DESCARTES: désirer ce qui dépend de moi
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«
L'erreur qu'on commet le plus ordinairement touchant les Désirs est qu'on
ne distingue pas assez les choses qui dépendent entièrement de nous, de
celles qui n'en dépendent point.
Car pour celles qui ne dépendent que de
nous, c'est-à-dire de notre libre arbitre, il suffit de savoir qu'elles sont
bonnes, pour ne les pouvoir désirer avec trop d'ardeur ; à cause que c'est
suivre la vertu que de faire les choses bonnes qui dépendent de nous, et il
est certain qu'on ne saurait avoir un Désir trop ardent pour la vertu, outre
que ce que nous désirons en cette façon ne pouvant manquer de nous
réussir, puisque c'est de nous seuls qu'il dépend, nous en recevons toujours
toute la satisfaction que nous en avons attendue.
Mais la faute qu'on a
coutume de commettre en ceci, n'est jamais qu'on désire trop, c'est
seulement qu'on désire trop peu.
Et le souverain remède contre cela, est de
se délivrer l'esprit, autant qu'il se peut, de toutes sortes d'autres Désirs
moins utiles, puis de tâcher de connaître bien clairement et de considérer
avec attention la bonté de ce qui est à désirer.
Le texte peut être découpé en deux grands moments, eux-mêmes contenant une progression.
1.
L'erreur qu'on commet le plus ordinairement touchant les Désirs, est qu'on ne distingue pas assez les choses
qui dépendent entièrement de nous, de celles qui n'en dépendent point.
Car pour celles qui ne dépendent que
de nous, c'est-à-dire de notre libre arbitre, il suffit de savoir qu'elles sont bonnes, pour ne les pouvoir désirer
avec trop d'ardeur ; à cause que c'est suivre la vertu que de faire les choses bonnes qui dépendent de nous,
et il est certain qu'on ne saurait avoir un Désir trop ardent pour la vertu, outre que ce que nous désirons en
cette façon ne pouvant manquer de nous réussir, puisque c'est de nous seuls qu'il dépend, nous en recevons
toujours toute la satisfaction que nous en avons attendue.
2.
Mais la faute qu'on a coutume de commettre en ceci, n'est jamais qu'on désire trop, c'est seulement qu'on
désire trop peu.
Et le souverain remède contre cela, est de se délivrer l'esprit, autant qu'il se peut, de toutes
sortes d'autres Désirs moins utiles, puis de tâcher de connaître bien clairement et de considérer avec attention
la bonté de ce qui est à désirer.
Dans ce texte, Descartes explique pourquoi on ne saurait avoir un Désir trop ardent pour la vertu, en indiquant
l'erreur (§ 1), puis la faute (§ 2) que nous commettons le plus souvent (ordinairement, coutume).
1.
Le § 1 dévoile l'erreur commise à propos des désirs.
Une erreur tient à notre jugement : nous nous trompons.
Descartes nous dit ce qu'il suffit de savoir pour ne pas la commettre.
Ainsi, les désirs ne sont pas
condamnables en soi.
Il suffit de désirer ce qui est bon.
Et il ne dépend que de nous de bien juger, pour savoir
ce qui est bon.
En revanche, désirer ce qui ne dépend pas de nous revient à perdre sa liberté.
En effet, c'est
se rendre dépendant de celui dont dépend la chose désirée.
Le principe sur lequel Descartes s'appuie est issu de la doctrine stoïcienne : la distinction de ce qui dépend de
nous et de ce qui ne dépend pas de nous.
Lisez le début du Manuel d'Épictète.
Ce qui ne dépend que de nous,
ce sont nos jugements.
Mais Descartes n'aboutit pas à cette impassibilité typique du stoïcien, l'ataraxie ou
tranquillité de l'âme.
Il valorise le désir ardent des choses qui ne dépendent que de nous, dans la mesure où
elles sont bonnes.
Et elles peuvent l'être, car un jugement vrai, qui est le fruit de mon libre arbitre, ne peut me
conduire à désirer faire le mal.
Ainsi, la vertu consiste à faire ce que nos jugements vrais nous disent qu'il est
bon de faire.
On comprend qu'il ne puisse y avoir de désir trop ardent pour la vertu.
2.
Le § 2 montre en quoi nous sommes fautifs, c'est-à-dire responsables.
Nous ne désirons pas assez la vertu.
Cela tient à ce que nous avons des désirs mêlés et divers : certains ne sont pas aussi utiles que d'autres.
Notre esprit est prisonnier d'une multitude de désirs inutiles.
Il s'y enferme, s'y perd.
Il faut donc appliquer le
souverain remède, c'est-à-dire le plus important, donné par Descartes : distinguer les différents désirs, et
attacher son esprit à l'idée claire et distincte de la bonté de l'objet à désirer.
Il faut noter que l'idée de remède laisse penser que l'esprit est malade.
La philosophie prend ici la dimension
d'une thérapeutique.
La santé de l'âme est recouvrée dès lors que l'esprit, c'est-à-dire l'âme qui pense dit
Descartes, est libéré des désirs qui le détournent de ce qu'il est bon de désirer, comme la vérité, la justice,
l'honnêteté, par exemple.
Descartes, dans Les Passions de l'âme, Ille partie, article 153, donne une description remarquable de la
générosité, la plus importante des passions de l'âme selon lui.
La générosité consiste tout d'abord en ce que
l'homme généreux connaît qu'il n'y a rien qui véritablement lui appartienne, que cette libre disposition de ses
volontés, ni pourquoi il doive être loué ou blâmé, sinon pour ce qu'il en use bien ou mal Et, d'autre part, « en ce
qu'il sent en soi-même une ferme et constante résolution d'en bien user, c'est-à-dire de ne manquer jamais de
volonté, pour entreprendre et exécuter toutes les choses qu'il jugera être les meilleures.
Ce qui est suivre
parfaitement la vertu Ainsi, l'homme généreux sait que ce sur quoi il sera ".
»
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