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DESCARTES: Il n'y a rien qui me soit plus facile à connaître que mon esprit...

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Il n'y a rien qui me soit plus facile à connaître que mon esprit... DESCARTES

« Il n'y a rien qui me soit plus facile à connaître que mon esprit... Descartes (1596-1650) s'éveille au savoir, pendant près de huit ans, au Collège royal de La Flèche, dont l'enseignement est dirigé par les Jésuites.

Il a les meilleurs professeurs.

Comme il le raconte lui-même dans Le Discours de la méthode (1637), il lit tous les livres qui peuvent lui tomber dans les mains.

Au sortir de ses études, il constate toutefois que son ignorance n'a cessé de grandir.

Il pratique alors le métier des armes, il fréquente les cours européennes.

En un mot, il lit « dans le grand livre du monde ».

Nouvelle déception : il découvre la relativité des moeurs et des idées.

La situation de l'homme épris de certitude est déprimante.

Descartes se résout donc à ne chercher la vérité qu'en lui-même.

C'est le point de départ d'un programme ambitieux : recommencer à philosopher comme si personne n'avait pensé auparavant. Le but de Descartes, c'est donc la recherche de la vérité.

Comment distinguer l'évidence de la pseudoévidence ? Comment savoir avec certitude que ma certitude est bien le fait de la raison ? Une seule méthode : commencer par douter, pousser le doute jusqu'au bout.

C'est au terme d'un doute totalitaire (Première Méditation) que Descartes rencontre une idée claire et distincte, une idée qui résiste à tous les efforts du doute : « Il faut conclure, et tenir pour constant que cette proposition : je suis, j'existe, est nécessairement vraie, toutes les fois que je la prononce ou que je la conçois en mon esprit » (Méditation Seconde). Je suis, j'existe, mais que suis-je, sinon une chose qui pense, c'est-à-dire une âme ou un esprit ? De cette vérité (le fameux cogito), Descartes déduit la distinction nécessaire entre deux substances, l'âme et le corps, dont la première est plus facile à connaître que la seconde, car elle est première dans l'ordre de la découverte de la vérité.

Aussi, à la fin de cette Méditation Seconde des Méditations métaphysiques (publiées en latin en 1641, puis en français en 1647), on peut lire : « Je connais évidemment qu'il n'y a rien qui me soit plus facile à connaître que mon esprit.

» Je puis d'abord douter des apparences sensibles.

Les sens ne me trompent-ils pas parfois ? Un bâton plongé dans l'eau ne paraît-il pas tordu ? Une tour carrée vue de loin ne paraît-elle pas ronde ? Peut-on se fier entièrement à ceux qui nous ont une fois trompés ? Soit, mais puis-je vraiment douter « que je sois ici assis auprès du feu, vêtu d'une robe de chambre, ayant ce papier entre les mains, et autres choses de cette nature » ? Descartes invoque alors les délires des fous et surtout l'expérience psychologique du rêve : « Combien de fois m'est-il arrivé de songer, la nuit, que j'étais en ce lieu, que j'étais habillé, que j'étais auprès du feu, quoique je fusse tout nu dedans mon lit ? » Peut-on vraiment distinguer la veille du sommeil ? Qui sait si la vie n'est pas un songe ? Un soupçon se glisse.

Cela suffit à me faire douter de la nature corporelle et de toutes les sciences qui s'y rapportent : la physique, l'astronomie, la médecine... Que reste-t-il ? Les idées simples, tellement simples qu'on ne peut pas les décomposer en d'autres idées plus simples : celles de figure, d'étendue, de quantité ou grandeur, de nombre, de lieu, de temps.

Reste aussi les évidences mathématiques, « car soit que je veille ou que je dorme, deux et trois joints ensemble formeront toujours le nombre de cinq, et le carré n'aura jamais plus de quatre côtés ».

Mon esprit ne peut naturellement en douter.

Mais tant que j'ignore l'origine de mon être, j'ignore aussi la valeur de ma faculté de connaître.

