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David HUME

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Qu'on présente un objet à un homme dont la raison et les aptitudes soient, par nature, aussi fortes que possibles ; si cet objet lui est entièrement nouveau, il sera incapable, à examiner avec la plus grande précision ses qualités sensibles, de découvrir l'une de ses causes ou l'un de ses effets. Adam, bien qu'on admette l'entière perfection de ses facultés rationnelles dès son tout premier moment, n'aurait pu inférer de la fluidité et de la transparence de l'eau que celle-ci le suffoquerait, ou de la lumière et de la chaleur du feu que celui-ci le consumerait. Nul objet ne découvre jamais, par les qualités qui paraissent aux sens, soit les causes qui les produisent, soit les effets qui en naissent ; et notre raison ne peut, sans l'aide de l'expérience, jamais tirer une conclusion au sujet d'une existence réelle et d'un fait. David HUME

« «Qu'on présente un objet à un homme dont la raison et les aptitudes soient, par nature, aussi fortes que possibles ; si cet objet lui est entièrement nouveau, il sera incapable, à examiner avec la plus grande précision ses qualités sensibles, de découvrir l'une de ses causes ou l'un de ses effets.

Adam, bien qu'on admette l'entière perfection de ses facultés rationnelles dès son tout premier moment, n'aurait pu inférer de la fluidité et de la transparence de l'eau que celle-ci le suffoquerait, ou de la lumière et de la chaleur du feu que celui-ci le consumerait.

Nul objet ne découvre jamais, par les qualités qui paraissent aux sens, soit les causes qui les produisent, soit les effets qui en naissent ; et notre raison ne peut, sans l'aide de l'expérience, jamais tirer une conclusion au sujet d'une existence réelle et d'un fait.» HUME. La question « Qu'est-ce que la raison peut connaître du réel sans le secours de l'expérience ? ».

La réponse de Hume a le mérite de la netteté : « rien Une telle prise de position définit ce que l'on appelle l'empirisme, et ce texte est donc l'occasion de discuter de la valeur et de la portée de cette doctrine.

Elle implique la négation de toute idée innée.

Mais il faut remarquer que le texte va plus loin, en posant l'impossibilité de déduire quoi que ce soit du simple examen des objets sensibles. Que reste-t-il alors de la connaissance si nous ne savons rien avant d'avoir fait l'expérience du réel et si celle-ci ne nous enseigne rien de plus qu'elle-même? Pour comprendre le texte La raison, semble-t-il, a pour fonction de permettre la compréhension du monde qui nous entoure.

S'il arrive par conséquent qu'un homme se trompe dans ses prévisions, il est naturel d'en accuser son intelligence qui aurait été sur ce coup défaillante.

Mais que peut-on comprendre du réel par la simple force du raisonnement ? Pour bien le préciser, et laisser de côté la question des limites factuelles de telle ou telle intelligence humaine, Hume forge une hypothèse fictive, en demandant d'imaginer l'être le plus doué intellectuellement qu'il soit possible de concevoir en train de se livrer à toutes les spéculations qu'il souhaite à partir de l'examen d'une réalité nouvelle.

On peut ici s'autoriser un anachronisme, et songer au personnage de Sherlock Holmes, capable de reconstituer n'importe quelle affaire criminelle à l'aide d'indices apparemment insignifiants.

Cette création littéraire est censée incarner la puissance de déduction logique poussée jusqu'au génie, et l'amateur de romans policiers est invité à exercer son cerveau afin de découvrir l'unique solution possible de l'énigme proposée.

Mais imaginons Sherlock Holmes en Adam, c'est-à-dire en premier homme, ne pouvant compter sur aucun savoir déjà constitué, et ayant à résoudre la grande énigme de la création, ou plus simplement ayant à découvrir d'où vient tel ou tel objet jusqu'alors inconnu.

C'est ainsi que l'on se représente quelquefois les savants, reconstituant toute l'évolution du vivant à partir de quelques vieux os brisés et surtout à partir de leur extraordinaire génie. Mais nous n'avons là qu'un produit mythique de l'imagination.

Si un objet « est entièrement nouveau », Hume affirme alors comme une thèse irréfutable l'impossibilité d'en « découvrir l'une de ses causes ou l'un de ses effets ».

Allons directement aux exemples qu'il propose pour mieux comprendre cette thèse.

Tout le monde sait que l'eau représente un danger et que l'on peut s'y noyer, ou encore que le feu brûle.

Nul besoin d'exercer sa sagacité par conséquent, et si l'on pose l'hypothèse (inverse de celle de Hume) d'un esprit totalement borné et même incapable de raisonner mais déjà averti des dangers de l'eau ou du feu, il en résulte que ce dernier est beaucoup plus à même d'adopter la conduite prudente qui s'impose que notre génie de la déduction découvrant le monde. On se posera peut-être, sérieusement ou avec ironie, la question de savoir comment Adam ne s'est pas noyé.

Il serait contradictoire de prétendre répondre à cette question quand on affirme qu'il est impossible de deviner que le feu brûle si on ne le savait déjà.

Toutefois, qu'on imagine une révélation divine opportune, ou bien la présence en Adam d'un instinct spécial, ou pourquoi pas l'existence simultanée de plusieurs « premiers hommes » dont certains auraient fait les frais de l'expérience au profit de l'instruction des autres, toutes ces hypothèses renvoient nécessairement à autre chose qu'à l'exercice de ses facultés logiques. Il faut ici compléter l'argumentation de Hume.

Ce qui échappe aux prises de l'entendement humain, ce sont les causes ou les effets des phénomènes.

La raison première en est que l'expérience est située dans un moment particulier, un présent, alors que les causes de ce que l'on observe sont passées et ses effets à venir.

Découvrir un rapport de causa lité suppose donc un travail de l'esprit qui va au-delà de ce que l'expérience révèle. Mais ne sommes-nous pas alors en train de dire le contraire de ce que prétend Hume ? En effet, qu'est-ce que comprendre un phénomène si ce n'est en découvrir la cause par l'inspection de l'esprit, et qu'y a-t-il à en connaître si ce n'est l'effet qui en résulte nécessairement ? On songe ici irrésistiblement aux questions des enfants découvrant le monde et qui demandent toujours « pourquoi ? ».

Comprendre, c'est donc saisir Ia cause, et si l'expérience d'un phénomène ne donne pas cette cause, il devrait en résulter que c'est bien l'affaire de la raison que d'établir des liens de causalité. Mais ce n'est pas le raisonnement de Hume.

« Nul objet ne découvre jamais, par les qualités qui paraissent aux sens, soit les causes qui les produisent, soit les effets qui en naissent » : ainsi l'expérience ne permet pas de comprendre, mais seulement de constater.

Mais il faut ici être attentif, et remarquer que la seconde partie de cette phrase ne reprend pas exactement la première : « et notre raison ne peut, sans l'aide de l'expérience, jamais tirer une conclusion. »

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