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Peut-on juger d'une chose par la conscience qu'on en a ?

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« La conscience semble être la forme même du rapport qui nous unit au monde : c'est elle qui nous donne accès à l'extériorité de ce monde en tant qu'extérieur.

Dès lors, la possibilité de juger de ce monde, c'est-à-dire de déterminer la nature réelle de celui-ci, et de vérifier sa validité, doit être nécessairement dépendante de la conscience.

Mais ceci ne suffit pas pour expliciter la réelle teneur de ce lien, et ses possibilités légitimes.

Car la conscience relève-t-elle nécessairement du jugement, ou bien d'une autre forme de rapport au monde ? Et si elle permet effectivement de juger, en quoi ce jugement peut-il être adéquat, ou non ? I La conscience comme accès critique à l'évidence : Rousseau et Descartes -Rousseau : la conscience fonde tout jugement, notamment au point de vue moral (détermine le caractère bon ou mauvais d'une chose).

Mais ce jugement ne passe pas par l'intermédiaire de la raison discursive, langagière : elle est de l'ordre de la perception d'un sentiment d'origine divine selon Rousseau (Emile ou de l'éducation).

Dès lors, cette intuition morale apparaît comme un privilège accordé par Dieu à l'homme pour garantir sa moralité, tandis que la conscience (entendement et raison discursive) ne peut assurer une certitude cognitive de la nature du réel (connaissance des objets du monde). -Descartes partage cette conception d'une déficience de la sensation consciente pour assurer la connaissance du monde.

Mais il pense que la conscience possède les moyens de corriger cette déficience par l'opération de l'entendement : le morceau de cire est ainsi jugé comme substance identique malgré la diversité de ses apparences sensibles (liquide ou solide) (Méditations métaphysiques).

Par cette opération, l'homme peut parvenir aux éléments simples, clairs et évidents de la réalité : la conscience est alors le moyen d'assurer le jugement que l'on a sur les choses. Dans la deuxième Méditation, Descartes observe un morceau de cire "qui vient d'être tiré de la ruche, il n'a pas encore perdu la douceur du miel qu'il contenait, il retient encore quelque chose de l'odeur des fleurs d'où il a été recueilli ; sa couleur, sa figure, sa grandeur sont apparentes : il est dur, il est froid, on le touche, et si vous le frappez, il rendra quelque son".

Connaître un corps, c'est apparemment le connaître par les caractères que nous percevons : son odeur nous renseigne sur son origine, ainsi que sa couleur, sa consistance, sa température, le son qu'il rend, sa forme et sa taille. Approchant ce bloc de cire d'une flamme, sa "saveur s'exhale, l'odeur s'évanouit, sa couleur se change, sa figure se perd, sa grandeur augmente, il devient liquide, il s'échauffe, à peine le peut-on toucher, et quoiqu'on le frappe il ne rendra plus aucun son".

S'agit-il de la même cire ? Tous les caractères distinctifs par lesquels on le connaissait ont disparu, mais "il faut avouer qu'elle demeure, et personne ne le peut nier".

Les organes des sens ne peuvent donc rien nous apprendre de stable ni de certain.

Ce que nous percevons de la cire ne nous apprend rien d'elle.

Fondue, il ne demeure d'elle que quelque chose de flexible, d'étendu et de muable.

Imaginant la cire je ne connaîtrai rien de plus d'elle ; flexible et malléable, elle pourrait prendre une infinité de figures que mon imagination ne peut se représenter.

Par conséquent, il reste qu'il n'y a que "mon entendement seul qui conçoive ce que c'est que cette cire".

Conçue par l'entendement ou l'esprit, cette cire n'est pas une autre cire que celle dont je fais l'expérience sensible, mais seule une inspection de l'esprit me permet de la connaître, et non pas la vue, le toucher ou l'imagination. II Le jugement comme forme de la conscience : Kant et Husserl -Kant va plus loin que Descartes dans la Critique de la raison pure : non seulement la conscience est ce qui permet d'accéder au jugement légitime (évidence des éléments simples), mais le jugement est la structure même de la conscience.

Toute conscience est donc d'abord et toujours jugement, même la simple conscience perceptive : le jugement dans l'expérience courante consiste ainsi à rendre possible l'expérience de l'objet dans le temps et l'espace.

Cependant, ce jugement se limite à la sphère du sensible : cette extension du jugement se fait au prix de la connaissance de la substance, inatteignable selon Kant, contrairement à Descartes. -Husserl étend lui le jugement à tout le domaine de la conscience (Idées directrices pour une phénoménologie) : toute conscience est nécessairement conscience d'un objet, et tout objet n'a de sens que pour une conscience.

La co-extension (même domaine d'application) de la conscience et du jugement est permise par l'abandon chez Husserl de la substance (chose en soi) que Kant mettait hors de portée du jugement : pour Husserl, la chose en soi n'est rien d'autre que la somme des apparences sensibles de cette chose, dont la conscience peut juger.. »

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