Critique de l'idée de Dieu ?
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On peut distinguer l'interrogation sur l'existence de Dieu, qui a trait au questionnement sur le fondement objectif des religions, de
l'interrogation sur la provenance de l'idée de Dieu, qui est liée à l'origine de la croyance religieuse, à son fondement dans notre esprit.
On
peut se demander comment s'explique l'apparition de cette idée, que son objet existe ou non.
Les deux interrogations sont cependant
liées dans une certaine mesure : en effet, doit-on penser que l'idée de Dieu est une conséquence de son existence, au sens où Dieu luimême aurait placé cette idée dans notre esprit ? Ou bien notre esprit génère-t-il une telle idée de lui-même, et dans ce cas, à partir de
quelle disposition ? Par ailleurs, s'interroger sur la provenance de l'idée de Dieu amène à s'interroger sur sa nécessité et son universalité:
l'origine de cette idée est-elle telle qu'elle est présente chez tous les hommes, ou bien ses conditions d'apparition en font-elles une idée
qui ne correspond pas à un besoin ou à une disposition universelle ? Nous verrons dans un premier temps que l'idée de Dieu est une idée
innée constitutive de l'esprit de l‘homme, qui y a été placée par Dieu lui-même.
Nous envisagerons alors l'hypothèse que cette idée ait
été créée par l'esprit humain qui s'invente un Dieu pour ne pas avoir à affirmer sa propre puissance de vie.
On pourra alors envisager
l'idée de Dieu comme provenant également d'un besoin de l'esprit humain, mais nécessaire comme idéal qui guide notre existence.
1° L'idée de Dieu est une idée innée placée dans notre esprit par Dieu
Descartes, dans les Méditations Métaphysiques, affirme que nous possédons en notre esprit des idées innées, qui se présentent
comme claires et distinctes, et qui, par ces caractères, sont vraies.
Or, nous possédons parmi ces idées
l'idée d'infini, qui ne peut venir de nous-mêmes puisque nous sommes des êtres finis.
L'idée d'infini
implique une réalité infinie, et ne peut donc provenir que de Dieu, être infini.
Cette idée a donc été
placée par Dieu lui-même dans notre esprit et permet d e prouver son existence, car il n'est pas
possible de trouver la provenance de cette idée sans penser que Dieu existe.
Descartes remonte donc
de l'effet, la présence en nous de l'idée de Dieu, qui selon lui caractérise toute âme humaine, à s a
cause, Dieu, qui existe et a placé en nous cette idée.
DESCARTES ET LES IDEES INNEES
Considérons mes idées.
Elles sont, parmi mes pensées, celles qui représentent des choses.
Certaines
semblent être nées avec moi, d'autres venir du dehors (idée du soleil), d'autres enfin avoir été
produites par moi (idée d'un animal imaginaire).
Mais les deuxièmes sont douteuses, il se peut que je
rêve, qu'elles aient été produites par mon imagination à mon insu.
Si j'en trouvais seulement une dont il soit sûr qu'elle ne peut avoir été produite par moi, je sortirais enfin
de l'isolement.
Pour le savoir, je dois considérer le contenu de mes idées, ce à quoi elles renvoient, qui
peut être plus ou moins complexe et parfait – et me rappeler qu'une cause doit avoir au moins autant
de réalité, de perfection, que son effet.
Ma nature ne peut donc être la cause que des idées de choses qui ont autant, ou moins, de perfection
que moi.
C'est le cas de toutes les idées, sauf une, celle de Dieu.
Créature finie, c'est-à-dire limitée,
dépendante, je ne puis en effet être la cause de l'idée d'infini*, c'est-à-dire de réalité indépendante et
sans limite.
2° L'idée de Dieu est une création des hommes faibles
Nietzsche s'interroge également sur la provenance de l'idée de Dieu, mais pour en affirmer l'origine non pas divine, mais humaine.
