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David HUME

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Quand se présente un objet ou un événement naturels, toute notre sagacité et toute notre pénétration sont impuissantes à découvrir ou même à conjecturer sans expérience quel événement en résultera ou à porter nos prévisions au-delà de l'objet immédiatement présent à la mémoire et aux sens. Même après un cas ou une expérience unique où nous avons observé qu'un événement en suivait un autre, nous ne sommes pas autorisés à former une règle générale ou à prédire ce qui arrivera dans des cas analogues ; car on tiendrait justement pour une impardonnable témérité de juger du cours entier de la nature par une expérience isolée, même précise ou certaine. Mais quand une espèce particulière d'événements a toujours, dans tous les cas, été conjointe à une autre, nous n'hésitons pas plus longtemps à prédire l'une à l'apparition de l'autre et à employer ce raisonnement qui peut seul nous apporter la certitude sur une question de fait ou d'existence. Nous appelons alors l'un des objets cause et l'autre effet. Nous supposons qu'il y a une connexion entre eux, et un pouvoir dans l'un qui lui fait infailliblement produire l'autre et le fait agir avec la plus grande certitude et la plus puissante nécessité. David HUME

« «Quand se présente un objet ou un événement naturels, toute notre sagacité et toute notre pénétration sont impuissantes à découvrir ou même à conjecturer sans expérience quel événement en résultera ou à porter nos prévisions au-delà de l'objet immédiatement présent à la mémoire et aux sens.

Même après un cas ou une expérience unique où nous avons observé qu'un événement en suivait un autre, nous ne sommes pas autorisés à former une règle générale ou à prédire ce qui arrivera dans des cas analogues ; car on tiendrait justement pour une impardonnable témérité de juger du cours entier de la nature par une expérience isolée, même précise ou certaine.

Mais quand une espèce particulière d'événements a toujours, dans tous les cas, été conjointe à une autre, nous n'hésitons pas plus longtemps à prédire l'une à l'apparition de l'autre et à employer ce raisonnement qui peut seul nous apporter la certitude sur une question de fait ou d'existence.

Nous appelons alors l'un des objets cause et l'autre effet.

Nous supposons qu'il y a une connexion entre eux, et un pouvoir dans l'un qui lui fait infailliblement produire l'autre et le fait agir avec la plus grande certitude et la plus puissante nécessité.» HUME. VOCABULAIRE: CONJECTURE: Toute proposition que l'on considère comme vraie, sans toutefois pouvoir en apporter la preuve dans l'état actuel de la connaissance.

Une conjecture prouvée devient un théorème. [Introduction] Pour nous conduire dans le monde et réagir convenablement à la présence des événements et des faits qui le constituent, nous avons besoin d'en connaître les lois, c'est-à-dire d'y repérer des causalités.

Faute de quoi chaque phénomène nous prendrait au dépourvu, et nous serions incapables de prévoir quoi que ce soit.

Mais d'où provient la notion de causa-lité ? Hume en trace ici une généalogie à partir de nos expériences possibles, de leur répétition et de ce que nous croyons pouvoir en déduire.

Il semble cependant que, si on conçoit la causalité comme provenant uniquement du domaine empirique, elle ne constitue rien de mieux qu'une supposition générale. [I.

Les limites de la perception isolée] Imaginons que nous nous trouvons face à un objet, dont nous ne savons rien, sinon qu'il est devant nous.

Imaginons aussi bien, puisque la situation est équivalente, que nous constatons un événement également isolé de tout contexte, dont nous ignorons aussi bien ce qui l'a déterminé que ce qui pourra lui succéder.

Que pouvons-nous supposer comme conséquence de cet objet ou de cet événement ? La réponse de Hume est simple : nous sommes incapables de prévoir quoi que ce soit.

Notre perception ne nous nous livre en effet que la présence brute, et nous sommes incapables de dépasser celle-ci pour lui prévoir une suite. Nous aurons beau regarder l'objet, nous n'y découvrirons rien qui annonce ce qui lui succédera.

