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Altruisme et solidarité

Publié le 19/02/2024

Extrait du document

« L’acte altruiste que l’on prétend distinguer de l’égoïsme est toujours en définitive une action accomplie selon l’intérêt de son auteur.

Que ce dernier sacrifie jusqu’à sa vie pour un Dieu, pour un guide vénéré, pour sa patrie ou pour ses enfants, c’est toujours parce que le sacrifice lui a paru moins pénible que son absence.

La satisfaction personnelle de l’auteur est bien le mobile ultime de sa décision. Cet argument laisse inexpliqué le moment où la satisfaction personnelle de l’auteur vient à dépendre du sacrifice en question.

Firmin donne sa vie pour sauver celle de son guide bien-aimé.

Firmin a bien recherché sa propre satisfaction car pour lui la vie sans le guide bien-aimé, sans le sacrifice pour le guide bien-aimé, était pire que la mort. Cependant, il y eut une période dans la vie de Firmin où la vie était préférable au possible sacrifice pour le guide bien-aimé sans parler de la période où le guide bien-aimé était inconnu de Firmin. Il y eut donc un moment dans le passé de Firmin où la vie du guide bien-aimé est devenue plus importante que sa propre existence, un moment où Firmin est passé d’un état d’esprit à l’autre.

Or, du point de vue de la satisfaction de Firmin, la conditionner à l’existence du guide bien-aimé paraît absurde.

L’assimilation de l’altruisme et de l’égoïsme n’explique pas pourquoi la satisfaction de Firmin est subordonnée à son sacrifice.

Que le sacrifice au profit du guide soit le choix lui apportant la plus grande satisfaction au vu de l’état d’esprit actuel de Firmin est une chose.

Qu’il en soit ainsi du changement d’état d’esprit de Firmin en est une autre. Le mobile ultime Quoi que l’on puisse penser du raisonnement qui précède, la reconnaissance de la satisfaction de l’auteur comme mobile ultime commun n’empêche pas de distinguer égoïsme et altruisme.

Nous proposons la définition provisoire suivante (car elle est appelée à être corrigée dans la suite) : est altruiste tout acte où l’auteur fait passer sa satisfaction personnelle par la satisfaction d’autrui ; est égoïste tout acte où l’auteur ne fait pas passer sa satisfaction personnelle par la satisfaction d’autrui. Préciser les caractéristiques concrètes de cette distinction se révèle plus ardu. Un acte altruiste implique qu’un service soit rendu à autrui et donc une interaction entre l’auteur et autrui.

Pour être nécessaire, cette condition n’est nullement suffisante. Personne ne qualifierait d’altruiste, même en rendant justice à la part d’intégrité qu’il implique, l’exercice rémunéré d’une activité professionnelle car la motivation essentielle de cette activité n’est pas altruiste.

L’interaction n’est pas recherchée pour elle-même mais en vue d’un but matériel particulier de l’auteur qui lui est extérieur. La recherche de l’interaction avec autrui pour elle-même est-elle le critère que nous cherchons ? Mais devrions-nous qualifier d’altruiste celui dont la passion est de se 1 produire sur scène ? Le mondain ayant le goût d’organiser des dîners réunissant de nombreux convives ? L’ambitieux recherchant le pouvoir politique ou la célébrité ? Ou encore celui qui tient à vous inonder du flot de ses paroles ? Là encore, une réponse négative s’impose quels que soient les services réellement rendus par ceux-là. Le rôle paradoxal de l’altruisme Pour avancer et éclairer le rôle paradoxal de l’interaction dans l’altruisme, prenons l’exemple d’un acte dont le caractère altruiste ne fait aucun doute, tels les soins prodigués par des parents aimants pour leur enfant malade.

S’ils sont réellement aimants, ces parents accepteront en effet de renoncer à donner certains soins à leur enfant en faveur d’un médecin plus qualifié qu’eux pour cela. L’acte altruiste suppose toujours une interaction avec celui que l’on aide mais plus l’altruisme est pur, plus la recherche de cette interaction est susceptible de disparaître au profit du résultat auquel elle contribue.

L’altruiste accomplit son action pour aider autrui mais autrui doit compter davantage que l’action elle-même. Il est temps de corriger la définition jusqu’ici retenue de l’altruisme et de l’égoïsme.

J’ai énoncé que l’acte égoïste était celui où l’auteur ne fait pas passer sa satisfaction personnelle par la satisfaction d’autrui.

Ce midi, j’ai mangé.

Ce faisant, je n’ai pas fait passer ma satisfaction personnelle par celle d’autrui.

Diriez-vous que j’ai été égoïste ? Non, car ce comportement vous semble tout à fait normal.

C’est seulement lorsque dans une action la satisfaction d’autrui est anormalement négligée que l’on parle d’égoïsme. Au vu de cette notion de normalité, l’altruisme et l’égoïsme peuvent être intégrés à la configuration suivante : 2 Enfin, substituer à la satisfaction d’autrui une notion plus large rendra ces définitions plus justes.

En agissant pour autrui sa satisfaction ou du moins sa satisfaction immédiate n’est pas toujours notre premier mobile.

Comme le souci d’autrui est compatible avec des conceptions très différentes de ce qui lui est nécessaire, le mot qui convient est « bien ». Ainsi, dans l’égoïsme le bien d’autrui est anormalement négligé et dans l’altruisme nous agissons pour son « bien ».

Puisque nous voilà placés sur le terrain de la morale, celle-ci est-elle du côté de l’égoïsme ou de l’altruisme ? Altruisme et égoïsme devant la morale Le sens du mot normal dans le précédent tableau était délibérément ambigu car il peut désigner aussi bien le comportement ou la caractéristique le plus fréquent d’une population que celui qui est prescrit par la morale, par la norme.

Si les deux sens se rejoignent souvent dans la pratique comme l’atteste le lien du mot moral avec le mot mœurs, la morale reste plus exigeante que le comportement effectif de la masse. Dans notre tableau le terme normal était employé dans la première acception ; adoptons la seconde et étudions maintenant égoïsme et altruisme sous l’angle de la morale.

Tout en restant confiant dans le fait qu’elles concordent au.... »

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