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Cours sur le temps

Publié le 05/02/2023

Extrait du document

« LE TEMPS Le mystère du temps Le temps est privation d’être Le temps, marque de mon impuissance : irréversibilité Le temps est cause de destruction : Aristote Le temps est le nombre du mouvement selon l’antérieur et le postérieur Les êtres éternels ne sont pas dans le temps : Aristote Temps spatialisé et durée Le temps chez Kant Retour de l’irréversibilité : la causalité kantienne Le temps historique : Hegel Projet et avenir : Heidegger et Sartre Le temps et l’éternité Temporalité et mortalité 1.Le mystère du temps Le temps, si familier parce que déroulé de notre existence, s’échappe comme du sable dès que nous essayons de le saisir par la pensée. « Comment donc, ces deux temps, le passé et l’avenir, sont-ils, puisque le passé n’est plus et que l’avenir n’est pas encore ? Quant au présent, s’il était toujours présent, s’il n’allait pas rejoindre le passé, il ne serait pas du temps, il serait l’éternité.

Donc, si le présent, pour être du temps, doit rejoindre le passé, comment pouvonsnous déclarer qu’il est aussi, lui qui ne peut être qu’en cessant d’être ? » Saint Augustin, Les Confessions, Livre 11ème, Garnier. Le temps comme unité des trois dimensions -passé, présent, futur- n’existe que par les actes de notre esprit : souvenir, présence, anticipation.

Cette conscience intime du temps nous signale à la fois notre insertion dans le cours changeant des choses et notre transcendance par rapport à ce flux irréversible. Kierkegaard, au XIXème siècle, exprime cela en disant que notre existence est « cet enfant engendré par l’infini et le fini, par l’éternel et le temporel ».

Le temps n’est fécond que s’il se rapport à l’éternel. 2.

Le temps est privation d’être En effet, le temps se caractérise par une privation d’être.

Aristote dit que le temps révèle un non-être, une vacuité, un manque d’être et non la plénitude d’Etre. « Que d’abord il n’existe absolument pas, ou n’a qu’une existence imparfaite et obscure, on peut le supposer d’après ce qui suit ; pour une part il a été et n’est plus et n’est plus, pour l’autre, il va être et n’est pas encore… Or ce qui est composé de non-êtres semble ne pouvoir pas participer à la substance.

», Aristote, Physique, IV, 218a, Belles Lettres. Dans le temps, c’est-à-dire dans le devenir, l’être ne nous advient que peu à peu, petit à petit. 3.

Le temps, marque de mon impuissance : irréversibilité Le temps, non-être et privation, me révèle peut-être mon impuissance et mes limites.

C’est ce qu’affirmait le philosophe Lagneau, en une formule célèbre : « Temps, marque de mon impuissance.

Etendue, de ma puissance.

» Si le temps me signale mes manques et mon impuissance, n’est-ce point en raison de l’irréversibilité qui est sienne ? Si l’espace est réversible (je vais de A en B, et de B en A), le temps, lui, est changement irréversible.

Tout s’écoule, tout passe : telle est une des premières constatations humaines.

Ceux qui descendent dans le même fleuve se baignent dans le courant d’une eau toujours nouvelle, disait Héraclite. « On ne peut descendre deux fois dans le même fleuve.

Ni toucher deux fois une substance périssable dans le même état, car elle se disperse et se réunit de nouveau par la promptitude et la rapidité de sa métamorphose : la matière, sans commencer ni finir, en même temps naît et meurt, survient et disparaît.

» Héraclite, Fragments, in Battistini, Trois Présocratiques, Idées-Gallimard. 4.

Le temps est cause de destruction : Aristote Mais le temps consacre aussi mon impuissance par la mort qu’il contient en lui. Car l’irréversibilité du temps n’est sans doute que l’autre face de la mort.

Tout le mystère de l’irréversible renvoie à cette corruption temporelle qui frappa si profondément les Grecs.

La fugacité du temps préfigure la mort, présente au cœur de la vie même.