Nous aurons beau inscrire cet objet dans notre mémoire pour en maintenir en quelque sorte la présence, il y restera sans lien avec quoi que ce soit d'autre. La situation ainsi décrite par Hume est certainement théorique, car notre perception nous livre rarement un événement dénué de tout contexte.

Mais peu lui importe : ce qui l'intéresse est de comprendre comment nous pourrons construire la notion de causalité, comment s'en effectue la généalogie, et il est logique, dans cette optique, de partir d'une situation dans laquelle elle ne peut pas encore se formuler, afin de la saisir au moment où elle commencera à être affirmée. [II.

L'impuissance de l'expérience unique] Aussi la seconde situation analysée par Hume est-elle plus riche : cette fois, on admettra que notre perception nous informe — mais une seule fois — sur la succession de deux événements.

Nous voyons un événement en suivre un autre — et cela suppose que nous soyons capables de concevoir un ordre temporel. Toutefois, nous ne pouvons guère en déduire davantage que dans le premier cas.

C omment, en effet, prendrions-nous le risque de « former une règle générale » à partir d'une expérience isolée ? Même si l'on admet que celle-ci a été « précise et certaine », que les informations qu'elle nous livre ne souffrent donc d'aucune confusion, rien ne peut nous assurer que la succession constatée se reproduira.

Et il y aurait donc de notre part « une impardonnable témérité » à généraliser, ou plutôt à universaliser, à partir d'un seul cas. En conséquence, notre esprit, s'il ne pouvait faire que des expériences uniques, ne pourrait élaborer les notions de cause ou d'effet.

Il ne concevrait la nature que comme l'addition ou la juxtaposition infinie de successions locales, indépendantes les unes des autres, et resterait incapable de repérer une véritable régularité dans les événements. [III.

Les enseignements de la répétition] Les notions de cause et d'effet ne peuvent en effet apparaître qu'à partir d'une répétition de l'expérience.

C'est ce qu'affirme l'analyse de la troisième situation envisagée par Hume.

Lorsque la conjonction entre deux événements est observée « dans tous les cas », nous nous autorisons à considérer que cette conjonction est nécessaire, et en conséquence à prédire l'un à l'apparition de l'autre.

Nous pouvons alors les qualifier : le premier sera la cause, le second l'effet.

Et nous admettons qu'il y a bien dans la cause une puissance qui détermine l'apparition de son effet. Si de telles déductions semblent acceptables, on doit être attentif aux verbes utilisés par Hume : nous n'hésitons plus, nous supposons.

De tels verbes paraissent bien indiquer que notre repérage de la cause et de l'effet ne va pas sans risque. En effet, nos constats concernent un nombre obligatoirement limité de cas semblables : sans doute l'expérience est-elle toujours la même, mais elle ne concerne jamais tous les cas possibles du même genre.

Induire ne serait donc jamais totalement garantir.

De plus, nous ne pouvons pas davantage affirmer avec une certitude absolue que les phénomènes perçus contiennent en eux la raison de leur efficacité apparente.

Qu'est-ce qui me prouve que, derrière ce que je repère comme cause, ne s'en tient pas secrètement une autre, hors de portée de ma perception, qui est la vraie ? Il n'en reste pas moins que Hume considère que seul le raisonnement de causalité peut nous apporter « la certitude sur une question de fait ou d'existence ». En d'autres termes : même si l'on peut maintenir le soupçon concernant une cause cachée, la relation que nous établissons nous suffit pour prévoir que, dans tous les cas semblables, la situation se répètera.

Il faut en conséquence nous contenter de la cause telle que nous la percevons. [Conclusion] L'analyse de l'apparition de la causalité à partir de l'expérience débouche sur une connaissance suffisante, mais qui ne peut être sûre de déceler les structures profondes du réel.

Hume propose implicitement d'opérer une distinction entre ce que nous pouvons comprendre et ce qui est.

Il anticipe ainsi sur le relativisme kantien, en suggérant l'impossibilité de la connaissance absolue.. »

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