David HUME
Extrait du document
«
«Tout ce qui est peut ne pas être.
Il n'y a pas de fait dont la négation
implique contradiction.
L'inexistence d'un être, sans exception, est
une idée aussi claire et aussi distincte que son existence.
La
proposition, qui affirme qu'il n'existe pas, même si elle est fausse, ne
se conçoit et ne s'entend pas moins que celle qui affirme qu'il existe.
Le cas est différent pour les sciences proprement dites.
Toute
proposition qui n'est pas vraie y est confuse et inintelligible.
La
racine cubique de 64 est égale à la moitié de 10, c'est une
proposition fausse et l'on ne peut jamais la concevoir distinctement.
Mais César n'a jamais existé, ou l'ange Gabriel, ou un être
quelconque n'ont jamais existé, ce sont peut-être des propositions
fausses, mais on peut pourtant les concevoir parfaitement et elles
n'impliquent aucune contradiction.
On peut donc seulement prouver l'existence d'un être par des
arguments tirés de sa cause ou de son effet; et ces arguments se
fondent entièrement sur l'expérience.
Si nous raisonnons a priori,
n'importe quoi peut paraître capable de produire n'importe quoi.
La
chute d'un galet peut, pour autant que nous le sachions, éteindre le
soleil; ou le désir d'un homme gouverner les planètes dans leurs
orbites.
C'est seulement l'expérience qui nous apprend la nature et
les limites de la cause et de l'effet et nous rend capables d'inférer
l'existence d'un objet de celle d'un autre.» HUME.
VOCABULAIRE:
A priori: Ce qui précède l’expérience, et n’est tiré que de l’esprit ou de la raison.
Chez Kant, les formes a priori de la sensibilité (l’espace et le temps) et de l’entendement (les catégories) rendent
possible l’expérience (l’a priori est ici transcendantal).
Les marques de l’a priori sont l’universalité et la nécessité.
L’expérience, quant à elle, n’offre que des généralisations et du contingent.
Introduction
Le pouvoir de la raison semble illimité.
On serait tenté en particulier d'en user pour conclure a priori, c'est-à-dire
indépendamment de toute expérience, à l'existence de certains êtres tels que Dieu.
Ainsi Descartes déduit-il
l'existence de Dieu de son essence: si la perfection de Dieu est comprise dans son essence ou définition, Dieu
doit nécessairement exister.
En effet, l'inexistence étant une imperfection, il serait contradictoire qu'un être
parfait tel que Dieu n'existe pas.
Ou encore: Dieu est cause a priori du monde.
Toutefois, s'il est possible de tirer a priori l'existence d'une cause dont nous ne sommes pas les effets
observables, n'importe quoi, comme le dit Hume dans ce texte, ne peut-il «paraître capable de produire n'importe
quoi»? Ne peut-on prétendre au même titre en effet que le désir d'un homme est capable de gouverner les
planètes?
D'où la thèse défendue ici par l'auteur: l'existence d'un être ne se prouve que «par des arguments tirés de sa
cause ou de son effet», c'est-à-dire par le moyen de l'expérience.
Ce que reprendra Kant en s'élevant, comme
Hume dans ce texte, contre l'idée d'une preuve a priori de l'existence de Dieu: l'existence s'éprouve, elle ne se
prouve pas.
Quel est dans ce cas le pouvoir laissé à la raison? Est-il un domaine où il est possible de raisonner a priori?
1.
«Il n'y a pas de fait dont la négation implique contradiction»
Dans la première partie du texte (du début jusqu'à «...
qui affirme qu'il existe»), Hume annonce sa thèse sous
forme négative: l'existence n'est pas déduite logiquement, elle ne relève pas d'un raisonnement a priori, puisqu'«il
n'y a pas de fait dont la négation implique contradiction».
Pour le montrer, l'auteur part d'abord d'un constat: «Tout ce qui est peut ne pas être.»
L'existence d'un être est contingente, elle ne dépend d'aucune nécessité.
Tout être pourrait ne pas exister.
«L'inexistence d'un être, sans exception, est une idée aussi claire et aussi distincte que son existence.»
Admettons que César n'ait pas existé: conformément à la définition que donne Descartes d'une connaissance
«claire» et distincte, l'idée de l'inexistence de César est d'abord claire, elle est présente à mon esprit, ne
comporte aucune obscurité: mon esprit me représente aussi aisément l'existence que l'inexistence de César.
Cette idée est aussi «distincte»: je peux la distinguer de toute autre idée – celle de l'inexistence de l'ange Gabriel
par exemple ou encore celle de l'existence même de César.
Elle ne comporte aucune confusion, elle est
parfaitement accessible à ma compréhension et ne heurte pas les règles de la pensée.
D'où la conclusion de cette partie: «La proposition, qui affirme qu'il n'existe pas, même si elle est fausse, ne se
conçoit et ne s'entend pas moins que celle qui affirme qu'il existe.» Dire «César existe» ou «César n'existe pas»,
du point de vue de la seule logique (elle ne «s'entend pas moins»), est équivalent.
L'une de ces deux propositions
est «fausse», c'est-à-dire contraire aux faits, car César a réellement existé, mais elle n'est pas pour autant
illogique, «inintelligible», comme le dira Hume d'une proposition mathématique fausse..
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