Qui sait si je n'ai pas été créé par un Dieu trompeur, de telle sorte que ma faculté de connaître ne me permette pas d'atteindre les évidences ? Ainsi, « de toutes les opinions que j'avais autrefois reçues en ma créance pour véritables, il n'y en a pas une de laquelle je ne puisse maintenant douter ».

Et pour ne pas oublier toutes ces raisons de douter que j'ai avancées et afin de maintenir le doute jusqu'à ce que je n'aie plus aucune raison de douter, j'imaginerai qu'il y a un Malin Génie qui me trompe toujours et partout dans tous mes jugements. C'est ce doute qui s'étend à toute la connaissance, ce doute poussé jusqu'à l'extrême, qui se révèle comme l'affirmation d'une première vérité.

En effet, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que Moi qui pensais cela « fusse quelque chose » : "J'étais sans doute, si je me suis persuadé, ou seulement si j'ai pensé quelque chose.

» Mais il y a un certain Malin Génie qui emploie toute son industrie à me tromper toujours : « Il n'y a point de doute que je suis, s'il me trompe; et qu'il me trompe tant qu'il voudra, il ne saurait jamais faire que je ne sois rien, tant que je penserai être quelque chose.

De sorte qu'après y avoir bien pensé, et avoir soigneusement examiné toutes choses, enfin il faut conclure, et tenir pour constant que cette proposition : Je suis, j'existe, est nécessairement vraie, toutes les fois que je la prononce, ou que je la conçois en mon esprit.

» Je suis certain que je suis, mais je ne connais pas encore assez clairement ce que je suis.

Avant l'opération du doute, je me considérais comme ayant d'abord un corps, c'est-à-dire « un visage, des mains, des bras, et toute cette machine composée d'os et de chair, telle qu'elle paraît en un cadavre ».

Outre cela, je constatais que je me nourrissais, que je marchais, que je sentais et que je pensais, et « je rapportais toutes ces actions à l'âme ».

Mais je ne m'attardais point à penser ce que c'était que cette âme et mon corps me paraissait plus aisé à connaître.

Après le doute, c'est l'inverse.

Moi qui, maintenant, pense que la vie n'est peut-être qu'un rêve, moi qui suppose qu'il y a un Malin Génie qui me trompe toujours et partout, je ne suis plus assuré d'avoir un corps, ni même que se nourrir, marcher, sentir soient des attributs de l'âme.

Je ne suis certain que d'une seule chose, c'est que je suis une chose qui pense, un pur pouvoir de penser, c'est-à-dire un esprit, un entendement ou une raison.

Si le cogito, c'est le moi conçu sans le corps, ce moi ne peut être qu'intelligence pure. Lorsque Descartes affirme : « Il n'y a rien qui me soit plus facile à connaître que mon esprit », cela signifie que mon esprit est, dans l'ordre de la recherche de la vérité, la première des connaissances.

En outre, cette affirmation de mon « moi pensant » est d'autant plus éclatante que le doute a été radicalisé.

Mon esprit subsiste alors même que je doute de tout.

Autrement dit, il persiste dans la ruine des déterminations concernant le monde et le corps. Alors même que je doute de tout, je prends conscience que je suis et, de plus, que je suis une « chose » qui pense, un esprit.

Est-ce à dire, comme l'affirme Descartes, que l'esprit est une réalité en soi, qui n'a pas besoin du corps ou de quelque objet que ce soit pour exister ? Gassendi objecte à Descartes : « Je pense, dites-vous; mais que pensez-vous ? Car enfin toute pensée est pensée de quelque chose.

» Je peux bien, en effet, percevoir ma pensée unie aux objets auxquels elle s'applique mais non séparée de tout objet.

Le véritable cogito n'est-il pas cogito cogitatum, mouvement vers les choses, rapport au corps, au monde ? C'est ce qu'affirmera plus tard avec force Husserl, le fondateur de la phénoménologie : toute conscience est conscience de quelque chose.. »

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