Autrui, médiateur entre moi et moi-même ?
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«
Définitions:
MOI (n.
m.) 1.
— Désigne le sujet en tant qu'il se pense lui-même.
2.
— Idée que se fait de lui-même un individu
quelconque.
3.
— (Psychan.) Instance de la seconde topique freudienne (opposé au ça et au surmoi), le moi (das
Ich) dépend des revendications du ça et des impératifs du surmoi ; il apparaît comme un facteur de liaison des
processus psychiques et représente le pôle défensif de la personnalité.
Autrui
Désigne l'autre, en tant qu'il est cependant mon semblable.
Autrui est un alter ego, c'est-à-dire à la fois un autre
moi, et un autre que moi.
C'est cet entrelacement du même et de l'autre en autrui qui fait l'objet d'un
questionnement philosophique.
On pourrait presque dire que la philosophie du XXe siècle a « découvert » autrui.
Peut-être est-ce dû à la
disparition, qui caractérise notre siècle, du rapport à la transcendance.
Perdue avec la « mort de Dieu » annoncée
par Nietzsche, cette transcendance ne se révèle-t-elle pas dans le rapport à autrui, qui est toujours ce qui échappe
à ma puissance ? Ainsi, le philosophe français Emmanuel Lévinas veut retrouver dans la simple saisie d'un visage une
certaine expérience de l'absolu.
Pourquoi ? Parce que « la peau du visage est celle qui reste la plus nue, la plus dénuée » (Éthique et infini, 1982).
C'est parce qu'un visage est toujours exposé et constitue une sorte d'invitation à la violence, qu'il impose une
exigence éthique absolue de respect et nous interdit de tuer.
On ne rencontre donc pas autrui comme un objet.
Le problème que pose autrui est qu'il est à la fois autre que moi
et un autre moi.
Hegel avait déjà montré que le premier rapport à l'autre est de le nier comme autre, de désirer le
propre désir de l'autre, donc de le « chosifier », puisque c'est par le désir qu'une conscience se pose parmi les
choses et leur résiste.
D'où l'importance du regard que souligne Sartre : il est ce qui, pour nous, peut faire exister
autrui comme sujet ou, au contraire, le nier en le chosifiant.
Dans sa pièce Huis clos (1944), Sartre décrit trois
personnes en enfer, après leur mort.
Il n'y a aucun feu éternel, ni instruments de torture, mais les trois personnages
sont à jamais réunis dans une pièce, chacun exposé au regard de l'autre, et enfermé dans ce regard malgré toutes
les justifications qu'il essaye de donner de sa vie passée.
C'est là une expérience que chacun de nous aura pu faire
: celle de n'être pas jugé « comme on sait au fond de soi qu'on est ».
C'est ce qui fait dire à Sartre, à la fin de Huis clos : « L'enfer, c'est les autres ».
Mais il faut bien comprendre le
sens de cette formule et, surtout, ne pas la prendre pour une invitation à la solitude.
Elle signifie que l'autre est une
médiation nécessaire entre moi et moi-même.
Si cette médiation peut être « infernale », aliénante — au sens propre
du mot « aliénation » (alius, « autre ») —, elle est néanmoins nécessaire à la construction même de soi.
Un monde
sans autrui est un monde inhumain, et même impossible, parce que je ne peux exister comme conscience que pour
une autre conscience, et par elle être reconnu.
Si l'on rencontre parfois, dans l'existence quotidienne, des problèmes avec les autres, l'on ne fait pas pour autant
d'autrui un problème.
Réfléchir sur le rôle d'autrui vis-à-vis de moi-même, autrement dit poser la question du rapport
moi-autrui, voilà qui semble-t-il appartient en propre au domaine de la philosophie.
C'est ainsi que Jean-Paul Sartre,
parlant dans l'Être et le Néant du « problème » de l'existence d'autrui, affirme qu' « autrui est le médiateur
indispensable entre moi et moi-même ».
Nous analyserons dans un premier temps les termes employés par Sartre
dans cette phrase.
Nous nous apercevrons alors que des questions apparaissent à propos de la phrase.
De quelle
façon en effet autrui se présente-t-il chez Sartre comme un médiateur ? En replaçant l'affirmation dans son
contexte, nous constaterons que la relation moi - autrui est surtout posée dans l'Être et le Néant de façon
conflictuelle.
Or une telle façon de voir n'est-elle pas par trop unilatérale ?
La réponse à cette question pourrait bien nous conduire à remarquer que la relation moi-autrui est fondée sur des
présupposés qui n'ont pas toujours été très clairement explicités..
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