DESCARTES: tous les arts ne sauraient être appris en même temps par le même homme
Extrait du document
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Les hommes ont l'habitude, chaque fois qu'ils découvrent une ressemblance entre
deux choses, de leur attribuer à l'une et à l'autre, même en ce qui les distingue, ce
qu'ils ont reconnu vrai de l'une d'elles.
Ainsi, faisant une comparaison fausse entre
les sciences, qui résident tout entières dans la connaissance qu'a l'esprit, et les
arts, qui requièrent un certain exercice et une certaine disposition du corps, et
voyant, par ailleurs, que tous les arts ne sauraient être appris en même temps par
le même homme ; mais que celui qui n'en cultive qu'un seul devient plus facilement
un excellent artiste, parce que les mêmes mains ne peuvent pas se faire à la
culture des champs et au jeu de la cithare, ou à plusieurs travaux de ce genre tous
différents, aussi aisément qu'à l'un d'eux, ils ont cru qu'il en est de même pour les
sciences elles aussi, et, les distinguant les unes des autres selon la diversité de
leurs objets, ils ont pensé qu'il faut les cultiver chacune à part, sans s'occuper de
toutes les autres.
En quoi certes ils se sont trompés.
Réflexion sur l'intérêt philosophique d'un texte
Rappel méthodologique
Le commentaire du texte requiert une articulation rigoureuse de la discussion ordonnée dans laquelle se
développe une étude réfléchie de la portée du texte sur l'approche explicative proprement dite.
C'est donc
dans le prolongement de celle-ci que devra être conçu tout ce qui concerne l'évaluation du texte et son
éclairage différentiel : apprécier l'apport du texte à la réflexion sur un problème, et « situer » un tel apport
dans une discussion philosophique plus générale où pourront éventuellement être évoqués d'autres points de
vue, d'autres approches (démarche comparative).
Réflexion sur la portée du texte à partir de l'acquis que constitue son étude ordonnée (rappel de cet
acquis)
Le problème abordé : comment penser la diversification des sciences, et la démarche de l'homme de science
lui-même ?
La thèse défendue : l'unité de la démarche scientifique renvoie à celle de l'esprit comme condition de possibilité
et origine de la connaissance.
La thèse critiquée par Descartes : la distinction des objets respectifs des différentes sciences implique, à
l'instar des arts et des métiers, une spécialisation exclusive, condition d'efficacité.
La problématique : il s'agit de statuer sur la diversité de fait des domaines d'étude scientifique, et d'en
interpréter la signification sans mettre en cause l'unité fondamentale de la connaissance.
Le texte ne dit pas
comment et à quel niveau peuvent se concilier unité et diversité, mais il récuse le parallélisme fréquent entre la
spécialisation nécessaire des arts (métiers, techniques) et la différenciation des sciences.
Implicitement, c'est
l'unité même de la réalité étudiée (saisie comme un tout) qui est posée.
L'intérêt philosophique du texte (mise en situation et interprétation du problème abordé : éléments
de réflexion)
À l'époque de Descartes, le problème de l'unité de la connaissance est d'un enjeu considérable.
Après les
condamnations de Giordano Bruno (début du siècle) et Galilée, le combat pour l'autonomie de la démarche
scientifique et le droit de libre examen est mené par savants et philosophes.
L'idée que l'esprit humain peut
connaître le vrai pour peu qu'il s'y applique avec méthode crédite chaque homme des moyens lui permettant de
le faire (le bon sens, « chose du monde la mieux partagée »).
Dès lors, ce qui est en jeu, ce n'est pas
seulement l'acquisition d'une compétence spécialisée dans un domaine (une science comme ensemble de
connaissances systématisées concernant un objet d'étude défini) mais ce qu'on peut appeler la culture
intellectuelle de tout homme : les différents savoirs à produire ne peuvent être le fruit de démarches «
cloisonnées », car ils mettent en jeu des principes d'étude et d'analyse qui peuvent valoir dans différents
domaines ; la raison d'une telle unité principielle, fondée dans les exigences communes de toute démarche
scientifique, doit être explicitée au niveau de la réalité étudiée.
Si la
diversité des objets d'étude ne contredit pas l'unité de la connaissance, c'est bien qu'à un certain niveau ces
objets d'étude ont quelque chose de commun.
On sait qu'avec Descartes, et quelques autres penseurs de son
époque, s'affirme l'idée fondamentale de l'unité des lois de la nature, cette unité répondant à celle de l'esprit
humain : la validité universelle des mathématiques (cf Galilée : « le grand livre de la nature est écrit en
caractères mathématiques ») et la fécondité de l'explication mécaniste (que Descartes essaie d'appliquer à la
physiologie) semblent attester cette unité correspondante.
Rien n'interdit dès lors de concevoir une « conquête
» de l'ensemble du réel par la science (qui revendique ici ses droits contre l'obscurantisme de certains
théologiens) ; mais un tel projet suppose à la fois une codification de la méthode grâce à laquelle seront.
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