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Caractérisez et appréciez la valeur morale de l'individualisme ?

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« Caractérisez et appréciez la valeur morale de l'individualisme. Nous supposons que celui qui a posé la question a voulu dire : Caractérisez l'individualisme et appréciez sa valeur morale.

Si telle était son intention, sa rédaction est incorrecte : son texte demande les caractéristiques de la valeur morale de l'individualisme — question peu intelligible — et non les caractéristiques de l'individualisme. Dans la société primitive, l'homme se fond avec son groupe.

Ses idées, ses sentiments, sont ceux que lui ont transmis ses ancêtres; ses coutumes, celles de son milieu, et les variantes qu'on peut observer dans son comportement ne le distinguent guère de ses congénères.

D'ailleurs, ce qu'on apprécie le plus à ce stade du développement humain, c'est la conformité au type idéal du groupe conservé par la conscience collective. Mais à mesure que les sociétés évoluent et se civilisent, les individus se différencient.

Ils sont fiers de ces différences et cherchent à les accuser; le conformisme, toujours nécessaire dans une vie en commun, devient pesant et passe pour un obstacle au développement de la personnalité.

Les préoccupa lions des générations nouvelles se centrent autour de l'individu, et non plus autour de la société.

C'est le règne de l'individualisme. Analysons cette notion d'individualisme et tâchons de préciser quelle est sa valeur morale. *** Le suffixe -isme exprime une tendance à accorder la primauté à l'objet « désigné par le radical auquel le suffixe s'ajoute.

Ainsi le machinisme est le système de production qui fait appel à la machine plus qu'à l'ouvrier; l'empirisme, la théorie qui explique l'acquisition des connaissances par l'expérience, tandis que le rationalisme a recours à certaines prérogatives de la raison. L'individualisme consiste donc, d'une façon générale, à accorder à l'individu et à l'individuel la première place dans l'ordre des valeurs. L'individualisme se refuse à subordonner l'individu à une autre réalité; au contraire, il ne voit dans les autres réalités, famille ou patrie, qu'un moyen de permettre à l'individu d'atteindre ses fins. Mais que faut-il entendre par individu ? L'usage de ce mot ne présente pas de grave ambiguïté.

Il est cependant utile de préciser son sens. Chez les savants et chez les philosophes, l'individu s'oppose le plus souvent à l'espèce : l'espèce est constituée par l'ensemble des êtres présentant certains caractères communs; l'individu est un être considéré avec les caractères qui le distinguent de tous les autres membres de son espèce.

Mon chien Médor et votre chienne Diane sont deux individus de l'espèce chien. Dans l'usage ordinaire du mot, les hommes seuls sont considérés comme des individus.

Souvent le terme individu est employé dans un sens qui n'est pas sans analogie avec celui qui précède : l'individu, c'est l'homme en tant qu'il fait partie d'un groupement particulier, spécialement nation ou Etat, et s'oppose à lui; ainsi on oppose les droits de l'individu et les droits de l'Etat, la propriété individuelle et la propriété collective.

En dehors de ce cas, le mot individu prend une nuance péjorative : on l'emploie le plus souvent pour désigner des inconnus, et l'inconnu est toujours quelque peu suspect; on ne l'applique à des personnes connues que pour les plaisanter ou marquer le mépris qu'elles inspirent et le plus souvent il est accompagné d'épithètes désobligeantes : triste individu, pauvre individu... Quelqu'un présente-t-il des qualités caractéristiques qui le distinguent avantageusement des autres, on dira que c'est, non pas un individu, mais une individualité, ou mieux : une personnalité. Le complexus affectif dont est chargé, dans l'usage courant, le mot individu devait nécessairement retentir sur la signification de son dérivé : « individualisme ». La nuance péjorative de ce mot est assez estompée dans le vocabulaire politique et sociologique, où individualisme s'oppose à étatisme.

Mais, sans doute à cause de cette nuance qui lui reste encore, il est peu utilisé dans ce sens, et le mot libéralisme est beaucoup plus usuel. L'individualisme politique centre les préoccupations des gouvernements sur l'individu.

D'abord l'Etat doit se contenter d'assurer la pleine liberté de l'activité individuelle et réduire au minimum ses fonctions propres.

Ensuite le bien de l'individu doit être la lin dernière de toute société : la collectivité pour l'individu, et non pas l'individu pour la collectivité, telle pourrait être sa formule.

On peut professer cette théorie sans tomber dans l'individualisme psychologique et moral : tel se montre peu sensible à l'idée de la grandeur nationale et surtout à celle de la puissance de l'Etat qui n'est pas exclusivement concentré sur lui-même et qui se montre soucieux des intérêts individuels de ceux avec qui il vit, ou même des intérêts de tous ses semblables.

Cependant, on ne saurait le nier, l'individualisme politique entraîne naturellement l'individualisme psychologique et moral : les membres d'une société dans laquelle aucune valeur supérieure à l'individu n'est proposée comme but d'action tendent peu â peu à se renfermer sur eux-mêmes et à vivre pour eux. Aussi, au sens le plus ordinaire, individualisme est synonyme d'égoïsme, ou, pour être complet, d'égotisme et d'égoïsme.

Par égotisme, on entend « la culture du moi et la préoccupation exclusive de cette culture érigée en principe unique de la conduite » (Voc.) : l'égotisme implique donc la recherche d'un certain idéal, idéal tout personnel et par suite étroit, parfois mesquin — d'où la nuance péjorative qui s'attache à cette conception de la vie —, mais idéal tout de même, ou du moins conception raisonnée de la vie.

Rien de tel dans la compréhension du mot égoïsme, qui marque seulement la tendance à chercher uniquement son propre intérêt, serait-ce au détriment des intérêts des autres.

Ayant défini ces deux termes, nous saisirons mieux deux acceptions différentes du mot individualisme. Comme synonyme d'égotisme, l'individualisme marque le souci, et un souci excessif de son individualité, c'est-à-dire de son caractère individuel, des traits par lesquels on se distingue des autres.

L'individualiste répugne au conformisme : il veut être soi, et ne supporte pas d'être astreint à entrer dans les cadres communs soit de la pensée, soit de l'action.

Il est soucieux, non de penser juste, mais d'avoir une pensée personnelle ou du moins qu'il juge telle.

Pour lui, chercher à faire oeuvre utile serait s'abaisser; c'est l'oeuvre originale qu'il vise, celle qui le distinguera parmi tous, serait-ce en choquant les gens de goût, en scandalisant les âmes droites. L'individualiste, qui n'est qu'égoïste, n'est pas atteint, du moins au même degré, par la hantise de se faire remarquer..

Ce qu'il veut, c'est jouir et ne pas se gêner.

Suivant son tempérament, l'individualiste égoïste a des façons d'agir bien différentes.

L'un se fait une vie bien tranquille, assurée contre les accidents de l'existence; pour ne pas être troublé dans la jouissance du bien-être qui lui est échu, il calfeutre sa demeure contre tous les bruits et contre tous les vents.

Un autre n'aspire qu'à de nouvelles conquêtes : il va de l'avant vers l'objet de ses convoitises, n'entendant pas d'autres voix qui l'appellent, foulant aux pieds tout ce qui se trouve sur son passage. Ce dernier est plus brutal, mais l'autre, s'il avait plus de vitalité, le serait tout autant : ils n'ont que le souci d'eux-mêmes; ce sont des individualistes, des égoïstes.. »

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