaire intègre le mal dans l'ordre des choses en pensant la responsabilité de l'individu humain (responsable tant de l'amélioration de son sort que du mal dont il est victime). Posant le problème de la responsabilité humaine dans la présence du mal, Voltaire met en jeu une savante mécanique s'apparentant au destin dont le but est la dénonciation de la vanité et de l'absurdité de la condition humaine.

Ce n'est ainsi que par ignorance de sa propre responsabilité dans l'effectivité du mal que l'homme y voit quelque marque de transcendance ou de nécessité (le fatalisme n'est qu'ignorance des causes).

Et dans son ignorance, l'homme est conduit à s'en prendre à Dieu qu'il accuse de méchanceté parce que devant pouvoir mieux faire sans prendre conscience que la totalité du mal consiste dans l'exercice de sa responsabilité.

Le mal physique est sans valeur puisque naturel (il n'est donc pas mal [Nietzsche]) ; seul le mal moral est mal : l'homme en est la cause et le responsable.

Dieu n'a pas à mieux faire puisque la présence du mal ne dépend pas de sa responsabilité – il a cependant créé l'être capable de mal (l'homme). Conclusion - - - A partir du moment où l'on accepte que Dieu agisse en vue du meilleur selon des principes dont l'application contextuelle et particulière se soustrait à la connaissance de l'homme, poser la question du " pouvoir mieux agir " de Dieu est marque d'ignorance et signale la finitude humaine [Leibniz]. Dans son ignorance, l'homme s'ignore comme cause du propre mal dont il est victime.

Le pessimisme non-humaniste de Voltaire s'exprime dans l'idée d'une humanité cause du surajout du mal au mal (physique – qui n'est pas un mal véritablement).

Le mal tient dans l'interprétation de l'être comme fait – les catégories morales sont le lieu seul où la question du mal peut prendre place [Nietzsche].

Si Dieu crée, il n'y a pas de sens à interroger la possibilité de l'amélioration – la création étant fait. Dans le prolongement de la dernière phrase de la seconde partie, une autre approche [Bayle] consisterait, suite au constat de l'impossible relativisation de mal, à l'intégrer sans justification [manichéisme] comme une évidence empirique irréfragable conduisant la rationalité à l'aporie (inacceptable moralement et incompréhensibilité métaphysique).. »

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