Dieu est une invention des hommes qui veulent oublier leur propre volonté de puissance, c'est-à-dire leur force de vie, la force de leur
corps et de leurs désirs : parce qu'ils n'ont pas la capacité d'affirmer cette force et qu'ils en craignent les effets, les hommes faibles créent
ce que Nietzsche nomme un « arrière-monde » pour oublier le monde dans lequel ils vivent et où ils ne peuvent s'assumer.
L'idée de Dieu
provient de ce besoin d'une transcendance, qui apporte une réponse à leurs souffrances par des promesses de vie éternelle dans un autre
monde.
Par leur incapacité d'agir, les hommes se basent sur l'idée de Dieu pour justifier leur faiblesse par une morale divine qui interdirait
de donner libre cours à leurs désirs : ils parviennent ainsi à éviter que d'autres affirment leur volonté de puissance et les mettent en
danger.
Le surhomme est alors celui qui reconnaît que « Dieu est mort », qui reconnaît que l'origine de l'idée de Dieu est une création de
notre esprit pour ne pas se confronter à l'affirmation de notre vie.
3° L'idée de Dieu est un idéal régulateur constitutif de notre raison
Nous avons vu que l'idée de Dieu pouvait être comprise comme une création de l'esprit humain qui revient à inventer une divinité.
Mais ne peut-on penser que même dans l'hypothèse où Dieu n'existerait pas, ce que nous ne pouvons savoir avec certitude, l'universalité
de l'idée de Dieu montre qu'elle joue un rôle positif dans notre existence ? Kant critique l'idée de Descartes selon laquelle la présence en
nous de l'idée de Dieu suffirait à prouver que Dieu existe.
Selon Kant, nous ne pouvons passer d'un
concept, comme celui d'un être parfait et infini, à l'existence de son objet : ce n'est pas la pensée qui
détermine l'existence.
L'existence de Dieu fait partie des questions qui ne peuvent être pour nous des
objets de connaissance, car elle dépasse les capacités de nos facultés, qui ne peuvent saisir que les
phénomènes, c'est-à-dire les choses qui nous apparaissent dans l'espace et le temps.
Mais dans le
même temps, l'idée de Dieu est nécessairement présente dans notre raison, qui a besoin de postuler
l'existence d'un monde transcendant, d'un absolu.
Il faut alors reconnaître que cette idée ne peut être
une connaissance, mais qu'elle est une pensée qui joue un rôle positif en nous servant d'idéal
régulateur, c'est-à-dire qu'elle oriente la pensée vers la perfection et la morale.
Si nous ne pouvons
prouver que l'idée de Dieu provient de Dieu, nous pouvons croire en lui par la foi.
L'idée de Dieu répond
en tout état de cause à un besoin de notre Raison, elle est créée par elle pour répondre à notre besoin
d'absolu, et montre que notre raison ne peut se contenter du monde dans lequel nous vivons, qu'elle
aspire à une réalité supérieure qui guide notre existence de manière positive.
Conclusion
On peut penser que l'idée de Dieu est une idée innée et universelle de la raison humaine, et
qu'elle est signe que Dieu existe et a placé en nous cette idée.
Cependant, il peut apparaître qu'une
telle idée peut provenir d'une création de notre esprit, qui s'invente un monde transcendant pour se
protéger des souffrances de la vie et éviter de devoir assumer sa propre puissance et d'inventer ses
propres valeurs : cette idée doit alors être rejetée pour laisser place à de nouvelles interprétations et à
une vie en ce monde.
Cependant, si l'on pense que l'idée de Dieu provient des dispositions de notre
esprit, il semble possible de penser qu'indépendamment de l'existence ou de la non existence de Dieu,
cette idée révèle un besoin de notre raison : nous devons savoir que notre idée de Dieu est une idée de notre Raison, mais en faisant
comme si elle était fondée, nous orientons notre vie vers un idéal de perfection qui correspond à la destination de notre raison..
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