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Caractère, personnalité et liberté ?

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« Tous les aspects de la personnalité que nous avons analysés — le caractère inné, l'empreinte reçue du milieu social et des événements particuliers de notre existence — sont des aspects déterminés.

Si la personnalité n'est que cela, elle apparaît comme une résultante de facteurs impersonnels.

En ce cas, la liberté que les hommes s'attribuent n'est-elle qu'une illusion? C'est là, assurément, un problème métaphysique, mais peut-être est-il susceptible de recevoir quelques lumières de l'analyse psychologique.

Examinons sous cet éclairage les solutions traditionnelles. 1° THÈSE DE LA LIBERTÉ ABSOLUE C'est un point de vue qu'on pourrait illustrer par des analyses de Platon, de Kant, d'Alain, de Sartre.

Platon expose cette thèse dans le Xe livre de la République sous la forme d'un mythe.

Er est un soldat mort sur le champ de bataille, qui ressuscite miraculeusement et raconte à ses camarades ce qu'il a pu voir aux Enfers.

Les morts y sont invités à choisir librement un nouveau destin pour leur prochaine réincarnation.

Après avoir choisi, ils boivent au fleuve d'oubli et reviennent sur terre vivre leur nouveau destin.

Ils ont oublié qu'ils l'ont choisi eux-mêmes et ne manqueront pas, à l'occasion, d'accuser les Dieux de l'injustice de leur sort.

Le mythe signifie qu'on choisit soi-même la vie qu'on veut, même quand on se refuse à le reconnaître. De même pour Kant, le déterminisme n'est qu'une apparence.

Les états du moi semblent être, dans le temps, déterminés les uns par les autres.

Mais ce moi phénoménal, ce moi déterminé n'est pas le vrai moi.

Plus profondément, le moi nouménal serait posé, en dehors du temps, par une pure liberté. 1.

D'après Kant, nous ne pouvons nous présenter les phénomènes que sous les formes de l'espace et du temps; et les phénomènes ainsi représentés sont enchaînés les uns aux autres par un déterminisme inflexible.

Comment alors admettre la liberté ? Le seul moyen, c'est de mettre en question la valeur de la science, de montrer qu'elle n'est pas la représentation exacte du réel, et que, par suite, la liberté est possible en réalité.

Or, telle est précisément la conclusion de la Critique de la Maison pure.

Celle-ci établit que le monde tel qu'il nous apparaît et qui est soumis au déterminisme, n'est qu'un monde apparent, tout relatif à la constitution de notre esprit, et que, par conséquent, nous n'avons pas le droit de conclure de ce qui apparaît à ce qui est.

Il peut donc y avoir, dans le noumène, une causalité libre.

Or, la raison pratique transforme pour nous cette possibilité en nécessité.

Elle ne nous prouve pas cette liberté fondamentale ; elle nous oblige à y croire. 2.

Ainsi donc, d'une part, la science implique le déterminisme universel ; d'autre part, le devoir postule la liberté.

Comment lever cette antinomie? Kant distingue dans l'homme deux espèces de causalités et de caractères : les caractère et causalité empiriques (homme-phénomène) ; les caractère et causalité intelligibles (homme-noumène). a) Le caractère empirique, c'est l'homme en tant qu'il se connaît, qu'il s'apparaît à lui-même : c'est-à-dire une série de phénomènes (faits de conscience) reliés entre eux par une loi, loi qui s'exprime par le mot : moi.

Cette expression ne signifie rien autre que l'unité de notre perception.

En d'autres termes, nous ne pouvons apercevoir les faits de conscience, qui sont plusieurs, successifs, qu'en les reliant les uns aux autres par la causalité.

Notre caractère empirique n'est donc qu'une série de phénomènes unis par la causalité empirique, c'est-à-dire déterminés.

De ce point de vue phénoménal, la formule déterministe (antithèse de l'antinomie), « il n'y a pas de causalité libre », est donc vraie. b) Le caractère intelligible ou nouménal, c'est l'homme tel qu'il est réellement, comme être en soi, comme noumène. Ce caractère n'est pas dans le temps; il est supérieur au temps; il jouit de la propriété de la causalité absolue, non déterminée, libre, c'est lui qui, par un acte hors du temps, détermine la série des effets phénoménaux, qui eux, se déroulent dans le temps, et forment notre caractère empirique. Cette solution semble avoir été admise par certains savants qui, comme le dit Poincaré, « sont déterministes, quand ils font de la science, mais croient à la liberté, quand il s'agit de la conduite de leur vie ». Vous êtes, dit Alain, ce que profondément vous avez décidé, ce que vous avez juré d'être : «Le caractère d'un homme n'est que son serment.» De même Sartre paraît convaincu que notre destinée est seulement l'expression de nos libres projets. Cette thèse métaphysique, confrontée à l'analyse psychologique, nous semble difficile à soutenir.

Dans le mythe d'Er, les âmes ne boivent au fleuve d'oubli qu'après avoir fait leur choix.

Platon reconnaît par là qu'un choix n'aurait pas grand sens s'il n'était éclairé par quelque expérience antérieure.

Les âmes choisissent en fonction de leur caractère, de leur vie passée.

Platon remarque, non sans finesse, que les plus honnêtes gens — mal protégés par leur ingénuité même contre des tentations pernicieuses — choisissent naïvement le destin, au fond peu enviable, d'hommes puissants, de tyrans.

L'âme d'Ulysse, toujours prudente et éclairée par ses aventures passées, choisit le destin obscur d'un homme simple et tranquille.

En tout cela, il n'est plus question d'un choix gratuit.

D'autre part, l'expérience montre contre la thèse d'Alain et de Sartre que nous ne disposons pas d'une liberté absolue.

Comment. »

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