David HUME
Extrait du document
«
De quoi, alors, pouvons-nous bien discuter ici ? Si le bon sens et le
courage, la tempérance et l'application, la sagesse et le savoir forment,
de l'aveu général, une part considérable du mérite personnel, si un
homme qui possède ces qualités est à la fois mieux satisfait de lui et
mieux désigné à la bienveillance, à l'estime et aux services des autres
qu'un homme qui en serait totalement dépourvu, si, en un mot, sont
semblables les sentiments causés par ces dons et par les vertus sociales,
existe-t-il une raison pour être si extrêmement scrupuleux à propos d'un
mot, ou pour savoir s'ils ont droit à la dénomination de vertus ? On peut, il
est vrai, prétendre que le sentiment d'approbation que font naître ces
qualités, outre qu'il est inférieur, est aussi quelque peu différent, si on le
compare à celui qui accompagne les vertus de justice et d'humanité.
Mais
cela ne semble pas une raison suffisante pour les ranger dans des classes
et sous des appellations entièrement distinctes.
En matière de morale, la philosophie sceptique ne peut être, comme d'autres,
prescriptive ; faute d'évidence des obligations universelles, elle se doit plutôt de
recueillir, le plus largement possible, les appréciations des hommes comme
autant de noms du bien.
La tâche n'est pas plus facile, et le lecteur aura sans
doute l'occasion de lire, ici ou là, un Hume en partie victime des préjugés de son
temps.
Toutefois, le catalogue paraît complet et, pour le philosophe, la
possibilité de le « raisonner » en séparant vertus artificielles et naturelles, vertus utiles et agréables, en donnerait une
attestation.
Au terme de ce travail, voici donc que sont comptées parmi les vertus des qualités pour lesquelles l'individu n'a aucun
effort à faire, ou qui ne lui coûtent rien, qui seraient donc plutôt talents que vertus.
Elles sont classées parmi les
vertus naturelles (approuvées pour l'utilité ou l'agrément qu'elles procurent par elles-mêmes) : qualité du jugement ou
fertilité de l'imagination, habileté, persévérance, constance, tempérance, résolution, bonne humeur, mais aussi
décence, mémoire, charme ou beauté paraissent appartenir à un homme indépendamment de ses décisions.
C'est l'une
des conséquences de la voie sceptique empruntée, et Hume juge « verbales » toutes les querelles qu'on pourrait lui
chercher sur ce point.
Il faut, sans doute, faire valoir d'abord l'incertitude qui accompagne la thèse du libre arbitre, indispensable à la
distinction du volontaire et de l'involontaire.
Elle revient à poser que l'homme pourrait, de lui-même, commencer une
action, quand toutes choses dans le monde sont produites par des causes, par ailleurs si difficiles à connaître ; nos
inférences n'étant jamais démontrées, il est bien possible que nous puissions avoir un sentiment de liberté, mais
l'inextricable question du pouvoir d'agir d'une faculté supposée, volonté ou raison pratique, demeure irrésolue, alors que
la théorie des passions offre un modèle plus simple et plus cohérent.
Dans ce chapitre de la seconde Enquête, Hume s'appuie également sur le fait que les langues, où se déposent les
croyances des hommes, ne font pas de différence nette entre les vertus et les talents, et pour cause, le sens moral
attribuant à la personne des qualités agréables d'après les seules apparences.
Alors, certes, les qualités que l'on
suppose obtenues par courage paraissent plus méritantes et, de ce fait, plus louables ; mais Hume, à la suite des
Anciens dont il s'autorise, ne fait ici qu'une différence de degré.
Il veut ainsi corriger le dévoiement de la philosophie
par la théologie, qui a conduit à traiter « toute la morale comme si elle était sur le même pied que la loi civile et,
comme elle, gardée par des sanctions de récompense et de châtiment »..
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