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Autrui: sympathie, contagion, confusion ?

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« VOCABULAIRE: SYMPATHIE: Du grec, sun-pathein: éprouver avec.

Participation aux sentiments d'autrui. AUTRE / AUTRUI : 1) Comme Adjectif, différent, dissemblable.

2) comme Nom, toute conscience qui n'est pas moi.

3) Autrui: Tout homme par rapport à moi, alter ego: "Autrui, c'est l'autre, c'est-à-dire ce moi (ego) qui n'est pas moi (alter)." (Sartre).

Les autres hommes, mon prochain.

C'est à la fois l'autre et le même (mon semblable, un moi autre, une personne). Scheler : compatir avec l'autre Ne serait-ce pas plutôt l'expérience de l'amour, de l'amitié, de la sympathie qui serait susceptible de nous procurer une communication authentique avec d'autres consciences ? Déjà, Saint-Augustin notait qu'on ne «connaît personne sinon par l'amitié» et Max Scheler a développé la thèse selon laquelle la sympathie serait la forme privilégiée de la communication des consciences. Distinguons bien l'amitié de la camaraderie.

Sans doute, dans la camaraderie y a-t-il une communication, mais l'origine de la communication est extérieure aux personnes des camarades (c'est la participation à une même classe au lycée, ou à un même groupe de combat, ou à un même parti politique).

Comme dit très bien Jean Lacroix : « Les camarades s'oublient...

dans leur oeuvre...

Le but de la camaraderie c'est ce que l'on fait ensemble, non ceux qui le font ; on pourrait dire en un sens de l'univers de la camaraderie qu'il est purement public.

La vie privée n'y a aucune part»2.

Au contraire, l'amitié n'est plus participation à une oeuvre extérieure au moi, mais don véritable de personne à personne (ce qui n'exclut pas la recherche commune d'un dépassement de soi ; « ils s'aiment non pour ce qu'ils sont mais pour ce qu'ils espèrent devenir l'un par l'autre»). De la même façon, il convient de bien distinguer — à la suite de Max Scheler — la sympathie véritable de la simple contagion affective (Einfuhlung).

La contagion affective est une participation passive, inconsciente et involontaire aux sentiments d'autres personnes.

Par exemple, en entrant dans la brasserie, je sens ma tristesse disparaître, je me mets à rire, à parler fort, à chanter comme les autres et un sentiment d'euphorie m'envahit.

Cette contagion psychique n'est aucunement une « connaissance» de ce qui est éprouvé par autrui.

En fait, les attitudes prises, les gestes accomplis déterminent ici presque irrésistiblement des états de conscience que j'éprouve pour mon compte sans chercher à rejoindre la personne d'autrui.

Bien loin d'être un acte de la personne comme est la vraie sympathie, la contagion affective est en réalité une abdication de la personne, la démission d'un moi trop suggestible qui se laisse envahir sans contrôle par des automatismes liés à des états affectifs.

Ainsi, lorsque la panique s'empare d'une foule et que tout le monde s'enfuit, je puis me sentir irrésistiblement entraîné à imiter ces gestes de fuite et l'épouvante — liée à ce comportement — s'empare de moi.

Je partage la frayeur de cette foule, mais je ne puis dire que je suis réellement entré en communion avec mes voisins.

Si Nietzsche a sévèrement condamné la pitié, c'est précisément parce qu'il l'a confondue avec une contagion mentale de ce genre.

Dès lors, la pitié n'est plus que la transmission en chaîne de la souffrance, une contagion de malheur, une déperdition de vitalité qui multiplie la souffrance au lieu de la guérir. Max Scheler a bien montré que la vraie pitié, que la sympathie authentique est tout autre chose.

Si j'ai pitié de l'autre, c'est précisément parce que je ne suis pas malheureux moi-même, parce que je n'éprouve pas sa misère.

Si je souffrais comme lui, je serais moi-même objet de pitié et non conscience compatissante.

En réalité, la sympathie transcende l'affectivité.

Elle est un acte de la personne qui vise la souffrance ou la joie d'une autre personne, qui les reconnaît plus qu'elle ne les éprouve.

Gide, par exemple, déclare à propos de sa femme « Par sympathie, je parvenais à comprendre ses sentiments, je ne pouvais les partager» '.

Et Max Scheler assure que je puis «fort bien comprendre l'angoisse mortelle d'un homme qui se noie sans pour cela éprouver rien qui ressemble même de loin à une angoisse mortelle».

Bien plus, je puis comprendre selon Max Scheler des émotions que je n'ai jamais éprouvées moi-même.

Je lis dans ce visage une pureté, une candeur que je n'aurais pas soupçonnées auparavant.

Ce regard furieux me signifie une qualité, une intensité de haine que jamais je n'aurais cru possibles.

Pradines écrit dans cette perspective que « nous pouvons sympathiser même avec des sentiments que nous ne saurions éprouver soit qu'ils nous dépassent soit au contraire que nous les dépassions, avec la tristesse de Jésus à Gethsemani ou avec les petits chagrins d'un enfant».

La connaissance d'autrui bien loin de me renvoyer comme dans la théorie de l'analogie à des expériences familières, élargit au contraire mon horizon, m'apporte d'incessantes révélations.. »

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