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Cours sur l’art : pourquoi applique-t-on le terme « création » a l’activité artistique ?

Publié le 23/01/2024

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« 1 Cours sur l’art : pourquoi applique-t-on le terme « création » a l’activité artistique ? II.

Pourquoi des artistes ? La question « pourquoi » interroge d’abord la causalité de l’activité artistique. Du point de vue de la causalité, aussi loin que l’on puisse remonter dans le temps et partout dans le monde, on trouve toujours des traces de l’activité artistique, si bien que cette fonction semble corrélative à l’humanité.

De l’art rupestre (du latin, rupes, rocher) le plus primitif à l’art abstrait contemporain, que ce soit dans le roc le plus dur ou dans le marbre le plus tendre, les artistes manifestent toujours une tendance à l’expression.

Ils s’expriment, c’est-à-dire qu’ils cherchent à « extérioriser » ce qu’ils sont.

Comme le développe Hegel dans son introduction à L’Esthétique, l’artiste extériorise ce qu’il est et, ce qu’il est, c’est d’abord et essentiellement une conscience de soi réflexive.

Quel que soit l’objet qu’il représente et quelle que soit la matière dans laquelle il le représente, l’artiste exprime toujours l’essence même de l’homme qui consiste dans la conscience qu’il a de lui-même et du monde.

La fonction artistique rendrait alors compte de l’essence spirituelle de l’homme et de sa tendance à exprimer sa spiritualité à travers une matière, c’est-à-dire à objectiver (à extérioriser dans les choses, quitte à les produire de lui-même) son intériorité.

L’artiste serait la figure exemplaire de la tendance créatrice de l’homme, une tendance qu’il doit à ce qu’il n’est pas seulement un corps (une réceptivité passive) mais un esprit (fondamentalement actif) dont la particularité est de chercher à transformer le monde pour qu’il soit son œuvre propre reflétant sa personnalité, c’est-à-dire à imprimer sa marque sur les données d’un monde indifférent et impassible.

Par la magie de la représentation de son milieu, l’artiste cherche à agir sur son milieu : s’appropriant ce qui est hostile ou récalcitrant, l’artiste maîtrise la nature, comme l’homme préhistorique domine d’avance, en le peignant, l’animal qu’il s’apprête à tuer comme une seconde fois.

Hegel verra ainsi cette tendance innée déjà à l’œuvre dans le geste apparemment anodin d’un enfant qui jette des pierres dans l’eau.

Par cet acte, l’enfant manifeste clairement sa volonté d’instaurer un monde qui soit son œuvre, sa création.

L’artiste témoignerait de la même tendance créatrice, mais en lui donnant une forme esthétique plus parfaite et plus élevée. En ce sens, il faut le répéter, l’artiste joue un rôle étrange face au monde du travail qu’il traverse sans se plier à ses contraintes.

L’artiste est celui, nous dit Freud, qui ne reconnaît pas qu’il doit se plier au principe de réalité comme nous le faisons tous, tous les jours, en négociant comme nous le pouvons avec le principe de plaisir.

L’artiste est celui qui suit un principe de plaisir et qui, contrairement à ce qu’il adviendrait pour nous, revient dans ce mouvement qui devrait l’en éloigner à une réalité qu’il niait.

C’est-à-dire qu’il exprime par-là, mieux que nous ne saurions le faire, notre insatisfaction vis-à-vis de ce monde aux frontières trop étroites, dans lequel nous nous sentons enfermés. S’il y a des artistes, c’est donc d’abord parce que la disposition artistique est liée à la constitution humaine essentiellement créatrice et inventive.

Mais qu’est-ce qui fait qu’une œuvre est une œuvre d’art ? Lorsque Marcel Duchamp, en 1917, présente dans une exposition d’art américaine un urinoir à l’envers portant le titre de Fontaine, il fait un « travail » d’artiste, il présente une œuvre d’art.

Mais, si c’est de l’art, qu’est-ce qui fait d’une œuvre d’art une œuvre d’art ? Que cela n’en soit pas, comment le savoir ? Bref, peut-on expliquer la création d’une œuvre d’art ? Qu’y a-t-il dans la création artistique qui débouche sur des œuvres d’arts ? 2 1) La causalité : peut-on expliquer la création d’une œuvre d’art ? Il n’est peut-être pas impossible, en effet, qu’une œuvre d’art soit inexplicable. L’expérience esthétique est, en effet, assez souvent bouleversante.

Elle nous ravit, nous plonge dans l’étonnement, l’admiration, et nous laisse pour ainsi dire impuissants par rapport à l’émotion et au plaisir éprouvés.

C’est là que s’enracine pour une part la sacralisation de l’œuvre d’art.

Or, si une œuvre d’art est inexplicable, elle devient par conséquent indéfinissable, une définition consistant à déterminer les caractéristiques générales communes à une classe d’objets.

