David HUME
Extrait du document
«
La relation de cause à effet par laquelle l'esprit pose l'existence d'une connexion nécessaire entre deux
phénomènes et tire du présent des conclusions sur l'avenir, est indémontrable : elle ne peut être fondée ni sur
l'observation des faits, qui ne fournit que l'idée de leur conjonction constante, ni sur des raisonnements a priori.
D'où vient alors le principe de causalité ? Il résulte de l'habitude : l'association répétée de deux phénomènes dans
notre expérience passée nous amène à nous attendre à ce que le premier phénomène s'accompagne toujours du
second.
La relation de causalité n'est donc qu'une croyance, elle n'existe pas dans les faits mais correspond à
une tendance naturelle de notre esprit.
Supposez qu'un homme, pourtant doué des plus puissantes facultés
de réflexion, soit soudain transporté dans ce monde ; il observerait
immédiatement, certes, une continuelle succession d'objets, un
événement en suivant un autre ; mais il serait incapable de découvrir
autre chose.
Il serait d'abord incapable, par aucun raisonnement, d'atteindre
l'idée de cause et d'effet, car les pouvoirs particuliers qui
accomplissent toutes les opérations naturelles n'apparaissent
jamais aux sens ; et il n'est pas raisonnable de conclure, uniquement
parce qu'un événement en précède un autre dans un seul cas, que
l'un est la cause et l'autre l'effet.
Leur conjonction peut être arbitraire et accidentelle.
Il n'y a pas de
raison d'inférer l'existence de l'un de l'apparition de l'autre.
En un mot, un tel homme, sans plus d'expérience, ne ferait jamais de
conjecture ni de raisonnement sur aucune question de fait ; il ne
serait certain de rien d'autre que de ce qui est immédiatement
présent à sa mémoire et à ses sens.
HUME
I - LES TERMES DU SUJET
Le texte comporte deux registres de termes.
D'un côté, "réflexion" et "raisonnement" indiquent des activités
spontanées, qui procèdent de soi.
De l'autre "observation", "sens", "expérience" indiquent ce que nous devons aux données sensibles, à l'extérieur,
dans nos connaissances.
II - ANALYSE DU PROBLEME
Le problème est un problème classique dans la philosophie de la connaissance : la relation de causalité peut-elle
être connue par simple observation ? Nos sens peuvent-ils nous faire connaître
un fait ?
Quelles sont les limites du pouvoir de la raison, s'agissant de la connaissance des questions de fait ? Peut-on s'en
remettre à la raison seule pour connaître ?
De telles questions sont au coeur du débat entre empirisme et rationalisme.
III - LES GRANDES LIGNES DE REFLEXION
Dans un premier temps, on pouvait expliquer la pensée de Hume.
Ensuite, on pouvait déterminer la problématique et faire apparaître le débat de l'empirisme et du rationalisme à
l'endroit de la question de la causalité.
IV - UNE DEMARCHE POSSIBLE
Hume débute par une supposition : celle qu'un homme soit soudain transporté dans le monde.
Une telle hypothèse
est typique de la pensée empiriste, puisqu'elle oblige à réfléchir sur la manière dont l'esprit parvient à constituer
des connaissances à partir de sa seule présence au monde.
Quand bien même on accorderait à un tel homme la capacité de réfléchir, c'est-à-dire, de s'abstraire de la
situation présente afin de la penser, cette capacité ne trouverait pas à s'employer.
En effet, tout ce que pourrait
faire un tel homme, c'est observer une succession d'objets.
Peut-on même parler d'objet concernant une succession d'événements? Au niveau de la pure observation, il n'est
même pas sûr que l'on puisse avoir une représentation stable d'objets.
A fortiori, on ne saurait découvrir dans le phénomène de la succession d'événements la relation de causalité qui
peut être tenue pour sa structure.
Plus généralement, l'observation ne nous fait rien connaître de plus que la
succession phénoménale.
L'argument de Hume est que nos sens ne nous font pas connaître les pouvoirs ou les forces que régissent les.
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