Aide en Philo

BERGSON: Intelligence et Elan vital

Extrait du document

On pourrait dire de la vie, comme de la conscience, qu'à chaque instant elle crée quelque chose. Mais contre cette idée de l'originalité et de l'imprévisibilité absolues des formes toute notre intelligence s'insurge. Notre intelligence, telle que l'évolution de la vie l'a modelée, a pour fonction essentielle d'éclairer notre conduite, de préparer notre action sur les choses, de prévoir, pour une situation donnée, les événements favorables ou défavorables qui pourront s'ensuivre. Elle isole donc instinctivement, dans une situation, ce qui ressemble au déjà connu ; elle cherche le même, afin de pouvoir appliquer son principe que « le même produit le même ». En cela consiste la prévision de l'avenir par le sens commun. La science porte cette opération au plus haut degré possible d'exactitude et de précision, mais elle n'en altère pas le caractère essentiel. Comme la connaissance usuelle, la science ne retient des choses que l'aspect répétition. Si le tout est original, elle s'arrange pour l'analyser en éléments ou en aspects qui soient à peu près la reproduction du passé. Elle ne peut opérer que sur ce qui est censé se répéter, c'est-à-dire sur ce qui est soustrait, par hypothèse, à l'action de la durée. Ce qu'il y a d'irréductible et d'irréversible dans les moments successifs d'une histoire lui échappe. Bergson, L'Évolution créatrice, PUF, p. 28-29.o Quelle est l'idée fondamentale de ce texte ? L'intelligence et la science sont incapables de saisir le courant vital et la durée, envisagés comme création continue d'imprévisible nouveauté. o Le problème posé par ces lignes est le suivant : l'intelligence est-elle capable de saisir l'essence du réel et de la vie ou bien une autre faculté est-elle à même de mener à bien ce dessein ? o Le texte est structuré de la manière suivante : après avoir énoncé sa thèse (« On [...] chose. »), Bergson souligne que l'intelligence et la science ne peuvent saisir le dynamisme du vivant (« Mais [...] échappe. »). Ce paragraphe est lui-même divisé en deux sous-parties, la première consacrée à Y intelligence (« Mais [...] commun. ») et la seconde à la science (« La science [...] échappe. »).

« On pourrait dire de la vie, comme de la conscience, qu'à chaque instant elle crée quelque chose.

Mais contre cette idée de l'originalité et de l'imprévisibilité absolues des formes toute notre intelligence s'insurge.

Notre intelligence, telle que l'évolution de la vie l'a modelée, a pour fonction essentielle d'éclairer notre conduite, de préparer notre action sur les choses, de prévoir, pour une situation donnée, les événements favorables ou défavorables qui pourront s'ensuivre.

Elle isole donc instinctivement, dans une situation, ce qui ressemble au déjà connu ; elle cherche le même, afin de pouvoir appliquer son principe que « le même produit le même ».

En cela consiste la prévision de l'avenir par le sens commun.

La science porte cette opération au plus haut degré possible d'exactitude et de précision, mais elle n'en altère pas le caractère essentiel.

Comme la connaissance usuelle, la science ne retient des choses que l'aspect répétition.

Si le tout est original, elle s'arrange pour l'analyser en éléments ou en aspects qui soient à peu près la reproduction du passé.

Elle ne peut opérer que sur ce qui est censé se répéter, c'est-à-dire sur ce qui est soustrait, par hypothèse, à l'action de la durée.

Ce qu'il y a d'irréductible et d'irréversible dans les moments successifs d'une histoire lui échappe. Bergson, L'Évolution créatrice, PUF, p.

28-29. I.

Introduction. • Quelle est l'idée fondamentale de ce texte ? L'intelligence et la science sont incapables de saisir le courant vital et la durée, envisagés comme création continue d'imprévisible nouveauté. • Le problème posé par ces lignes est le suivant : l'intelligence est-elle capable de saisir l'essence du réel et de la vie ou bien une autre faculté est-elle à même de mener à bien ce dessein ? • Le texte est structuré de la manière suivante : après avoir énoncé sa thèse (« On [...] chose.