Dans ces conditions, il devient impossible de reconnaître l’œuvre d’art et celle-ci se mure dans un mystère propice aux interprétations les plus éloignées de la réalité du travail artistique. Bien sûr, pour savoir si l’on peut expliquer la création artistique, il faut se demander ce que veut dire expliquer ? Par exemple, une explication de texte consiste en l’analyse de celuici, cette analyse permettant de rendre compte de la composition interne de l’extrait et de la complexité de celle-ci.

On ne peut donc expliquer que s’il est possible de décomposer. Chercher à expliquer, c’est présupposer qu’une chose est le résultat de l’agencement des divers éléments qui se combinent en elle.

En apparence donc l’œuvre d’art, dans sa singularité même, pourrait se prêter à une étude de son mode de production, ce qui constituerait une préparation à une compréhension plus juste de ce que nous pouvons éprouver devant une œuvre d’art. Or, selon Kant, l’œuvre d’art se distingue de tout autre type de production humaine et semble échapper à toute appréhension d’ordre causal.

Si expliquer, c’est remonter d’un effet aux causes, selon le modèle scientifique et technique, alors l’œuvre d’art demeure inexplicable.

Dans la Critique de la faculté de juger, Kant expose la différence fondamentale qui sépare l’œuvre d’art de toute production artisanale, technique ou scientifique en disant que les premières ne requièrent, pour être comprises, que patience et attention.

L’explication, en tant qu’analyse, tend toujours à faire comprendre, donc tend vers la synthèse.

Cette analyse permet de décomposer les étapes nécessaires à la production d’un objet, que ce soit une pensée, un résultat mathématique ou un objet matériel fabriqué.

Le postulat du déterminisme régit ce mode d’appréhension par lequel on attribue une cause à un effet.

Expliquer les découvertes de Newton est possible : « Il pouvait exposer en pleine lumière, non pas seulement pour lui-même mais pour tout autre, la totalité des démarches qu’il avait dû faire depuis les premiers éléments de la géométrie jusqu’à ses découvertes les plus grandioses et les plus profondes, et en permettre ainsi l’imitation » (cf.

§ 47).

Les règles de production artisanales, techniques ou scientifiques sont donc clairement formulables, énonçables et donc explicites.

Leur mise en œuvre est réitérable, et leur objet reproductible.

On peut produire plusieurs objets en série, chaussures, voitures, etc..., on peut fabriquer plusieurs objets de façon artisanale, même s’ils ne sont pas aussi parfaitement identiques que lors de leur production industrielle.

On peut aussi refaire une expérience scientifique ou démontrer plusieurs fois un théorème pour l’expliquer. L’œuvre d’art, quant à elle, échappe totalement à ce mode d’appréhension analytique et utilitaire.

Kant déclare ainsi : « Seules les choses dont la connaissance la plus complète ne suffit pas à donner l’habileté à les produire appartiennent à l’art » (cf.

§ 43).

Il ne suffit pas de savoir ce qu’il faut faire pour pouvoir passer à l’exécution.

Car l’œuvre d’art n’est pas conceptuelle : elle n’est pas analysable, explicable au sens où l’on pourrait lui attribuer une cause déterminée qui rendrait compte de son sens.

L’œuvre d’art repose sur « la faculté de la présentation des Idées esthétiques » et l’Idée esthétique est « cette représentation de l’imagination qui donne beaucoup à penser, sans qu’aucune pensée déterminée, c’est-à-dire de 3 concept, puisse lui être adéquate et par conséquent aucune langue ne peut complètement exprimer et rendre intelligible » (cf.

§ 49).

L’œuvre d’art « donne par elle-même à penser bien plus que ce qui peut être compris dans un concept déterminé » et « élargit le concept luimême esthétiquement d’une manière illimitée ».

Le concept ne peut jamais être saisi à nu dans l’œuvre d’art.

Il est donc impossible de tirer la règle de l’œuvre d’art réalisée.

Pour cela, il faudrait pouvoir en énoncer le précepte.

Or, cela est impossible, puisque la spécificité de l’œuvre d’art est que la règle qui prévaut à sa fabrication « ne peut être exprimée dans une formule pour servir de précepte ; autrement le jugement sur le beau serait déterminable par concepts.

» Et ce n’est pas le cas puisque le beau est « ce qui plaît universellement sans concept ».

Le beau est ce en face de quoi le sujet énonce un jugement subjectif, car il ne peut le rationaliser, le démontrer en montrant à quelle détermination causale il obéit, mais dont il éprouve la nécessité et la légitime prétention à valoir universellement. C’est pourquoi, Kant affirme que l’œuvre d’art est produite par le génie qui « ne saurait donner aucune règle déterminée » de ce qu’il produit et « ne peut décrire lui-même ou exposer scientifiquement comment il réalise son produit.

» Kant explique alors que : « C’est en tant que nature qu’il donne la règle ; c’est.... »

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