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Désirer est-ce naturel ?

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« Sujet : Désirer, est-ce naturel ? Remarque sur l'intitulé : La question semble paradoxale : se demander s'il est naturel de désirer revient à supposer que désirer n'aille pas de soi ; or le désir est un donné, et il désigne bien souvent un mouvement irrépressible. Cependant, on sait que tous nos désirs ne sont pas d'égale valeur : que je désire manger parce que j'ai faim ou que je désire cette paire de chaussure parce qu'elle me plaît, ou parce que je la trouve jolie, sont deux choses bien différentes. Finalement, le sujet invite à s'interroger sur le rapport que le désir entretient avec le besoin : seul ce dernier semble naturel. Problématique : il semble évident que nous désirons des choses dont nous n'avons pas besoin.

Cependant, il reste alors à déterminer comment un désir peut-il ne pas être naturel.

Quelle est sa « nature » ? Comment distinguer, parmi nos désirs, ceux qui sont naturels de ceux qui ne le sont pas, et de quel droit (ou selon quel principe) opérer une telle discrimination ? 1- DÉSIRER EST NATUREL : VIVRE ET DÉSIRER SONT UNE MÊME CHOSE a) Même l'idéal ascétique est le fait d'un désir Peut-on considérer qu'un désir soit contre-nature, qu'un désir n'appartienne pas aux choses naturelles, allant de soi ? Selon Nietzsche, le simple fait de poser cette question repose sur un paradoxe : douter de la naturalité du désir, mettre celui-ci à distance pour le soumettre à un examen critique, est encore le fait d'un désir.

Etudiant ce qui est à l'origine de l'idéal ascétique (morale fondée sur le désintéressement et l'abnégation), Nietzsche fait remarquer qu'il s'agit d'un désir de néant plutôt que d'un « non-désir » : « l'homme préfère vouloir le rien que de ne pas vouloir du tout » (Généalogie de la morale, 3ème dissertation). Désirer est donc naturel pour autant qu'on ne peut jamais cesser de désirer : toute tentative faite à cet égard serait vaine car même l'idéal ascétique, dans sa violence contre les désirs, est encore un désir : « Le prêtre ascétique est le désir incarné de l'« autrement », de l'« autre part », il est le suprême degré de ce désir, sa ferveur et sa passion véritables ».

Ainsi, le prêtre ascétique lui-même fait preuve de désir –même si celuici vise un « ailleurs » où l'on serait délivré de ses désirs. b) Toute chose cherche à persévérer dans son être Nous sommes donc par nature déterminés à désirer et il n'y a pas de désir qui n'aille pas de soi : ceux-ci appartiennent sans distinction à la classe des choses qui existent par nature.

Ainsi, Spinoza écrit du désir qu'il est « l'essence même de chacun ou sa nature en tant qu'il est conçu comme déterminé à faire quelque chose par sa constitution telle qu'elle est donnée » ( Ethique, II, prop.

XLVII).

Pour Spinoza, non seulement désirer est naturel, mais notre nature est de désirer.

Ainsi il donne un fondement métaphysique au présupposé de la thèse nietzschéenne selon laquelle il est impossible de ne rien désirer (quitte à désirer le rien ou un état impossible de nondésir) : chaque chose naturelle désire ou persévère dans son être, et réciproquement, tout ce qui désire ou persévère dans son être est naturel (est un mode exprimant la puissance de Dieu ou de la nature). Transition : · On vient de voir qu'il n'y a pas, du point de vue de la nature, de disjonction possible entre être et désirer. · Mais si tous nos désirs sont naturels, comment pourrait-il être naturel de désirer des choses vaines comme l'immortalité ? Pour le dire autrement, est-il naturel de désirer ce qui nous fait souffrir, ou, pour parler comme Spinoza, ce qui diminue notre puissance d'agir ? Ne faut-il pas considérer que certains désirs sont plus naturels que d'autres au sens où ils seraient plus sensés que d'autres ? 2- DÉSIRER N'EST PAS FORCÉMENT NATUREL, NE VA PAS DE SOI : a) il faut un objet au désir (critique de Spinoza) Poser que le désir est sensé, c'est l'envisager sous son caractère de processus finalisé.

Or quand Spinoza dit que c'est parce que nous désirons une chose que nous la jugeons bonne et non l'inverse, il tend à faire du désir sa propre justification : rien n'est désirable en soi mais n'est désirable que ce qui est effectivement désiré. Mais dans ce cas, le désir est alors sans limite, sans finalité propre, et peut ainsi se porter indifféremment sur tout ce que bon lui semble.

Or une telle extension du désir est problématique : comment nos désirs, étant sans terme, sans fin, pourrait-ils échapper au non-sens ? Comment leur existence peut-elle s'expliquer[1] ? Aussi, au lieu de se demander si, désirer est ou n'est pas naturel, il convient à la place de discerner, parmi ce que nous désirons, les choses qui sont ou ne sont pas naturellement désirables. b) Que signifie qu'un objet soit naturellement désirable ? S'il n'y a pas de disjonction entre être et désirer, si le désir est l'essence de l'homme, il se pourrait cependant, que certains objets soient bons à désirer et d'autres non.

Telle est la position que Socrate, dans Gorgias, soutient face à Polos. Ce dernier défend la thèse selon laquelle un pouvoir sans limite, tel que celui dont jouit un tyran, est gage de bonheur.

Pourquoi ? Parce qu'un tel pouvoir rend possible un désir illimité, un désir affranchi de la question du désirable : le tyran est heureux, il fait tout ce qu'il veut, tout ce qui lui plaît. Ainsi, Socrate, va s'employer à débusquer le sophisme de Polos en montrant que désirer selon ce qui nous. »

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