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DESCARTES: une figure triangulaire tracée sur le papier

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Lorsque nous avons la première fois aperçu en notre enfance une figure triangulaire tracée sur le papier, cette figure n'a pu nous apprendre comme il fallait concevoir le triangle géométrique, parce qu'elle ne le représentait pas mieux qu'un mauvais crayon une image parfaite. Mais, d'autant que l'idée véritable du triangle était déjà en nous, et que notre esprit la pouvait plus aisément concevoir que la figure moins simple ou plus composée d'un triangle peint, de là vient qu'ayant vu cette figure composée nous ne l'avons pas conçue elle-même, mais plutôt le véritable triangle. Tout ainsi que quand nous jetons les yeux sur une carte où il y a quelques traits qui sont tracés et arrangés, de telle sorte qu'ils représentent la face d'un homme, alors cette vue n'excite pas tant en nous l'idée de ces mêmes traits que celle d'un homme : ce qui n'arriverait pas ainsi si la face d'un homme ne nous était connue d'ailleurs, et si nous n'étions plus accoutumés à penser à elle que non pas à ses traits, lesquels assez souvent même nous ne saurions distinguer les uns des autres quand nous en sommes un peu éloignés. Ainsi, certes, nous ne pourrions jamais connaître le triangle géométrique par celui que nous voyons tracé sur le papier, si notre esprit n'en avait eu l'idée d'ailleurs. DESCARTES

« Lorsque nous avons la première fois aperçu en notre enfance une figure triangulaire tracée sur le papier, cette figure n'a pu nous apprendre comme il fallait concevoir le triangle géométrique, parce qu'elle ne le représentait pas mieux qu'un mauvais crayon une image parfaite.

Mais, d'autant que l'idée véritable du triangle était déjà en nous, et que notre esprit la pouvait plus aisément concevoir que la figure moins simple ou plus composée d'un triangle peint, de là vient qu'ayant vu cette figure composée nous ne l'avons pas conçue elle-même, mais plutôt le véritable triangle. Tout ainsi que quand nous jetons les yeux sur une carte où il y a quelques traits qui sont tracés et arrangés, de telle sorte qu'ils représentent la face d'un homme, alors cette vue n'excite pas tant en nous l'idée de ces mêmes traits que celle d'un homme : ce qui n'arriverait pas ainsi si la face d'un homme ne nous était connue d'ailleurs, et si nous n'étions plus accoutumés à penser à elle que non pas à ses traits, lesquels assez souvent même nous ne saurions distinguer les uns des autres quand nous en sommes un peu éloignés.

Ainsi, certes, nous ne pourrions jamais connaître le triangle géométrique par celui que nous voyons tracé sur le papier, si notre esprit n'en avait eu l'idée d'ailleurs. [Introduction] L'idée du triangle, entendue au sens strictement géométrique, ne peut provenir de la perception empirique.

Descartes s'inscrit ainsi du côté des thèses rationalistes sur l'origine des notions mathématiques (tradition inaugurée par Platon), contre les empiristes, qui admettent au contraire que ces notions dérivent d'une simplification progressive de nos expériences et sont donc liées à la perception. [I - Apports confus de la perception] [A.

Différence entre le perçu et le conçu] Dès le début de son texte, Descartes établit deux points importants : – d'une part, qu'il existe une différence entre le dessin d'un triangle et sa définition ; – d'autre part, que la perception du dessin ne peut nous enseigner comment le triangle doit être conçu ou défini. S'il fait allusion à la perception accomplie dès l'enfance, c'est pour souligner que, dès ce moment en quelque sorte initial, la perception d'un dessin ne coïncide pas avec l'idée de ce qu'il figure.

Puisqu'il en va ainsi dès l'enfance, cela signifie nécessairement que l'idée du triangle est dans notre esprit antérieurement à l'enfance même : elle est donc innée. [B.

Déficit du perçu] Un triangle dessiné ne vaut pas mieux, relativement à la réalité du triangle géométrique, qu'un « mauvais crayon » (c'est-à-dire un dessin maladroit) relativement à « une image parfaite » (qui désigne ici la perfection d'une image mentale).

Puisqu'il existe un tel déficit du dessin tel qu'on le perçoit, l'enfant ne peut lui-même prendre appui sur sa perception pour apprendre ou découvrir comment le triangle doit être conçu, ce dernier terme évoquant une activité intellectuelle : la mise au point d'un véritable concept, strictement (ou, si l'on préfère : clairement et distinctement) défini.

Par rapport au concept, le perçu n'est jamais suffisamment clair et distinct. [C.

Rappel du conçu à travers le perçu] Toutefois, le dessin du triangle évoque le triangle authentique : en le percevant, nous concevons, non pas ce qui lui correspondrait (un triangle approximatif), mais bien le « véritable triangle ».

Il faut donc admettre que ce « véritable triangle » (en tant que concept) était antérieurement en nous, et que c'est sa présence qui nous permet de reconnaître la figure jusque dans son dessin maladroit.

Ainsi, nous percevons en quelque sorte « à travers » le dessin et ses imperfections, pour concevoir la figure parfaite.

Et cette perception « à travers » suppose une épuration de ce qui est dessiné, qui risque d'être toujours « moins simple » ou « plus composé » : la matérialisation » du triangle dans son dessin lui ajoute des défauts, des bavures, des incertitudes, qui sont autant de complications, alors que le « vrai » triangle conçu intellectuellement se caractérise par sa simplicité et sa pureté.

On rencontre ici une critique du dessin géométrique qui n'est pas sans rappeler la position de Platon, lui aussi soucieux de distinguer la figure dessinée du concept dont elle est une (mauvaise) illustration ou imitation. [II - La reconnaissance du perçu] [A.

L'exemple du mauvais portrait] La comparaison établie ensuite par Descartes entre le dessin géométrique et le dessin représentant la face d'un homme confirme que ce que nous percevons demeure imparfait par rapport à l'idée que nous pouvons avoir du prétexte au dessin.

Ainsi, la représentation schématique (« quelques traits [...] tracés et arrangés ») d'un visage ne détermine pas dans notre esprit l'idée de ces mêmes traits tels qu'ils sont figurés.

Elle nous invite au contraire à évoquer un individu particulier, que nous reconnaissons alors même que l'image qui nous en est proposée ne lui correspond pas correctement. [B.

Une connaissance antérieure au perçu]. »

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