C’est cet aspect destructeur du temps qui frappe tout d’abord : « C’est dans le temps que tout est engendré et détruit […] On voit donc que le temps est cause par soi de destruction plutôt que de génération […] car le changement est par soi défaisant ; s’il est bien cause de génération et d’existence, ce n’est que pas accident.

» Aristote, Physique, IV, 222b, Belles Lettres. 5.Le temps est le nombre du mouvement selon l’antérieur et le postérieur Aristote définit aussi le temps comme la mesure que nous faisons des changements, du mouvement.

Il n’y a pas de temps sans l’âme mais celle-ci n’aurait rien à mesurer s’il n’y avait pas d’abord dans les choses, du changement : « Voici ce qu’est le temps : le nombre du mouvement par rapport à l’antérieur et au postérieur.

Ainsi donc, le temps n’est le mouvement qu’en tant que le mouvement est susceptible d’être évalué numériquement.

» Aristote, Physique IV, Trad.

Barthélémy-Saint Hilaire, Pocket, 1990. 6.

Les êtres éternels ne sont pas dans le temps Le temps est ainsi principe de corruption et de mort.

Il semble s’opposer à toute forme de connaissance réelle, comme le remarque Platon dans le Cratyle, car ce qui s’écoule sans cesse ne saurait être appréhendé par la pensée.

Devant ce temps fugace, la pensée aspire à l’éternité.

Mais qu’est- ce que l’éternité ? Ce n’est pas une durée indéfiniment continuée, un temps sans fin et sans limite. L’éternité est intemporalité absolue.

Ainsi le rationalisme platonicien s’est-il constitué en opposant l’éternité de l’Idée immuable à la dissolution du sensible. Si les apparences changent, l’Essence, ou Idée, est éternellement identique, donc hors du temps.

De même, Aristote oppose temps et éternité. « On voit que les êtres éternels, en tant qu’éternels, ne sont pas dans le temps ; car le temps ne les enveloppe pas et ne mesure point leur existence.

» Aristote, Physique, Belles Lettres 7.

Temps spatialisé et durée A côté du temps irréversible, lié à la condition fragile de l’homme, il est un temps objectif, conçu comme milieu indéfini analogue à l’espace, dans lequel se déroulent les événements.

Le temps est alors une forme divisible, appréhendée sur le modèle de l’espace.

C’est le temps spatialisé, contaminé par l’espace.

Dans une analyse célèbre, Bergson a montré que ce temps spatialisé n’a rien à voir avec la durée concrète de notre existence.

C’est un temps abstrait et homogène, alors que notre durée concrète est hétérogène.

Elle représente la succession qualitative de nos états de conscience. « La durée toute pure est la forme que prend la succession de nos état de conscience quand notre moi se laisse vivre, quand il s’abstient d’établir une séparation entre l’état présent et les états antérieurs […] on peut […] concevoir la succession sans la distinction et comme une pénétration mutuelle, une solidarité, une organisation intime d’éléments ».

Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience, PUF 8.

Le temps chez Kant Le temps kantien est, lui aussi, comme le temps physique, un milieu homogène, une forme pure, la forme de toute expérience possible : c’est une forme a priori de la sensibilité, qui ne saurait être tirée de l’expérience.

Selon Kant, le temps est, avec l’espace, un cadre nécessaire et a priori qui sert à structurer l’expérience sensible : une sorte de prisme à travers lequel se donnent à nous les choses.

Le temps kantien, forme pure, n’inclut pas l’irréversibilité, puisqu’il désigne simplement un milieu homogène. « Le temps n’est pas un concept empirique ou qui dérive de quelque expérience […].

Le temps est une représentation nécessaire qui sert de fondement à toutes les intuitions.

On ne saurait supprimer le temps luimême par rapport aux phénomènes en général, quoique l’on puisse bien les retrancher du temps par la pensée. Le temps est donc donné a priori.

Sans lui, toute réalité des phénomènes est impossible.

On peut les supprimer tous, mais lui-même (comme condition générale de.... »

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