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Avoir conscience, est-ce juger ?

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« Définitions: La conscience vient du latin conscientia, qui signifie « accompagné » (cum) de « savoir » (scire).

Être conscient signifie donc que lorsque l'on sent, pense, agit, on sait q u e l'on sent, pense ou agit.

Mais il convient d e distinguer la conscience directe ou immédiate, qui accompagne ainsi tous les actes du sujet, de la conscience réfléchie, conscience qui se saisit elle-même comme conscience.

La première consiste à « avoir conscience », tandis que la seconde consiste à « être conscient d'avoir conscience ».

Le passage de l'un à l'autre serait le fait de « prendre conscience ». Une relation de soi aux choses et de soi à soi Selon l'étymologie latine (conscientia), la conscience est un savoir (scientia) accompagnant ( cum) quelque chose.

Elle signifie donc que quelque chose est su par le sujet ; le sujet se sait en relation avec une réalité, perçue plus ou moins clairement. Conscience psychologique et conscience morale La conscience peut porter sur des faits (ce qui est) ou sur des valeurs (ce qui doit être).

Dans le premier cas, la conscience est dite psychologique.

Elle est spontanée et/ou réfléchie.

Son objet est extérieur (les choses) ou intérieur (la vie subjective) ; présent (attention...), passé (souvenir, regret...) ou futur (attente, projet...) ; possible (hypothèse...) ou impossible (imagination, illusion...).

Elle émet des jugements de fait ou d'existence (il y a ceci, ceci est cela...).

Dans le second cas, la conscience est dite morale : elle émet des jugements de valeur.

Elle est alors comme un juge intérieur, évaluant ce qui est (faits, actes, pensées...) d'après ce qui doit être, c'est-àdire d'après des valeurs ou des normes (morales, religieuses, politiques, juridiques, esthétiques...). Toute conscience est-elle morale ? Mais faut-il vraiment séparer la conscience psychologique de la conscience morale ? Ne serait-ce pas, comme le dirait Descartes, prendre une distinction formelle (valable seulement en pensée) pour une distinction réelle (valable dans la réalité) ? En effet, toute conscience est toujours un certain écart par rapport à ce qui est.

Or, toute prise de distance n'implique-t-elle pas une certaine évaluation et un certain choix ? La conscience n'est-elle pas alors essentiellement morale ? La réponse de Alain La conscience est toujours morale " Toute conscience est d'ordre moral, puisqu'elle oppose toujours ce qui devrait être à ce qui est.

" Alain, Histoire de mes pensées (1936), chap.

« Abstractions ». Problématique La conscience psychologique et la conscience morale sont-elles différentes, ou sont-elles deux formes d'une même conscience ? Explication La conscience fait face à ce qui est... Perdre conscience (s'évanouir), c'est cesser d'être présent à soi et au monde.

Au contraire, « revenir à soi, c'est revenir au monde, c'est-àdire précisément à autre chose que soi » (Paul Valéry).

La conscience psychologique fait qu'un être n'est pas seulement dans l e m o n d e (une chose parmi les choses), mais est aussi devant le monde (un sujet face à un objet, ou face à d'autres sujets) 9. ...

et le juge au nom des valeurs Or, parce qu'elle est « l'acte par lequel l'esprit se dédouble et s'éloigne à la fois de lui-même et des choses 10 », la conscience permet la reprise critique de ce qui est.

Parce qu'elle oppose ce qui doit être (la norme) à ce qui est (le fait), la conscience est toujours morale : elle juge et elle incite à rectifier ce qui n'est pas fidèle à ses valeurs.

« La morale consiste à se savoir esprit et, à ce titre, obligé absolument : car noblesse oblige 11 », conclut Alain. Débat et enjeu Échappe-t-on à la conscience morale ? La conscience peut-elle n'être pas morale ? Certes, les « immoralistes » condamnent la morale qu'ils jugent mauvaise, mais c'est encore juger au nom d'une norme, ce qui revient à opposer une morale à une autre ! On ne semble donc pas échapper à la dimension morale de la conscience.

Kant affirme en ce sens que la conscience morale « suit l'homme comme son ombre quand il pense lui échapper 12 ».

Cette voix, l'homme ne peut pas éviter de l'entendre.

Certes.

Mais quelle morale entendre ? Comment définir les valeurs morales ? Le surmoi social et la liberté de conscience Les préceptes moraux dépendant largement de la culture et de l'éducation 13, la conscience morale n'est-elle alors qu'un surmoi social ? Non : la véritable conscience morale est une capacité de subversion, de critique, c'est une exigence et une inquiétude.

« On nomme bien inconscients ceux qui n e s e posent aucune question à e u x - m ê m e s 14 », note Alain.

D'ailleurs, la conscience (psychologique et morale) n'est jamais aussi vive que dans les moments de crise intérieure, quand tout automatisme devient inutile et que nous hésitons, c'est-àdire quand nous devons choisir notre conduite : « Conscience est synonyme de choix 15 », dit Bergson, donc de liberté. Morale et moralisme La difficulté pour la conscience morale e s t d e n e p a s verser dans le moralisme (donner des leçons de morale), qui consiste toujours à juger autrui plutôt que soi-même.

La conscience morale ne doit valoir que pour soi-même : « La Morale n'est jamais pour le voisin 16 ». Quelle morale choisir ? Cette décision doit être personnelle et se prendre solitairement, en conscience.. »

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