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Comment justifier le devoir de sincérité ?

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« INTRODUCTION A) — La sincérité (sine cera, sans cire, c'est à dire sans fard) est un devoir a) non seulement riche en applications : il condamne, outre le mensonge en paroles, toutes les formes d'action destinées à induire quelqu'un en erreur et toutes les réticences, tous les « jugements voilés » (sens étymologique du mot « 'hypocrisie »), b) mais encore fondamental, la morale étant une organisation rationnelle de la conduite privée et publique dont le premier postulat est l'exclusion de l'abus de confiance. B) — De là des difficultés d'un même- ordre que celles qui environnent le « je pense », postulat premier de toute la psychologie, et qui ce ramènent toutes à une seule : l'impossibilité de le réaliser empiriquement, a) soit qu'en fait la nature entière semble le démentir, b) soit qu'en droit des obligations réputées plus pressantes paraissent incompatibles avec lui. I — LES MENSONGES DE LA NATURE A) — La ruse, dit-on, est, au même titre que la force, un facteur de victoire, un ressort de la sélection naturelle et par contre-coup de la civilisation, a) exemple de mensonge spontané : le -mimétisme ou imitation automatique du milieu (expériences remarquables faites notamment sur des turbots), b) conduite de l'homme lui-même à l'égard des animaux (pièges) c) et de ses semblables (explosion de mensonges officiels pendant la guerre, ralentissement pouvant constituer lui-même une sorte d'hypocrisie du second degré pendant ces « suspensions de guerre » que sont d'après une certaine philosophie allemande (pourquoi disons-nous allemande, au fond par manque de courage et de sincérité) les périodes de paix. B) — On répondra a) en ce qui concerne le.; comportements purement « naturel.; » tels que le mimétisme, l'organisation de la confiance étant hors de cause, il n'y a pas abus parce que il n'y a pas usage : la nature est amorale, b) en ce qui concerne les comportements sociaux des hommes : les mensonges de la guerre sont en effet la principale de ses conditions d'existence, c'est pourquoi, plus encore que par ses cruautés, elle est d'essence ignoble ainsi que.

tout régime de paix qui relèverait de son esprit.

D'ailleurs Nietzsche, l'immoraliste, préconise la ruse et la fourberie dans la mesure même du mépris : oui, avec les « bêtes du troupeau » non entre « maîtres ».

Cette contradiction dans une âme fière est cruciale, c) quant à duper nos « frères inférieurs » c'est un mal qu'on pourra juger inévitable dans la mesure ou notre législation morale ne les englobe pas.

Mais de telles pratiques sont, dirait Kant, « mauvaises conseillères » et le plaisir qu'on y peut prendre est également « d'essence ignoble ». II — Le CONFLIT DES DEVOIRS A) — Un humoriste a dit : « gardez-vous d'assassiner ; l'assassinat conduit au vol et le vol à la dissimulation ».

Ce qu'il y a de vrai dans cette plaisanterie, c'est que le mensonge sape les bases mêmes de toute moralité et que formellement parlant, tout crime se ramène à un abus de confiance. B) — S'il arrive dès lors que le mensonge fasse partie des conditions d'accomplissement d'un autre devoir, c'est par un vice d'organisation, contre lequel il faut entreprendre une véritable croisade, a) le mensonge héroïque (récit de Sully-Prudhomme) est lié à la guerre, b) le mensonge de l'avocat, au crime ou au délit, c) le mensonge « mondain » à des relations éventuellement belliqueuses et parfois d'un mercantilisme déguisé. C) — On remarquera, pour atténuer ce rigorisme, que ces mensonges, par le jeu des conventions, se détruisent en partie d'eux-mêmes et que l'avocat ou l'homme du monde qui dirait l'entière vérité, se trouveraient, de ce fait, l'un charger son client, l'autre pécher contre la civilité. CONCLUSION Quiconque ment est méprisable.

Reconnaissons que nous avons tous menti et sommes dans cette mesure méprisables.

Et tâchons de bâtir une société d'où soit exilé le mensonge, partant le mépris.

La sincérité mesure exactement la moralité tout entière.. »

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