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Apprendre est-ce seulement s'informer

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« Réflexion sommaire sur les implications de la question. Peut-on réduire le fait d'apprendre au fait de s'informer ? La question posée invite à réfléchir sur les limites éventuelles de l'information.

Au sens strict, celle-ci est transmission neutre de renseignements sur un événement déterminé, ou un domaine particulier.

Par exemple, s'informer sur un conflit armé, c'est recueillir toutes les indications possibles sur le déroulement de ce conflit, sur les faits marquants qui le caractérisent.

Les observations transmises permettent-elles à elles seules de comprendre réellement ce qui arrive? Rien n'est moins sûr.

Une connaissance des causes, de l'histoire proche et lointaine, est requise pour qu'une véritable intelligibilité de l'événement soit obtenue.

Si je ne pense authentiquement apprendre qu'en comprenant, la seule information reste insuffisante.

Éclatée, descriptive, à la surface des choses, elle ne peut faire sens.

Reconstruite, interprétée, elle dépend du point de vue particulier du journaliste - sauf si celui-ci fait effort pour présenter des connaissances qui permettent d'éclairer l'événement qu'il raconte.

Mais dans cette hypothèse, il sort de son rôle strict, pour instruire.

On ne peut plus dire alors qu'il se contente d'informer. Approche de l'enjeu de la question. Le rôle propre de l'École est d'instruire, ou plutôt de faire en sorte que les élèves (ceux qui s'élèvent) s'instruisent : la forme pronominale indique avec force l'activité d'un sujet qui, tout en apprenant, développe sa capacité de réflexion et, finalement, n'apprend véritablement que ce qu'il comprend, c'est-à-dire ce qu'il fait sien par l'exercice personnel de son jugement.

Une telle démarche est donc irréductible à la simple mémorisation d'informations ou de savoirs dont ne seraient compris ni les principes ni les enjeux.

Ceux qui, de plus en plus nombreux aujourd'hui, affirment que l'École n'a plus le monopole de la «transmission des connaissances» n'ont raison qu'en apparence, car ils confondent en fait information et connaissance, et oublient que connaître, ce n'est pas seulement engranger des informations.

Malentendu tout à fait contestable, qui consiste à penser le rôle de l'École sur le modèle de la simple transmission journalistique d'informations, pour ensuite affirmer que l'École...

n'est pas le seul lien de cette transmission ! La critique d'un tel contresens devra montrer au contraire que l'École ne transmet pas, à strictement parler, des informations (car elle instruit, ce qui n'est pas la même chose).

Son rôle est autre, et unique, dès lors qu'elle vise à développer l'autonomie du jugement.

Il sera donc tout à fait utile de réfléchir précisément sur la différence entre le fait d'apprendre, et celui de s'informer.

Quitte d'ailleurs à préciser l'éventuelle articulation des deux démarches, après avoir souligné que s'informer ce n'est pas seulement «recevoir» des informations, mais les chercher soi-même.

Une telle recherche, remontant aux causes lointaines et souvent oubliées, ou passées sous silence, des événements, permet de relativiser le commentaire simplement journalistique, trop souvent soucieux de spectaculaire.

Elle délivre donc, par l'accès à l'histoire profonde, des fascinations de l'immédiat et des préjugés du moment. INTRODUCTION Dans la société contemporaine, l'information occupe une place majeure (rôle des différents médias, fascination du public pour l'image télévisuelle...).

Mais est-elle suffisante pour constituer un savoir progressif et fournir à qui la consomme un apprentissage authentique? Si l'on examine ce qu'exige le fait d'« apprendre », ses conditions sont-elles remplies dès le simple fait de s'informer? I.

LIMITES DE L'INFORMATION — Au sens général, l'information implique: • un rapport au quotidien: elle est dès lors périssable et peu cumulative; • une tendance (récente, mais de plus en plus prononcée) au spectaculaire: elle se condamne par là à rester superficielle; • une tendance à la multiplication.

Problème : comment mémoriser (ou faire un choix dans) la totalité des informations? — «Apprendre» a plusieurs sens, entre autres: • un sens événementiel (j'ai appris le mariage de mon cousin); • un sens relatif à l'exercice de la mémoire (apprendre par coeur); • un sens désignant des exercices pratiques ou intellectuels exigeant de la durée (apprendre un métier manuel ou une langue étrangère); • un sens propre à la «didactique»: apprendre une méthode, apprendre à apprendre. — Dès ce, premier repérage, il apparaît que s'informer ne peut correspondre à ces différents niveaux — mais seulement au premier, et partiellement au second. II.

ÉVÉNEMENTS ET STRUCTURATION — L'information est événementielle (du moins au quotidien).

Elle couvre des domaines hétérogènes (politique, culture, sports, vulgarisation, etc.) qui peuvent, pour un individu, se présenter comme concurrents ou incompatibles. — L'accumulation des informations ne se structure (dans un domaine choisi) que si le sujet a d'abord appris à les structurer. — Tout traitement des informations suppose ainsi que le mode de traitement ait été antérieurement acquis, indépendamment des informations elles-mêmes. — Si l'événement que rapporte l'information est éphémère, s'informer n'engage pas, ou très peu, la mémoire, 'à l'inverse de l'apprentissage. III.

APPRENDRE, S'INFORMER: POURQUOI ? — Ce qui résulte de l'apprentissage est un savoir (pratique, technique, théorique), c'est-à-dire un acquis durable (même s'il nécessite un entretien périodique), susceptible de conférer un pouvoir, ou du moins une efficacité. — L'accumulation des informations ne constitue pas un savoir authentique — tout au plus un stock d'exemples ou d'arguments pour alimenter une discussion ou briller dans «le dernier salon où l'on cause». — Cf.

l'opposition classique, déjà soulignée par Montaigne, entre la tête bien faite» (capable de maîtriser et d'organiser son savoir) et la «tête bien pleine» (bourrée d'informations). — Si l'on préfère, cf.

Hegel : la lecture des journaux du matin est le bénédicité du philosophe — mais c'est précisément parce que ce dernier est capable, grâce au sens qu'il a appris à repérer, de saisir la signification de l'information et de n'en retenir que ce qui compte (ou comptera). CONCLUSION S'informer, c'est recevoir les échos du monde ou d'un de ses aspects.

Cela peut favoriser la passivité de l'esprit, son simple gavage insignifiant.

Apprendre implique toujours un choix, une décision et un travail actif.. »

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