»), Bergson souligne que l'intelligence et la science ne peuvent saisir le dynamisme du vivant (« Mais [...] échappe.

»).

Ce paragraphe est lui-même divisé en deux sous-parties, la première consacrée à Y intelligence (« Mais [...] commun. ») et la seconde à la science (« La science [...] échappe.

»). II.

Étude ordonnée. A.

Énoncé de la thèse centrale de Bergson : vie et conscience sont création (« On [...] chose.

»). Cette première phrase du texte est dense et courte.

Elle est, remarquons-le, exprimée au conditionnel.

Bergson énonce donc, de manière très prudente, sa thèse, thèse qui, néanmoins, est le fruit d'un long développement antérieur, comme le sait tout lecteur de L'évolution créatrice, qui replacera cette phrase dans son contexte. Bergson fait une hypothèse au sujet de la vie.

Que désigne, ici, ce concept ? Il faut entendre, par la vie, l'élan et le courant allant d'un germe à un autre par l'intermédiaire d'un organisme développé.

L'ensemble des manifestations de croissance, d'assimilation et de reproduction des organismes végétaux et animaux, telles que les étudie la biologie, n'est rien, selon Bergson, sans « l'élan vital » qui anime cette organisation et ces manifestations.

Or, la vie, le courant allant d'un germe à un autre, réalisent, à chaque instant, quelque chose qui n'existait pas encore ; ils tirent du néant une réalité auparavant inexistante : la vie, nous dit Bergson, crée, à chaque instant (à chaque point du temps présent) quelque chose.

C'est cette idée de création qui est ici centrale : avec la vie, les jeux ne sont jamais faits ; il y a en elle quelque chose d'irréductible, d'imprévisible.

Individus, organes, types biologiques nouveaux, sont apparus et apparaissent de manière inattendue.

La vie invente, elle est invention, elle réalise des organes physiques et des productions biologiques que nul n'attendait, c'est-à-dire une multitude de formes variées.

La vie crée grâce à la spontanéité qui lui est propre et, avec elle, les jeux ne sont jamais faits : on ne peut, à l'avance, prédire ses productions. Mais il en est ici de la vie comme de la conscience, nous dit Bergson.

Qu'est-ce que la conscience et que désigne ici ce terme ? Il vient du latin cum et de scire, savoir.

La conscience représente un savoir, une saisie de ce qui se passe en nous ; elle est, elle aussi, mouvement vers le futur et création de formes nouvelles.

Elle se définit par le projet ; elle anticipe sur ce qui n'est pas encore.

Examinons notre conscience : elle est, tout entière, remplie de possibles.

C'est cette dimension qui la caractérise.

Toute conscience est anticipation de l'avenir et invention radicale de possibles.

Elle crée, à chaque instant, quelque chose de neuf. On notera, en conclusion de cette première partie, Y analogie entre la conscience et la vie.

Tout se passe comme si la vie était conscience, comme si la conscience était vie, comme si l'une et l'autre étaient des centres de création et d'invention. B.

« Mais [...] échappe.

» : la critique de l'intelligence et de la science. Après avoir souligné le dynamisme créateur de la vie et de la conscience, Bergson va s'attacher à mettre en évidence les lacunes de l'intelligence (« Mais [...] commun.

») et de la science (« La science [...] échappe.

»), toutes deux aveugles à l'irréductible et à la nouveauté de la durée.

Examinons successivement ces deux sousparties. 1.

« Mais [...] commun.

» : la critique de l'intelligence. La conjonction « mais » marque, immédiatement, une objection et introduit une transition dynamique vers autre chose, vers un argument développé.

Contre la notion de la dimension inédite et unique (« l'originalité ») des formes, c'est-à-dire des différentes figures et apparences, contre l'idée d'« imprévisibilité », conçue comme le caractère de ce qui est absolument irréductible et inimaginable à l'avance, toute notre intelligence s'insurge : notre faculté. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles